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Dans l’épisode du jour, je reçois Mohamed B., papa depuis l’âge de 26 ans et père de trois enfants. Il partage comment l’arrivée au monde de ses enfants l’ont poussé à opérer des changements en lui pour assumer son rôle de père avec science et responsabilité.
Transcription
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Noureddy
Mohamed, salam aleykom wa rahmatoullah wa barakatouh, que la paix soit sur toi.
Mohamed B.
Aleykom salam wa rahmatoullahwa barakatouh (que la paix soit sur toi).
Noureddy
Comment vas-tu ?
Mohamed B.
Très bien, j’espère que tu vas bien de ton côté également.
Noureddy
Moi, alhamdoulilah (Dieu soit loué), ça va très bien aussi. Mohamed, est-ce que tu peux te présenter s’il te plaît ?
Mohamed B.
Oui, très rapidement je me présente, Mohamed Beya. Je suis marié, je suis le papa… de trois enfants. J’ai 40 ans et je travaille dans le service solidarité dans un grand groupe énergéticien.
Noureddy
Très bien, d’accord. Donc tu as 40 ans aujourd’hui, ça fait combien de temps que tu es père ?
Mohamed B.
Ma plus grande, du moins la première, elle a 14 ans.
Noureddy
La plus grande elle a 14 ans, donc depuis 26 ans tu es père.
Mohamed B.
Depuis… Non depuis 14 ans…
Noureddy
Depuis l’âge de 26 ans je voulais dire.
Mohamed B.
Oui voilà oui depuis l’âge de 26 ans oui voilà pardon.
Noureddy
Mashallah, mashallah (Dieu soit loué). Très bien Mohammed. Notre sujet du jour c’est comment les enfants nous influencent et je voulais commencer cette entrevue par le début, ton début en tant que père. Donc ta femme accouche tout d’un coup tu deviens père. Comment tu t’es senti à ce moment là ?
Mohamed B.
C’est un mélange d’émotions. En fait, ce n’est pas une seule émotion, ce n’est pas un seul état, mais c’est un mélange. Il y a énormément de joie, de fierté, mais il y a aussi un sentiment de responsabilité. On sent quelque chose sur les épaules et également un sentiment de peur, on peut dire.
Parce que, subhanallah (Dieu soit Exalté)… en règle générale dans la vie, dans chaque domaine, pour la moindre petite chose, on va te demander soit un diplôme, soit une formation, soit une certification, quelle que soit la certification, mais on te demande d’être passé par un certain processus pour pouvoir prétendre à tel poste, à telle école, telle autre. Mais pour le rôle le plus important dans la vie d’un homme, savoir d’être papa, on n’a rien. Tu commences, tu n’as aucune notion. Donc il y a quand même ce sentiment de peur, parce que ce n’est pas rien quand même. Et on découvre, entre guillemets, le rôle de papa au fur et à mesure. Donc oui, c’est un mélange de tous ces sentiments.
Noureddy
Donc des sentiments de joie et de peur. Un mélange de joie et de peur.
Mohamed B.
Oui, de joie, de fierté, un peu de… Peut-être pas de la peur, mais de l’inquiétude peut-être.
Noureddy
De l’appréhension.
Mohamed B.
Oui, l’appréhension. Barakallahoufik (Dieu te bénisse).
Noureddy
Donc, tu es père à 24 ans. Tu as cette petite créature qui vient juste d’apparaître devant toi, et dont tu es le père. Qu’est-ce que ça fait ?
Mohamed B.
C’est difficile à décrire. En fait, ça fait partie… Tu vois, il y a certains, entre guillemets, événements dans la vie qui… qu’on ne peut pas décrire en fait. Ça se vit. Quand bien même j’utiliserais tous les mots que je pourrais, ça ne se décrit pas en fait, ça se vit.
C’est un sentiment qui est tellement intense, qui est tellement fort que ça ne se décrit pas. C’est comme si une personne qui n’a jamais vu, qui ne sait pas ce que c’est qu’une orange, et qu’on essaye de lui expliquer, je vais lui dire, c’est un fruit, c’est rond. il faut l’éplucher, c’est juteux, sucré, etc. On aura une vague idée, mais ça ne sera jamais la même chose que si je lui dis, tiens, voici une orange, goûte, bismillah. C’est autre chose, ils s’imprègnent, ses papilles gustatives comprennent, donc c’est tout autre chose, mais c’est pareil pour eux.
Ce sentiment-là, c’est un sentiment, c’est comme s’il y avait un petit… Une petite métaphore, mais elle va symboliser un petit peu, mais c’est comme si tu as un nuage d’amour au-dessus de toi, et tu es dans une bulle avec toi. Toi et cette petite créature qu’Allah t’a confiée.
Noureddy
D’accord, très bien. C’est assez nouveau comme métaphore. Je n’ai jamais entendu parler de ça. Donc le nuage, la bulle, on dirait qu’on est dans un autre monde.
Mohamed B.
C’est ça, le temps il s’arrête en fait, c’est des instants qui sont… sobhanallah (Dieu soit Exalté). C’est vraiment… Moi je vous dis, personnellement c’est difficile à décrire. C’est quelque chose de plus qui se vit qu’autre chose.
Noureddy
Très bien, d’accord. Donc ta fille aînée est née, sans jeu de mots bien sûr. Donc commence ta vie en tant que père de ce bébé. Une fois que ta femme et ton enfant sont rentrés à la maison, comment ton quotidien a changé ? Quelles sont les nouvelles habitudes que tu as acquises ?
Mohamed B.
Il y a beaucoup de choses qui changent. Surtout avec le premier, tu découvres un nouveau monde. Déjà, le simple fait de se marier, c’est déjà une étape dans sa vie. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup de choses qui changent. Mais avec la naissance d’un enfant, c’est encore autre chose. C’est une nouvelle organisation qui s’organise. Au sein de la maison, au sein du couple. Tu découvres certaines choses que tu as entendu parler, mais quand tu les vis, c’est autre chose. Les nuits qui sont courtes, il y a pas mal de choses qui changent. Et après, au fur et à mesure du temps, il y a encore d’autres habitudes que tu t’efforces d’appliquer.
Noureddy
D’appliquer et d’acquérir. Les nuits courtes que tu viens de mentionner, c’est quelque chose qui peut faire peur à de futurs pères, non ?
Mohamed B.
Oui, c’est possible, mais en réalité, quand bien même la nuit est courte, le simple fait de prendre sa fille, son fils dans ses bras et de voir un sourire, on oublie tout. Et c’est passager. Ce n’est pas quelque chose qu’on sait que ça va durer le temps que ça va durer, mais quand bien même ça peut être éprouvant avec le travail et autres, mais ça reste quelque chose de passager.
Noureddy
D’accord, très bien. Comment ont évolué tes habitudes avec la croissance de ton enfant ?
Mohamed B.
De quelle habitude tu parles, par exemple ? Ton quotidien ?
Noureddy
Ton quotidien, c’est ça. Là, tu décrivais des nuits potentiellement courtes. En fait, si tu pouvais plus développer. Comment tu étais avant la naissance de ta fille aînée et qu’est-ce qui a changé après ? Donc, imagine là, tu es avec ta femme, vous êtes encore mariés, fraîchement mariés, d’accord ? Vous aviez des habitudes. Avec la naissance de ta fille, je suppose que tu as changé d’habitudes, tu as ajouté des choses, tu as enlevé certaines choses, n’est-ce pas ?
Mohamed B.
Oui, mais il y a beaucoup de choses qui changent, mais qui sont naturelles, mais que peut-être que tu découvres par la suite, mais voilà. Ne serait-ce qu’on va dire dans les choses pratico-pratiques, dans le quotidien. C’est rien, mais c’est entre guillemets tout s’allonge au niveau du temps. Et tu as beaucoup de choses à prévoir.
Tu veux sortir quand tu es en couple, tu vas aller sortir faire les courses. On se prépare et on sort et on va aller faire les courses. Quand tu es un enfant, ça demande plus de temps. Tu dois la préparer, tu dois changer les couches, tu dois préparer le sac à manger, tu dois préparer ceci, cela, tu descends, la poussette, mettre dans le coffre, etc. C’est des petits trucs pratico-pratiques que tu découvres, en tout cas personnellement, que j’ai découvert.
Mais bon, ce n’est pas trop, entre guillemets, ces choses-là qui font évoluer. C’est plus sur la partie éducation, c’est là où tu changes de paradigme. Tu prends conscience de beaucoup d’autres choses.
Noureddy
D’accord. Est-ce que tu peux parler justement de ces quelques choses qui sont apparues après que tu sois devenu père ? À quoi tu as pensé après la naissance de ta fille ?
Mohamed B.
Déjà, je suis devenu beaucoup plus curieux dans le bon sens du terme. C’est-à-dire que tu as envie de transmettre le meilleur à ton enfant. Donc, automatiquement, t’es obligé de t’initier à certaines choses.
Moi, par exemple, j’étais pas vraiment… J’étais pas du tout un lecteur. J’appréciais vraiment pas la lecture. C’est pas quelque chose qui m’attirait plus que cela, entre guillemets. Mais voilà, je me suis vraiment mis sur la lecture, sur l’écoute de différentes conférences, de pas mal de choses que je voulais, moi, m’imprégner pour pouvoir les transmettre à mes enfants. Parce que tu ne peux pas transmettre quelque chose que tu ne possèdes pas. Donc, tu es forcé, obligé de les rechercher, de les comprendre, de les mettre en pratique pour pouvoir les transmettre.
Noureddy
D’accord. Donc là on a un élément qui ressort, c’est donc pour le bien de ta fille, tu as dû apprendre, bah apprendre en fait. Tu as développé une curiosité, une soif de connaissances pour être sûr que ta fille ne manque pas de connaissances… dans sa croissance on va dire.
Mohamed B.
Oui c’est ça, on peut dire il y a ça mais… Pareil, après quand elle a grandi, quand j’ai eu le second, le troisième, enfin le dernier aussi, il y a beaucoup de compétences que j’ai cherché à acquérir. Le fait de savoir écouter, le fait de prendre le temps d’écouter, le fait d’apprendre à communiquer avec eux. Parce qu’on ne communique pas de la même façon un enfant avec un bébé ou un ado. Donc il y a pas mal de… pas mal de choses que tu t’efforces à vivre au quotidien.
Noureddy
D’accord, très bien. C’est bien que tu aies mentionné les compétences, parce que j’allais y venir justement. Donc là, tu as présenté le développement des compétences en communication. Est-ce que tu as d’autres compétences que tu as développées à l’occasion ? Peut-être que tu as développé d’autres compétences avec la naissance de ton fils et de ta deuxième fille.
Mohamed B.
Oui, c’est principalement celles que je t’ai dit.
Noureddy
D’accord.
Mohamed B.
La communication. Ça va être la communication, l’écoute. Parce que savoir communiquer, c’est une chose, mais savoir écouter, c’est encore autre chose. Et cette curiosité de… De vouloir chercher à apprendre constamment.
Noureddy
D’accord. Est-ce que tu te considérais une personne à l’écoute avant la naissance de ta première fille ?
Mohamed B.
Peut-être que je pensais être à l’écoute, mais est-ce que je l’étais véritablement ? Je ne pense pas.
Noureddy
Aujourd’hui, quand on parle d’une personne à l’écoute, comment tu comprends cette… cette notion de personne qui est à l’écoute.
Mohamed B.
L’écoute, déjà, je la définis avec mes enfants. L’environnement, déjà, il a son impact. Si je veux l’écouter, je ne vais pas être debout dans le couloir avec elle ou avec lui. On va aller ensemble dans sa chambre. On va s’asseoir et je vais essayer de mettre un climat qui est relativement… agréable pour qu’elle puisse ou qu’il puisse se livrer à moi tout simplement mais avec une écoute active. Je suis focalisé sur vraiment sur ce qu’elle me dit et je vais répéter certains de ces mots pour bien comprendre ce qu’elle veut me transmettre.
Noureddy
Très bien. Et ce que tu viens de décrire là est ce que ça te qualifiait avant la naissance de ta première fille ?
Mohamed B.
Non, moi, je n’étais pas du tout dans cela, parce que je n’étais pas confronté à ça. Moi, pourquoi je me suis mis à développer cette écoute, c’est simplement pour que… Ce que j’aspire, ce que j’aspirais, c’est que mes enfants puissent venir se confier à moi. Quoi qu’il se passe, que ce soit une chose difficile ou autre, ou même une bêtise, une erreur, ce n’est pas grave, que j’aie l’honneur et le privilège qu’il puisse venir se confier à moi. Parce que c’est un signe de confiance, c’est un signe que, alhamdoulilah (Dieu soit loué), on a pu instaurer certaines choses qui fait que malgré qu’elle sait ou qu’il sait qu’il va peut-être avoir une punition, c’est pas grave, elle est quand même venue se confier à moi. Je préfère qu’elle se confie à moi plutôt qu’elle va se confier à quelqu’un d’autre.
Noureddy
Très bien, d’accord. Et donc, à l’époque où tu étais juste avec ta femme, donc cette capacité d’écoute n’existait pas ?
Mohamed B.
Je ne vais pas dire qu’elle n’existait pas, mais c’est de l’écoute naturelle. On discute, on échange et autres, mais une écoute attentive, une écoute où même moi, je me prépare à écouter. Ce n’est pas je viens et je m’installe et voilà. Non, là, je sais que je vais me mettre avec ma fille, avec mon fils. Donc je suis 100% avec elle. Je n’ai pas de téléphone, je n’ai rien et je me pose avec elle. Et je suis vraiment dans cette posture-là.
Noureddy
Très bien, d’accord. Mohamed, est-ce que tu peux rappeler les âges de tes enfants, si ça ne te dérange pas ?
Mohamed B.
Non, pas de soucis. La plus grande, je t’ai dit, elle a 14 ans. Le second, Mohamed Amin, il a 11 ans. Et la dernière, Ihsen, a 4 ans.
Noureddy
Très bien, d’accord. Donc on a des tranches d’âge assez intéressantes, puisque l’aînée, elle a franchi… Enfin, ils sont tous les trois dans différentes phases, en fait.
Mohamed B.
Oui, c’est ça.
Noureddy
D’accord, très bien. Et je suppose que, vu les… donc vu ta situation, tu as dû acquérir aussi la capacité à t’adapter au fils ou à la fille avec qui tu parles. Parce que tu ne vas pas parler à ton aînée comme tu vas parler avec la benjamine. Et pareil, tu ne vas pas parler avec la benjamine comme tu vas parler avec le cadet.
Mohamed B.
Oui, c’est certain. Mais ça se fait presque que naturellement, ça.
Noureddy
D’accord, très bien. Donc, tu as appris, on va dire, la science et l’art de communiquer avec les enfants. Et il y a aussi ce côté naturel qui existe. Est-ce que tu penses que c’est du fait que tu avais déjà acquis des connaissances, ou bien que c’est quelque chose d’instinctif ?
Mohamed B.
Moi, je pense que ça reste instinctif. naturellement l’être humain il va pas s’adresser de la même manière qu’on s’adresse à un bébé qu’à un enfant et qu’à un ado.
Noureddy
Pour le commun des gens ça semble naturel, mais là on est un petit peu dans une démarche où on questionne un petit peu tout, puisqu’on a envie de comprendre tout et effectivement donc c’était l’évidence même qu’on va pas parler à un enfant de 4 ans comme on va parler à un enfant de… de 14 ans. Seulement, il y a des personnes qui leur échappent cette information-là. C’est pour ça que, quand même, j’ai envie d’être je dirais pas pointilleux, mais vraiment rigoureux dans cette…
Mohamed B.
D’apporter de la précision. Mais oui, c’est plus naturel, qu’autre chose, ce point-là.
Noureddy
Donc, l’aîné à 14 ans, aujourd’hui, Donc elle est en phase de devenir une jeune adulte. Et pendant ces 14 ans, il a dû se passer des choses avec ta fille. Quelle relation tu entretiens avec ta fille aînée ?
Mohamed B.
Une très bonne relation. Après, c’est toujours la relation, en règle générale, fille-papa, c’est toujours une relation privilégiée entre guillemets. Il y a beaucoup d’amour, il y a beaucoup de câlins parce qu’on est son modèle, on est son héros, on est son papa chéri, on est tout. Donc c’est privilégié ce rapport-là entre le papa et la fille en règle générale.
Après, à partir du moment où on rentre dans l’adolescence, à partir du moment où cette base a été… construite, nourrie et entretenue, ça facilite. Mais ça ne fait pas tout pour autant, parce qu’il y a beaucoup de choses qui vont être amenées à changer, notamment, on rentre au collège, donc il y a des amis, donc il y a différentes choses qui vont faire que… on arrive à une période où c’est, on va dire, les amis qui ont presque… je ne vais pas dire qu’ils ont plus, mais qu’ils ont une grande part d’influence sur l’enfant, sur l’adolescent du moins. D’où l’importance… là moi je suis actuellement dans une autre phase, si je cherche, je ne vais pas dire pas ou plus, mais je ne cherche plus à éduquer mes enfants, ce n’est pas que je ne cherche plus, mais je cherche à, entre guillemets, Je ne vais pas être prétentieux en disant éduquer, mais essayer de transmettre certaines valeurs aux amis de mes enfants.
Noureddy
Intéressant.
Mohamed B.
Je vais faire des activités, je vais faire certaines choses avec les amis de mes enfants.
Noureddy
Intéressant. Intéressant. Est-ce qu’ils sont réceptifs, ces amis-là ?
Mohamed B.
Oui, oui, honnêtement. Après, voilà, parce qu’on partage certaines valeurs, certaines notions qui font que… Et après, c’est essayer de lier l’utile à l’agréable. Ce ne doit pas être qu’une seule forme de transmission, tu vois.
Noureddy
D’accord, d’accord. Est-ce que ta fille aînée t’a influencé d’une quelconque manière ? À 14 ans, je suppose que l’enfant a eu largement l’opportunité d’apporter des nouveautés au sein du foyer, non ?
Mohamed B.
Oui, bien sûr. Mon aînée et le second et la troisième également. C’est certain en fait. Je fais… pas vraiment de distinction entre la première, le second et le troisième. C’est dans l’ensemble, elles ont, je ne vais pas dire chamboulé, mais elles m’ont changé beaucoup de choses dans notre quotidien.
Parce que voilà, à partir du moment où on est papa, je ne connais pas tous les papas au monde, ce qu’ils souhaitent c’est que leurs enfants soient un minimum meilleurs que nous-mêmes. Meilleurs qu’eux… Donc pour cela, il va falloir transmettre. Mais pour pouvoir transmettre, il faut déjà s’éduquer soi-même. C’est pour ça que je dis souvent que mes enfants, entre guillemets, ils nous éduquent plus qu’on les éduque. Donc bien entendu, on les éduque, on a une part également. Mais il y a beaucoup de choses qui changent, où notre manière de voir les choses sur certains aspects, ou sur la transmission, elle est vraiment… elle s’étoffe, elle s’élargit grâce à eux et ça va, ça touche à tous les niveaux de la vie que ce soit dans l’apprentissage, que ce soit spirituellement que ce soit à tous les niveaux.
Noureddy
Très bien donc tu viens de dire que les enfants nous enseignent eux aussi. Pour toi, ça a commencé avec l’acquisition de savoirs pour pouvoir aborder ta paternité de la meilleure des manières, d’aborder la paternalité avec science, comme j’aime bien le dire. Et tu as développé une capacité d’écoute avec la croissance de tes enfants. Est-ce que tu as développé d’autres compétences, d’autres capacités ?
Mohamed B.
C’est difficile de parler. Moi, je ne suis pas quelqu’un qui aime, je l’ai dit, qui aime me mettre en avant ou prétendre, tu vois, comme tu as dit, que j’ai développé certaines connaissances avec science, avec ceci. Je ne suis pas dans cette posture-là. Je ne prétends pas avoir une quelconque science. J’essaye simplement, autant se faire ce peu quotidiennement, de pouvoir m’élever, de m’éduquer pour pouvoir éduquer mes enfants. Tout simplement, mais je ne reste pas fermé sur telle ou telle vision.
Noureddy
Très bien, d’accord. Donc maintenant, je voudrais aborder l’aspect spirituel de ta paternité. Est-ce que, quand tu es devenu papa, on retourne encore en arrière, Est-ce que ce changement, le fait que tu sois devenu père, a apporté un changement dans ta pratique religieuse ?
Mohamed B.
Oui, bien sûr. Et même, on peut dire, énormément. Il y a beaucoup de choses qui ont changé, que ce soit au départ, que ce soit aujourd’hui, tout au long de ce parcours-là. Il y a énormément de choses.
Déjà ta relation avec Allah, le change ne serait-ce qu’à travers tes invocations que tu as à faire. Parce que quand tu es papa, tu ressens ce sentiment, malgré toi, d’humilité. Tu es forcé d’être humble. Parce qu’il y a beaucoup de choses que tu ne maîtrises pas. Et qu’est-ce que c’est rassurant, qu’est-ce que c’est apaisant de pouvoir se confier à Allah sobhanahou wa taala (Glorifié et Exalté soit-il) dans ces moments-là. Donc automatiquement, les invocations que tu vas faire à Allah SWT dans ces moments-là, ce ne sont pas les mêmes invocations que tu faisais lorsque tu étais célibataire ou juste marié. Ce n’est pas du tout la même chose. Parce que tu implores son soutien, tu implores qu’il t’assiste et qu’il te guide dans tes choix, vers les personnes vers qui il va te guider, et ensuite vers les personnes… les fréquentations que vont avoir tes enfants etc, bien que on sait que qu’on maîtrise… maîtrise pas tout. C’est Allah qui le fait. Nous on a l’obligation, le devoir. Le résultat il appartient à Allah SWT, mais on est on se doit de de s’imposer de faire les causes.
Noureddy
Très bien. Et je suppose que tu as mis un point d’honneur à transmettre la foi à tes enfants, c’est bien ça ?
Mohamed B.
Oui, ça c’est une évidence. C’est prioritaire.
Par exemple, moi, c’est une chose toute simple, mais souvent, en tant que papa, on va inscrire ses enfants à l’école arabe, pour apprendre à lire et écrire l’arabe, ou à lire le Coran dans les mosquées. Mais ça ne suffit vraiment pas, ça c’est vraiment le strict minimum. Et même en cela, je me suis toujours imposé de les inscrire à partir du moment où au moins ils connaîtront la Fatiha (première sourate du Coran) et au moins les dix dernières sourates. Parce que je veux avoir ce privilège et cet honneur-là, de leur avoir transmis ça.
Je trouverais ça inconcevable que… que mes enfants vont réciter j’espère inch’Allah (avec la permission de Dieu) tout au long de leur vie jusqu’à leur dernier souffle, la Fatiha et quelques sourates et que les plus petites au moins les dix dernières et le fatiha soient ont été apprises avec un avec un professeur non c’est avec son papa ou sa maman mais c’est un privilège ça c’est un cadeau que je peux pas offrir c’est trop beau c’est trop grand pour le pour le confier à quelqu’un d’autre.
Noureddy
Donc tu es devenu enseignant de Coran pour l’occasion, ne serait-ce que pour la première sourate, donc la sourate de l’ouverture, et les dernières sourates du Coran.
Mohamed B.
Tu emploies des mots qui me mettent mal à l’aise. Parce que tu dis sciences, enseignants, autres. Non, je suis un papa tout simplement qui a enseigné un minimum, le strict minimum à ses enfants. Mais ça c’est juste parce que c’est par choix. Et même, je vais même presque dire, c’est par… Voilà, c’est presque par égoïsme que je voulais leur transmettre, que je mets un point d’honneur à…
Parce que c’est quelque chose de grand, et c’est un souvenir que je veux créer avec mes enfants et qu’ils se souviennent. Que ces paroles-là, on les a apprises avec papa. Et pareil, tout au long du quotidien, j’essaie de créer certains souvenirs et d’ancrer certaines choses fortes à mes enfants. Mais sans… Ça ne passe pas forcément par le discours. C’est des choses qu’on fait naturellement, mais qui marquent.
Par exemple, quand on part en voyage, quand on part en week-end, systématiquement, on va faire du’a safar (invocation du voyage). Et on va ensuite profiter, parce qu’on est voyageur, nos invocations sont exaucées, on va faire du’a. C’est quelque chose de naturel. Mais tu vois, ça m’est déjà arrivé, par exemple, on part à la montagne, on est parti, on rentre dans la route et je n’ai pas encore fait du’a safar. Et il y a un de mes enfants qui me dit : papa, on n’a pas fait du’a safar. Et voilà, on va le faire.
Mais parce que c’est des choses qui sont presque naturelles, et sans besoin de ce soit, entre guillemets, un enseignement spécifique, s’asseoir et dire que si, ça, ça, non, qu’ils le vivent au quotidien. Pareil, quand c’est l’heure de la prière, avec les plus grands, juste pour commencer déjà à ne plus avoir cette crainte du regard des autres, et être épanoui, mais sans être dans l’ostentation. C’est l’heure de la prière, on est en route, on va s’arrêter, et on va se mettre dans un coin, discrètement, et on va faire notre prière, pour montrer qu’on n’a pas de gêne, qu’il n’y a pas de crainte à avoir.
Noureddy
D’accord, très bien. Je voulais revenir sur quelque chose que tu viens de dire, le fait d’avoir le privilège d’avoir transmis je crois. Tu disais que c’était égoïste. La frontière entre l’égoïsme et la soumission à Allah, il y a des moments où c’est assez fin, je trouve, dans le sens où tu as envie d’aider les gens, donc de plaire à ton Seigneur, mais concrètement, on peut choisir de plaire à son Seigneur, on peut y mettre l’intention de plaire à son seigneur, on peut aussi y mettre l’intention que ça nous procure une satisfaction personnelle, et on peut aussi y mettre l’intention de « je veux mériter le paradis », etc. Franchement, l’action reste la même, mais l’intention change. Et que ce soit, si je reprends ton terme, « égoïste », en fait, ton action reste positive quoi qu’il arrive. Je ne trouve pas qu’il y ait une honte, j’ai envie de te dire, que ce soit « égoïste ».
Mohamed B.
Oui, non, je ne le dis pas avec honte ou autre. Tu m’as posé la question, donc je le dis. Mais tu vois, c’est juste un exemple parmi tant d’autres. Mais il y a certaines choses où c’est du rôle et de la responsabilité du papa ou de la maman de transmettre certaines choses donc je vais pas les confier à d’autres.
Noureddy
Très bien. Tu as mentionné quelque chose qui fait vraiment chaud au coeur et c’est tes enfants qui te rappellent l’invocation du voyage. Donc du’a safar pour ceux qui nous écoutent et qui sont pas arabophones. Est-ce que tu as d’autres anecdotes comme ça où tes enfants… soit ils t’ont rappelé certaines choses, soit ils t’ont appris peut-être certaines choses par rapport à notre foi et d’autres religions ?
Mohamed B.
Oui, ils m’ont appris beaucoup de choses de par leurs questions. Parce que voilà, on a un petit rituel à la maison, c’est on va faire une fois par semaine, on a une assise. Et on se pose et on va prendre un thème et on va échanger sur ce thème-là. Et ça peut être très bien un nom, un attribut d’Allah, une qualité des croyants, un verset, enfin peu importe, mais on va échanger là-dessus. Et de par certaines questions qu’ils vont me poser, parfois je n’ai pas la réponse, donc je note et ensuite je vais demander, je vais chercher la réponse pour pouvoir leur apporter. Donc rien que de par cela, ça apporte, ça permet d’apprendre pas mal de choses, beaucoup de choses.
Noureddy
D’accord.
Mohamed B.
Tu vois par exemple que… je souhaitais vraiment qu’ils aient en tête que le jour du vendredi c’est un jour spécial dans notre religion et un enfant même si tu lui dis c’est un jour spécial pour lui c’est pas donc pour le pouvoir leur avoir ce désir d’arriver au jour de jumua (vendredi). J’ai entre guillemets instauré quelque chose à la maison, c’est toute l’année, que ce soit en été ou en hiver ou autre, à la maison, le vendredi, en dessert, c’est des glaces. C’est juste parce que je sais qu’ils aiment les glaces, et pour amener quelque chose qui fait que on va être vendredi, et pour après on développe, et quand on grandit, on passe sur autre chose. Mais voilà, c’est le petit rituel qui a fait qu’ils attendent jumua, ils savent que c’est spécial. C’est pas n’importe quel jour.
Noureddy
D’accord, très bien. Et donc toi tu as utilisé la glace, de prime abord si j’ai bien compris, pour expliquer aux enfants que le vendredi est un jour spécial, et petit à petit, je suppose que tu gardes la glace et que tu vas ajouter les assises pour l’aspect spirituel du jour du vendredi, c’est bien ça ?
Mohamed B.
Exactement. C’est juste pour… je ne vais pas dire « un hameçon » mais c’est voilà c’est juste pour les attirer par quelque chose qui leur plaît pour pouvoir arriver là où je les amener.
Noureddy
Très bien très bien. Merci beaucoup Mohamed pour ton intervention aujourd’hui. Pour conclure, est-ce que tu aurais des conseils à donner aux pères d’aujourd’hui et de demain ?
Mohamed B.
Barakallah fik à toi (que Dieu te bénisse) pour le temps et pour ta confiance pour cet échange-là. Conseils, je n’ai pas de conseils à transmettre, si ce n’est que c’est quelque chose d’extrêmement important, la relation entre… Le papa et les enfants, on est en train d’éduquer et construire la nation de demain, donc de prendre cette responsabilité au sérieux. Et pour la prendre au sérieux, c’est d’être exemplaire. Parce que le meilleur moyen de transmettre, c’est par l’exemplarité. Donc avec ce simple conseil-là, ça suffit pour pouvoir se changer soi-même et aspirer à transmettre quelque chose bien à nos enfants.
Noureddy
As-tu des recommandations lecture pour nos auditeurs, des recommandations vidéo, des personnes, des savants, des influenceurs ?
Mohamed B.
Une lecture, il y a un livre que j’aime bien, que je lis de temps en temps, que je relis, c’est Allah aime, de Omar Sulaiman. En fait, il est en 30 chapitres, c’est vraiment un petit livre, je crois qu’il doit faire 150 pages à peu près, et c’est 30 qualités que Allah aime voir chez son serviteur. Dans l’idée d’être exemplaire pour pouvoir transmettre, c’est une bonne chose de lire ce livre-là pour voir les qualités qu’Allah aime voir chez son serviteur. Après, sur l’éducation, il y a un livre, je ne me souviens plus l’auteur, mais c’est Les dix règles d’or dans l’éducation des enfants C’est les dix règles que mettait en place le prophète, parce qu’il est notre meilleur exemple. Je crois qu’il est du docteur Abdelkarim Bakar, je crois, si je ne dis pas de bêtises. Pareil, c’est un livre qui n’est pas très gros, mais qui est riche en leçons.
Noureddy
D’accord. Et pour les influenceurs ? Des vidéos ?
Mohamed B.
Là, de suite en tête, j’ai pas de… Parce qu’en fait, j’écoute pas mal de choses que j’aime bien écouter, par exemple les TEDx sur certains domaines précis que j’aime. Mais après…
Noureddy
Tu as peut-être une conférence qui t’a plu, peut-être, des TEDx ?
Mohamed B.
Il y a une conférence que j’ai vraiment bien appréciée. C’est un prêcheur Yassine El Amri, un prêcheur d’origine marocaine. Il l’a fait en arabe et il me semble qu’il l’a fait aussi en… en français, si je ne dis pas de bêtises, il me semble qu’elle est, parce qu’il s’exprime très très bien en français, et elle est très très très pertinente sur l’importance, la place de l’éducation dans le contexte d’aujourd’hui.
Noureddy
Ça c’est très intéressant pour les papas d’aujourd’hui et de demain. Très bien. Nous arrivons à la fin. Mohamed, encore une fois, merci beaucoup pour ton intervention. Je te souhaite beaucoup de bonheur, toi, pour toi, pour ta femme, pour tes enfants. Qu’Allah vous guide vers ce qui est bien, qu’il vous comble de ses bienfaits et qu’il vous bénisse.
Mohamed B.
Amin. Je te remercie encore pour ton invitation et que Dieu vous bénisse et mette sa baraka (bénédiction) dans ce projet, ce noble projet que tu lances et qu’Il nous permette d’être un moyen utile aux futurs parents et aux parents actuels également.
Noureddy
Merci beaucoup Mohamed. Je te dis salam alaykoum wa rahmatoullah wa barakatouh. Que la paix soit sur toi.
Mohamed B.
Wa alaykoum salam wa rahmatoullah wa barakatouh.
Lexique
- Masha’Allah (ما شاء الله) : Dieu soit loué
- Barakallah fik (بارك الله فيك) : que Dieu te bénisse
- Bismillah (بسم الله) : au nom de Dieu
- Sobhanahou wa taala (سبحانه و تعالى) : Gloire à Lui (Dieu) et exalté soit-Il
- Fâtiha (الفاتحة) : première sourate du Coran
- Du’a safar (دعاء السفر) : invocation / supplication du voyage
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