Episode 3 – L’impact de l’absence du père

Dans l’épisode du jour, mon invité Thomas Charpentier, du haut de ses 25 ans d’expérience dans le domaine du socio-éducatif, partage ses observations. Il nous dévoile entre autres les phénomènes liés à l’absence du père de son foyer et de son éloignement de sa famille.

Transcription (cliquez / touchez pour afficher)

Noureddy :
Thomas, salam alaykoum, que la paix soit sur toi.

Thomas Charpentier :
Wa alaykoum salam wa rahmatoullah (que la paix et la miséricorde de Dieu soient sur toi)

Noureddy :
Comment tu vas ?

Thomas Charpentier :
Alhamdoulilah (Dieu soit loué), merci beaucoup. Grâce à Dieu, tout va bien. Je te remercie d’être là et de m’inviter, de me permettre de me donner l’honneur et l’opportunité de partager cet instant avec toi.

Noureddy :
Merci beaucoup Thomas. Moi, ça me fait plaisir de… d’avoir l’opportunité aussi d’aller chercher des personnes qui partagent nos expériences, qui vont profiter tout le monde à travers ce podcast que Dieu nous facilite. Thomas, est-ce que tu peux te présenter à nos auditeurs ?

Thomas Charpentier :
Bien sûr, avec plaisir. Je m’appelle Thomas Charpentier. Je suis papa de trois garçons, deux grands garçons de 19 et 17 ans et un petit dernier de 5 ans, bientôt 5 ans, incha’Allah (avec la permission de Dieu). J’ai un parcours dans le milieu socio-éducatif, j’ai une carrière de presque 25 ans derrière moi dans ce domaine-là. Donc moi j’ai commencé en tant qu’animateur dans mes jeunes années à prendre mes premières responsabilités, à m’occuper des… des jeunes, des enfants, et petit à petit prendre des responsabilités et m’occuper, être plus présent dans l’accompagnement de ces enfants, de ces jeunes, et des familles, et des parents. J’ai un grand parcours dans la fonction publique territoriale, et je me suis petit à petit équipé de multiples compétences à travers différentes formations dans le domaine de l’éducation, de la parentalité, la gestion des émotions. Et j’ai terminé ma carrière en tant que directeur pédagogique, donc à accompagner, former, soutenir les équipes qui elles-mêmes s’occupaient aussi d’accompagner, de soutenir les jeunes, les enfants et leurs parents. Dans mon parcours, j’ai évoqué la fin de cette carrière professionnelle puisque j’ai… une demande de rupture conventionnelle pour me mettre dans mon compte, pour monter mon entreprise. Et aujourd’hui, je suis dans ce domaine élargi de la communication. J’ai de multiples casquettes, et notamment celle de directeur artistique, de graphiste, de vidéaste, donc tout ce qui va toucher à la communication visuelle. Mais je me suis formé, je me suis certifié au coaching, donc j’ai suivi une formation de plusieurs mois à l’Académie européenne de coaching de Genève. J’ai une certification de master coach professionnel, j’ai passé une certification de coach en neurosciences, et mon background d’éducateur ou de pédagogue, je ne sais pas comment je pourrais dire ça. J’aimais bien à l’époque dire jardinier éducatif, je vais semer des graines et essayer d’entretenir le terreau dans lequel je vais semer ces graines. Aujourd’hui, c’est une de mes deuxièmes casquettes, celle de… d’expert dans la communication visuelle, mais aussi d’expert dans la communication relationnelle et notamment à travers mon parcours à destination des familles, à destination de l’éducation et avec cette petite particularité sur le bien-être des enfants.

Noureddy :
Un parcours très intéressant.

Thomas Charpentier :
Merci beaucoup.

Noureddy :
Et tu as utilisé un terme que j’ai beaucoup apprécié, enfin une expression, tu parlais de, tu te décrivais comme un jardinier éducatif, en semant des graines pour en récolter les fruits à travers des, je suppose des familles vivant en harmonie, enfin je ne sais pas comment tu décrivais ça, ce terme de jardinier éducatif.

Thomas Charpentier :
Pour approfondir un petit peu cette image, cette métaphore, mon expérience et ce que j’ai pu constater, ce que j’ai pu vivre aussi, moi en tant qu’enfant, mais en tant que père aussi, m’ont permis d’appréhender la vie sous un certain regard et de porter ce regard bienveillant autour de… de la croissance et de l’accompagnement, du tutorat. Pour reprendre l’image du jardinier, un jardinier va préparer le terrain, il va retourner la terre, il va essayer de l’enrichir. Parfois, ça va lui prendre du temps, parce qu’il va devoir une année avant que la terre soit prête à recevoir les graines. Puis après, il va semer les graines. Il peut se passer un certain temps avant que ces graines commencent à pousser. Certaines vont pousser, d’autres pas. Et malgré tous les efforts qu’il va pouvoir faire, il ne maîtrise ni le soleil, ni la pluie. ni la destinée de ces plantes qui vont pousser. Est-ce qu’elles vont donner des fruits la première année, dans dix ans ? De quelles saveurs vont être ces fruits ? Est-ce qu’ils vont être comestibles ou pas ? Tout ça, ce sont des choses qui font partie de l’ordre divin, de la prédestinée, du monde de l’invisible, etc. Et c’est en ça que j’ai trouvé ma place de… de jardinier intérieur ou de jardinier éducatif, notamment à travers aussi cette image de tuteur. C’est-à-dire que, prenons un plant quelconque de fruits, il va falloir l’accompagner tout au long de sa croissance parce qu’il va porter des fruits, parfois des fardeaux, qui vont pouvoir lui peser dans sa croissance. Et pour ça, la tige, le tuteur, qui va être là et qui va l’accompagner et qui va lui permettre de prendre de la hauteur et de… et de se révéler à son plein potentiel, elle a toute son importance aussi, autant que celle du jardinier qui a préparé le terrain. Donc c’est vraiment un avant, un pendant, et l’après, on le laisse entre les mains de Dieu.

Noureddy :
C’est très intéressant ce que tu nous écris ici, et puis d’ailleurs tu m’as rappelé des versets coraniques. Je ne sais plus quelle sourate, je mettrai ça en commentaire. Les versets en arabe, ce serait…

(56:63) أَفَرَأَيْتُمْ مَا تَحْرُثُونَ (56:64) أَأَنتُمْ تَزْرَعُونَهُ أَمْ نَحْنُ الزَّارِعُونَ
(la traduction est disponible plus bas)

Je vous mettrai ça en dessous de l’enregistrement audio, mais l’idée est que nous autres, êtres humains, tout ce qu’on est capable de faire, c’est de faire des causes. Donc Thomas, tu as parlé justement d’entretenir une plante, de préparer le terrain, de l’arroser, et puis que sais-je encore par rapport au métier de jardinier. Mais concrètement, on ne maîtrise pas la météo, comme tu dis, on ne maîtrise pas la croissance de la plante, et tout ce qu’on peut faire, c’est vraiment des causes. Et le tuteur aussi, ça fait partie de ces causes-là qui aident la plante à se développer. Très très intéressant, l’image, la métaphore.

Thomas Charpentier :
Baraka’Allah fik (que Dieu te bénisse).

Noureddy :
Sur ce, on va pouvoir rentrer dans le vif du sujet. Tu as vécu une expérience dans le socio-éducatif, est-ce que tu peux nous présenter un petit peu comment ça s’est passé ?

Thomas Charpentier :
Bien sûr. Comme je l’expliquais brièvement, j’ai commencé en tant qu’animateur. J’ai commencé dans ma jeunesse. À 17 ans, j’ai passé mon BAFA. Et petit à petit, j’ai commencé à m’équiper de certaines techniques relationnelles. Au début, je me positionnais plutôt comme le grand frère. Et puis, petit à petit, comme le référent. J’ai accompagné en 25 ans, je ne saurais pas dire combien de centaines d’enfants et de familles, peut-être même qu’on pourrait approcher du millier. J’ai fait un constat, en fait, j’intervenais essentiellement dans les écoles, j’intervenais aussi sur les quartiers, sur le temps libre. Ça m’est arrivé d’intervenir aussi dans les familles. Et dans le milieu scolaire, dans les collèges aussi, de la petite enfance jusqu’au collège, jusqu’à la fin du collège, j’ai balayé un petit peu toute cette population, cette période de l’enfance. Et ce qui a été très intéressant et très impactant pour moi, ça a été de… En fait, c’est comme si j’avais vécu petit à petit une espèce d’étude sociologique qui me donnait une lecture sur la famille, sur le modèle familial et sur comment est-ce que la famille a évolué. Alors, je préfère parler d’évolution plutôt que de dégradation, mais le constat est un petit peu amer aussi dans ce sens-là, dans le sens où l’impact sociétal a créé des fractures au sein même des familles. Et de là, j’en ai tiré quelques pistes de réflexion, quelques observations. On va pouvoir échanger un petit peu plus par rapport à ça. Mais le milieu socio-éducatif, donc le milieu de l’animation, le milieu du social, le milieu de l’éducation, donc moi j’ai fréquenté beaucoup les professeurs des écoles, les éducateurs spécialisés, les assistantes sociales, tout le personnel des collectivités aussi qui s’occupait des enfants sur le temps libre, mais également, comme je l’ai dit, sur le temps scolaire, et j’ai participé de nombreuses fois. en tant qu’acteur, partenaire, collaborateur, parfois principal, sur ce qu’on appelait des veilles éducatives pour essayer de trouver des solutions justement à des familles en difficulté. Et un des constats que je partage avec toi aujourd’hui, ça va être justement celui de l’impact de l’absence des papas dans la croissance et dans l’éducation des enfants. Finalement, pour reprendre l’image du jardinier, c’est un peu comme si on avait des plantes qu’on avait laissées pousser comme ça, sans tuteur, sans repères, sans père et sans repères. Et ça, moi j’ai quelques explications issues de mon expérience, de mes constats. Je ne dis pas que c’est une vérité, je l’explique juste. à travers tout ce que j’ai pu observer, tout ce que j’ai pu vivre. Moi-même étant enfant, j’ai eu un papa qui travaillait beaucoup. Je me souviens encore. Pourtant, je n’ai pas vraiment de manque affectif. Je n’ai pas l’impression en tout cas d’avoir vécu une époque où le manque affectif pouvait être aussi impacté aujourd’hui. Mais je me réveillais le matin avant d’aller à l’école, mon papa était déjà au travail. Je me couchais le soir, mon papa n’était pas encore rentré. Et donc, pendant de longues périodes, j’ai eu ce sentiment de ne pas vraiment voir mon père pendant ma croissance. Et Alhamdoulilah (Dieu soit loué), grâce à Dieu, ça a été compensé par une présence instructive de sa part sur d’autres moments qui m’ont enrichi, qui m’ont rempli, qui m’ont nourri. Et j’ai eu… une éducation qui m’a permis aussi d’avoir certaines bases pour me construire. Mais voilà, le constat que je fais aujourd’hui, il est aussi lié à la modernité, il est aussi lié à la présence des écrans, notamment la présence des réseaux sociaux, et à une lecture aussi peut-être parfois… plonger un peu plus, en tout cas fréquentant beaucoup plus les personnes de la oumma (communauté musulmane), confrontées à une lecture peut-être trop traditionnelle ou trop littérale de ce qu’est le rôle du berger, le rôle du papa au sein de la famille.

Noureddy :
Intéressant. Je voudrais revenir sur ton père. C’était quoi ton travail ?

Thomas Charpentier :
Mon papa était infographiste, il était dessinateur publicitaire dans les premières années. Donc lui, il a appris à dessiner à la main des dessins techniques, etc. pour créer des perspectives, etc. Donc il y avait un côté très créatif et très manuel dans son métier. Et puis, il a appris petit à petit, puisqu’il est devenu infographiste, donc avec l’arrivée d’Internet, des ordinateurs, des logiciels de création, etc. Donc moi, j’ai baigné là-dedans. C’est ce qui fait aussi aujourd’hui que je suis directeur artistique, graphiste. dans le métier que je joue actuellement. Donc, il était là-dedans et il travaillait dans une boîte privée et il était salarié. Et pour ça, il fallait montrer tout l’engagement et la bonne volonté qu’un salarié devait avoir pour garder sa place. Le marché n’était pas encore saturé à l’époque, mais en tout cas, je pense qu’on faisait bien comprendre aux salariés que s’ils voulaient garder leur place, il fallait qu’ils travaillent… qu’ils travaillent longtemps et qui comptent pas forcément sur leurs heures supplémentaires. Aujourd’hui, on a un autre regard et un autre vécu, et une tendance qui s’est un petit peu inversée.

Noureddy :
Oui, je vois ça. Effectivement, ce que tu dis, ce que tu décris là, c’est un petit peu inquiétant, puisque moi aussi j’ai un petit peu vécu ça, mais moi personnellement, mon père, que Dieu lui fasse miséricorde, il était médecin et ça lui prenait énormément de temps aussi. L’état avec lequel il rentrait à la maison ne lui permettait pas de passer du temps de qualité avec sa famille. Il était là, il rentrait et puis il avait… Il essayait d’aider ma mère dans certaines tâches, notamment à la cuisine, mais il n’était pas en état de s’amuser avec ses enfants, de se poser, de lire un hadith, un récit du prophète, ou même expliquer un petit peu le Coran. Tu vois que ce genre de petites choses, même pendant dix minutes ou un quart d’heure, font que, renforcent les liens et se font apprécier en tant que père, je pense. Et puis ce que tu décris par rapport à ton père aussi, c’est que c’est une course au meilleur employé. Et moi, ça me fait, d’une certaine manière, ça me fait bouillir le sang parce que c’est toujours au détriment de la famille. C’est tout le temps passé avec la famille.

Thomas Charpentier :
Tout à fait. Et on est dans cette vie, on pourrait citer nombreux hadiths ou nombreux versets. Bien malgré nous, cette course à la richesse dans laquelle on se trouve, dans laquelle on est embarqué, parce qu’on veut bien présenter, parce qu’en tant que père et responsable de famille, on veut apporter le meilleur pour les nôtres. C’est en ça que je disais tout à l’heure, j’évoquais la lecture parfois un peu biaisée, traditionnelle du rôle de papa qui a pour mission de… d’assumer matériellement le confort de sa famille. Mais souvent, avec cette tendance, et comme tu le dis très bien, comme tu l’as vécu avec ton papa médecin, et comme on retrouve beaucoup de papas, peu importe le travail dans lequel ils sont, quand on passe 10 heures par jour au travail, comment est-ce qu’on peut prétendre à être disponible pour se « rabaisser » même si ça n’a pas de… de côté péjoratif, mais s’allonger par terre pour jouer au Lego, pour jouer à des jeux de construction ou ne serait-ce, comme tu dis, de lire même une histoire aussi futile soit-elle, mais aussi du Coran, des Hadiths, etc. Il faut être disponible, en fait, pour ça. Et je pense et je suis persuadé, pour l’avoir vécu aussi, pour moi en avoir fait une… Un objectif de vie en tant que père, ce sont des priorités qu’on se fixe. Comme je l’ai dit, moi j’ai travaillé dans la fonction publique, je n’ai pas eu un salaire extraordinaire. Alors souvent l’image du fonctionnaire de la fonction publique, il ne fait pas grand-chose de ses journées, etc. Moi j’ai été face publique presque dix ans, je faisais des grosses semaines, ce qui me permettait de récupérer du temps libre, notamment les mercredis quand mes enfants étaient disponibles aussi, notamment une partie des vacances scolaires. Alors, je n’étais pas au même régime que les professeurs qui, eux, avaient tous les mercredis toutes les vacances scolaires, etc. Mais je m’en rapprochais au maximum. Et, alhamdoulilah (Dieu soit loué), en fait, c’était mon petit salaire ne me permettait pas forcément de partir en vacances à chaque vacances scolaires. On sait que c’est les moments qui sont les plus chers, etc. Par contre, ça me permettait de passer du temps de qualité avec mes enfants. Et c’est un choix de vie que j’ai fait. Trouver, prendre le temps, c’est pas trouver le temps, on peut toujours le trouver, mais le prendre, c’est une question de priorité aussi. Prendre le temps d’apprendre à mes enfants à faire leurs lacets tout seul, à dessiner un paysage, à fabriquer une cabane, ou comment est-ce qu’on fabrique une corde ? Tout ça, ce sont des questions qui viennent… qu’on ne se pose pas au quotidien, mais quand on va se plonger dans un temps de co-construction de l’identité de nos enfants, ce sont des choses qui peuvent enrichir énormément. On transmet des process, on transmet un état d’esprit, on transmet une réflexion à travers toutes ces actions qu’on va faire. Souvent, j’ai pu voir des papas qui bricolaient. ou qui avaient de leur métier en fait du… Très manuel. Très technique, très manuel, mais ils n’ont pas forcément transmis dès le plus jeune âge en fait à leurs enfants. La question souvent, c’est qu’on se dit mais il est trop petit pour apprendre. Il est trop petit, non, il ne va pas comprendre, c’est trop dangereux. Ou je n’ai pas le temps ou je n’ai pas la patience de lui expliquer parce qu’il va me poser plein de questions et en fait, il faut que ça avance, etc. Mais malgré ça, je pense vraiment que… On a tous un rôle à jouer dans ce sens-là, dans la transmission. Et il y a une chose que je partage là et que je retiens, c’est qu’on le sait, la nature a horreur du vide. Ça, on l’a tous entendu. Le vide, il est créé par l’absence du papa, parce qu’il va travailler beaucoup, parce qu’il ne va pas prendre le temps, peut-être tout simplement, il n’a pas les mots, il n’a pas la facilité relationnelle et émotionnelle. de passer ce temps-là avec les enfants à partir du moment où ils sont petits, le vide va être rempli d’une manière ou d’une autre. Et qu’est-ce qui va remplir le vide plus rapidement que la présence humaine ? Ça va être les écrans, ça va être les réseaux sociaux, ça va être toute cette ouverture. Une petite anecdote, une petite parenthèse, un des plus grands fabricants de… Comment ça s’appelle ? Ordinateur, Internet, etc. Tout ça, c’est Windows. Windows, c’est la fenêtre. La fenêtre sur quoi, en fait ? Nous, normalement, on ouvre la fenêtre pour aller respirer, pour voir l’horizon, pour aller se libérer, s’échapper. En fait, la modernité nous a fait plonger aussi de plus en plus dans les écrans d’une manière normalisée, banalisée. Et ça, c’est un gros problème aussi. C’est un autre sujet. La présence des smartphones, la présence des écrans au sein de la famille, c’est un autre sujet. Mais c’est un sujet qui est tout aussi important quand il est lié à une absence. Et d’ailleurs, je voulais préciser, si je peux me permettre, quand on parle de l’absence du papa, ce n’est pas forcément une absence physique parce qu’il n’a pas été là tout au long de la journée. C’est aussi l’absence… émotionnelle ou l’absence psychologique. Le repas, par exemple, c’est un moment important d’échange sur ce qui s’est passé dans la journée, c’est un moment important de partage et c’est un vrai temps où l’éducation prend toute son ampleur. C’est important de le noter aussi. L’absence n’est pas que physique parce que je n’ai pas été là pendant… 10 heures de la journée, que je ne t’ai pas vu grandir, évoluer, etc. C’est aussi dans les moments où le corps est présent, mais l’esprit est ailleurs.

Noureddy :
Je vois. Il y a de la baraka dans le fait de manger tous ensemble à table. C’est un conseil qu’on m’avait prodigué, c’était ma grand-mère qui m’avait dit ça. Vraiment, mangez ensemble. Mangez ensemble, il y a de la baraka dans le fait de manger ensemble. Thomas, je vais retourner dans notre sujet, de ton expérience dans le social. Tout à l’heure, tu disais que tu as constaté des fractures au sein des familles. Est-ce que tu peux nous en parler plus ?

Thomas Charpentier :
Oui, bien sûr. Concernant ce constat, il y a différents points à prendre en considération. Encore une fois, c’est issu de… de mon expérience, des constats, je ne dis pas que c’est une vérité absolue ou quoi que ce soit, mais ce que j’ai pu voir, alors une des causes premières en société, comme on l’évoquait, l’évolution de la structure familiale, donc de plus en plus de familles monoparentales, de plus en plus de divorces, donc les fractures elles sont à ce niveau-là aussi, la pression économique, comme on l’a expliqué à travers… le temps qu’on passe au travail, etc. Le fait de s’oublier aussi, d’oublier que l’équilibre entre le pro et le perso, et là c’est un peu le coach qui parle, il ne faut pas le négliger cet équilibre. On ne peut pas tout donner au travail et ce qui reste dans la famille, et de la même manière, on ne peut pas tout donner dans la famille et ne pas se consacrer suffisamment au travail. C’est une quête, un cheminement, un équilibre à chercher régulièrement et à essayer de maintenir. Il y a une autre cause, d’après moi, qui va être de l’ordre culturel. Le rôle traditionnel du père, comme on le sait. Je citerai Jean-Pierre Gaillard qui faisait une conférence il y a quelques années sur… alors si je retrouve le nom, comment s’appelait sa conférence ? « Nos ados, ces mutants… » Où il expliquait, en fait, je ne vais pas citer toute l’essence de la conférence, mais il y a une chose qui m’a marqué là-dedans, c’est qu’on est passé… d’un mode, au XXe siècle, d’un mode d’éducation patriarcal où c’est le père qui avait sa place à table, qui choisissait où s’asseyaient les enfants, etc., qui donnait un peu, qui était le chef d’orchestre de la famille. Donc, c’était un mode d’éducation patriarcal. On est passé de ce mode d’éducation à un mode de négociation matriarcale. Tout ça, c’est lié… aux causes sociétales, etc. Mais on se retrouve aussi de plus en plus dans… On ne se positionne pas forcément dans l’éducation, ou alors quand il va se positionner, ça va être d’une manière plutôt brutale et réactive. Et une maman qui va céder parce que son cœur est plus tendre, parce qu’il y a l’instinct maternel qui est là aussi. et elle va plus facilement rentrer dans la négociation au niveau de l’éducation. D’accord, mets ci, mets ça, etc. Et la fracture, en fait, elle se symbolise à ce niveau-là. C’est-à-dire que c’est comme si tu avais à la base cette terre qui était fertile, avec une herbe bien verte, etc. Et petit à petit, ça sèche et il y a une fissure entre les deux. Et cette fissure, elle va prendre de plus en plus d’ouverture et le gouffre entre les deux va s’agrandir de plus en plus parce que moins on a de cadres, plus c’est difficile aussi de construire des relations qui sont saines. Et j’appuie sur une chose, le cadre, pour moi d’ailleurs c’était une des choses que je transmettais à mes équipes et aux parents que j’ai pu accompagner, l’éducation doit être ferme et bienveillante. Et cette notion de fermeté bienveillante… elle fait toute la différence avec le côté ferme. Il faut bien le distinguer de ce qui est la sévérité et ce qui est la dureté. C’est un peu comme on pourrait différencier l’autorité de l’autoritarisme. Et parfois, c’est un petit peu dans ça qu’on tombe, nous les papas, avec la grosse voix qu’on peut avoir, avec notre prestance, etc., d’être dur, d’être sévère… mais d’oublier en fait la bienveillance qu’il y a derrière. Et ça, dans la fermeté, en compagnie de la bienveillance, il y a beaucoup de bienfaits, beaucoup de choses qui se passent derrière. Et après, bien sûr, tout ce qui va toucher à l’émotion, à l’affection, à l’image du Prophète (Mohammed) qui n’hésitait pas à se mettre au niveau des enfants qu’il rencontrait pour les saluer, des petits gestes tendres avec une main dans les cheveux… des choses comme ça, même parfois dans les mots. Dans les marques d’affection qu’on a aux enfants, dans le cadre intime, c’est quelque chose qui se fait, et ça, je ne suis personne pour pouvoir le remettre en cause ou en question, mais même dans le cadre, sans dire de s’afficher ou quoi que ce soit, je vois très peu de papas qui peuvent être tendres et affectueux avec… avec leurs enfants. Ça ne veut pas dire qu’ils ne le sont pas, mais cette démonstration, en fait, elle contribue aussi au bien-être et au bon développement et à la bonne croissance des enfants. Après, il y a une troisième cause que je voulais évoquer. Alors oui, pour finir sur la cause culturelle, c’est vrai que traditionnellement, le rôle du papa, et que ce soit en France, en Europe, dans l’Occident, mais aussi dans les pays arabes, etc., Le père est perçu comme un fournisseur matériel. C’est lui qui va chercher l’argent, il travaille pour ça, et il met bien sa famille avec un bel appartement, une belle maison pour les vacances, une belle voiture, un frigo plein tout le temps, etc. Mais tout ça, ça reste matériel. Ça ne vient pas nourrir ni le spirituel, ni l’émotionnel. Et la troisième cause que je voulais aborder, c’est la cause psychologique. Donc les difficultés que, comme je l’ai mentionné un petit peu, que certains hommes, certains papas ont à s’engager pleinement dans leur rôle paternel. Souvent, d’ailleurs, ça peut être lié aussi à leur propre blessure d’enfance. Si je n’ai pas eu de modèle et d’exemple qui m’a montré comment être tendre avec ses enfants, si mon père n’a pas été tendre avec moi, sur quoi je me base en fait pour pouvoir être tendre avec mes enfants ? Alors, parfois, on vient compenser et on vient donner… beaucoup d’affection, beaucoup de tendresse parce qu’on ne l’a pas eu. Mais parfois, on n’a pas les clés, on n’a pas les outils, on n’a pas les mots et les savoir-faire et les savoir-être pour pouvoir le transmettre. Voilà un petit peu, si tu veux, pour donner une lecture de cette fracture que j’ai constatée.

Noureddy :
C’est très intéressant, Thomas, merci beaucoup. Je voudrais revenir sur quelque chose que tu as mentionné, que tu as parlé du fait que les enfants, aujourd’hui, négocient beaucoup avec la mère, le fait que le père soit absent, et tu as aussi mentionné cette bienveillance ferme que l’homme fournit, c’est bien ça ?

Thomas Charpentier :
Oui, effectivement, l’homme doit s’attacher à fournir.

Noureddy :
D’accord. Vu que tu as décrit la mère comme étant cette personne qui a beaucoup d’affectif, qui se plierait aux négociations avec les enfants, donc en fait, c’est un élément d’un duo, d’un tout, d’un… comment dire ? C’est un élément d’un couple. qui fait que le couple lui-même n’est plus capable d’éduquer correctement ou du moins qu’il y a une éducation qui souffre d’une carence, qui souffre d’un manque. Parce que vu que la mère est plus dans l’affectif et que le père, lui, il a cette capacité à être bienveillant tout en restant ferme, c’est un petit peu lui qui va encourager la mère à se retenir, dans le sens se retenir qu’elle ne cède pas aux caprices des enfants. Tout en restant dans la bienveillance, tout en restant dans l’éducation. Et c’est ça, oui, c’est ça. Est-ce que j’ai tout de moins bien expliqué ? Est-ce que je peux rapporter quelque chose de plus ?

Thomas Charpentier :
Tout à fait. Alors, pour imager, c’est un petit peu comme si on était tombés l’un et l’autre, le père et la mère, dans des extrêmes. C’est-à-dire que la mère a glissé vers beaucoup plus de négociations sur lesquelles elle va céder. Et le père va… pas toujours être ferme et bienveillant, mais plutôt être dur, parce qu’en fait, il va être dans la réactivité. Je pourrais prendre un exemple, ce n’est pas un cas unique que j’ai vu, et j’en ai vu peut-être des dizaines, voire plus, et c’est pour ça que je me permets de faire un petit peu ce qui, finalement, n’est pas vraiment une caricature, mais comment est-ce qu’on va pouvoir… contribuer au fait que nos enfants vont glisser un petit peu et s’éloigner de l’éducation qu’on voudrait leur transmettre. Et je fais cette petite image-là. La maman s’occupe de tout, elle a pour mission de gérer son foyer de la meilleure des manières, de faire en sorte qu’il soit agréable, propre, accueillant, sain, etc. Elle a en charge aussi l’éducation des enfants, c’est elle qui va s’occuper des devoirs des enfants, qui va s’occuper du suivi avec l’institution, l’école, etc., les inscriptions sur les activités, etc., etc. C’est souvent, souvent, la maman qui va prendre en charge tout ça. Sauf qu’il y a un moment, en fait, la maman, elle ne peut pas toujours tout faire toute seule, et du coup, elle va se sentir dépassée. La charge mentale, elle va arriver… Et on pourrait rajouter le fait que parce que les mamans vont aussi, parce que la vie fait qu’on court aussi après plus de confort matériel, etc. Donc, beaucoup de mamans vont se mettre à travailler pour arrondir les fins de mois, pour se mettre un peu mieux chaque mois, etc. Et donc, la charge mentale va augmenter. Et qu’est-ce qui se passe quand la charge mentale augmente ? On n’est plus disponible autant pour les enfants qui vont nous solliciter. C’est un peu cette image, je pense qu’on l’a tous vécue. En tout cas, tous ceux qui s’en souviennent, s’ils ont été enfants ou tous ceux qui ont des enfants. Moi, je vois encore aujourd’hui, quand je prends mon téléphone et mon fils est dans les parages et j’ai un coup de téléphone, c’est à ce moment-là où il va me sur-solliciter, il va me parler, il va vouloir jouer avec moi, etc. Alors que le moment d’avant où j’étais disponible, il ne le faisait pas. C’est pourquoi, c’est parce qu’il y a une espèce de sensation de… d’aspiration, de manque. Là, tu n’es plus consacré à moi, tu n’es plus focalisé sur moi et donc je viens te solliciter par les mots que j’ai et par l’attitude que je vais avoir. Donc les mamans, qu’est-ce qu’elles vont faire à ce moment-là ? Elles vont petit à petit lâcher avec les enfants et les autoriser à aller jouer un peu plus à la console ou aller jouer au parc en bas. Mais tu restes en bas, en bas de la fenêtre, je veux te voir, j’ai un œil sur toi pendant que je suis en train de faire… tout ça avec mes 15 bras dans tous les sens pour assumer mon rôle totalement. Et les mamans, on sait à quel point elles font beaucoup pour leur foyer. Le problème avec ça, c’est qu’avec le temps, les enfants vont prendre de plus en plus de distance, vont prendre de plus en plus de liberté, et surtout, ils vont être impactés par l’influence extérieure. Les premiers gros mots qu’ils vont entendre, les premières petites bagarres, etc. On pourrait prendre une photo d’un parc pour enfants où aucun parent ne serait présent. On imagine facilement qu’il y aurait des conflits assez réguliers. Petit à petit, le problème, c’est que ces petites déviances vont prendre de plus en plus de place jusqu’au jour où il y a un retour institutionnel, ou alors c’est un voisin qui va taper à la porte en disant ton fils a fait ça, etc. Et qui est là à ce moment-là ? C’est encore la maman, parce que le papa travaille beaucoup. Encore une fois, je précise, ce n’est pas une vérité absolue, c’est une espèce de… un espèce de portrait de ce que j’ai pu constater au fur et à mesure de mon expérience. Qu’est-ce qui se passe les premiers instants comme ça ? La maman, qui est en symbiose, en cohésion avec le papa, va en faire part au papa en disant : « Voilà, il a fait ça, il a dit ça, on s’est plaint de lui à l’école », etc. Et le papa, par manque parfois de savoir-faire, comme je le disais tout à l’heure, parfois avec la maladresse, etc., il va exercer son autorité d’une manière sévère et dure, parfois brutale, ce qui va augmenter aussi la fracture qu’il y a dans la relation avec les enfants. Ça, ça a un impact qui est très fort, c’est la culpabilité que ça procure chez la maman, qui se dit : « Ouh là là, j’ai parlé de la bêtise de mon enfant à mon mari et la réaction était brutale. Mon instinct maternel ne veut pas que mon enfant souffre. » Et donc, la maman devient d’une certaine manière l’alibi des déviances, si je peux le dire comme ça, de leurs enfants. Et ça crée une fracture encore plus au sein de la famille, c’est-à-dire que par culpabilité, la maman ne va pas tout raconter au papa quand il rentre parce qu’elle ne veut pas le charger mentalement non plus d’une charge qui lui serait insupportable parce qu’on a quand même une image à montrer de nous. qu’est-ce qu’on va dire de nous, de notre éducation, etc. Et petit à petit, le dialogue se perd. Alors si on rajoute en plus là-dessus, comme je disais, les téléphones portables, les réseaux sociaux, la mauvaise influence ou l’influence tout court à l’extérieur, ça ne fait qu’augmenter cette fracture. Voilà pour cette image. Est-ce que ça répond un peu à ta question ?

Noureddy :
Effectivement, oui. Je voudrais revenir sur un point que tu as mentionné. Ce point étant la réaction violente du mari. A ton avis, est-ce qu’on pourrait expliquer ça par le fait qu’il soit fatigué par ses journées de travail, le fait qu’il veuille rentrer à la maison et ne pas trop se prendre la tête ? Qu’est-ce qui en serait les causes de ces réactions violentes ?

Thomas Charpentier :
Effectivement, tu l’as dit, la fatigue, la charge mentale. Il y a beaucoup de facteurs qu’on pourrait analyser, il y a beaucoup de facteurs qui pourraient rentrer en considération. Il y a aussi parfois le vécu. Aujourd’hui, on n’a plus le droit, et d’une certaine manière, je vais dire Alhamdoulilah (Dieu merci), heureusement, de mettre une fessée à un enfant, c’est un acte qui est répréhensible. À mon époque, moi je suis de 1980, on ne se posait pas toutes ces questions-là. Une claque, ce n’était pas de la maltraitance. Une fessée, ce n’était pas de la maltraitance. C’était une correction. C’était certes un geste violent, certes un geste qui aurait pu être maîtrisé d’une manière différente, mais on est aussi là-dedans. C’est-à-dire que moi, alhamdoulilah (Dieu merci), je n’ai pas souvenir d’avoir eu des claques ou des fessées quand j’étais petit. Je me projette très bien en me disant si j’avais eu un papa qui réagissait d’une manière brutale plus que violente, parce que derrière la violence, il y a souvent une intention de blesser, alors que la brutalité, c’est souvent pour moi quelque chose qui est de l’ordre de la maladresse et du manque de maîtrise de soi. Qu’est-ce qui peut expliquer le fait qu’on a du mal à se maîtriser, à maîtriser notre colère, par exemple ? Déjà, on va être blessé. dans notre ego. Il y a aussi ça qu’il faut prendre en compte. Moi, en tant que père, je fais tout pour vous mettre bien et à travers mon absence pour vous mettre bien, je vois que vous ne prenez pas le bon chemin dans l’éducation que je veux vous apporter. Il y a un petit peu de tout ça. On ne peut pas accabler les papas de se dire que vous n’êtes pas assez présent, que vous travaillez trop, etc. parce que leur intention, à la base, elle est bonne. Mais il faut quand même souligner le fait qu’à travers cette absence-là, le risque, il est celui-ci. Le risque, il est que le dialogue… et la communication, la relation avec les enfants soit de plus en plus distant jusqu’au point qu’il va être presque inexistant. Et d’ailleurs, souvent, les petits, je ne sais pas trop quoi lui dire, je ne sais pas trop quoi faire avec lui, parce qu’un enfant petit, c’est fragile, 3 ans, 4 ans, 5 ans, 6 ans, et puis petit à petit, mais les premiers à peu près assez rapidement. même les plus anodines possibles et ce qui se passe c’est qu’après les papas veulent recoller quand l’enfant est un homme, en tout cas quand il commence à le devenir. Les hormones travaillent le premier duvet de la moustache est là.
« Ça y est t’as 14 ans mon fils. T’es un homme ! Je vais t’apprendre la vie.»
« Ouais mais t’étais où les 6, 7, 8 dernières années en fait dans mon éducation ?»
C’est un peu ça aussi qui va créer souvent parfois des ruptures dans la communication au sein des au sein des familles. Donc cette brutalité, elle peut s’expliquer aussi de cette manière-là. C’est-à-dire, il y a l’ego qui en prend un coup parce que ce n’est pas ce que je voulais faire de toi. Il y a la charge mentale à cause du travail. Il y a aussi le vécu. Comment est-ce qu’on a été ? Quel enfant on a été ? Il y a des enfants qui ont été maltraités quand ils étaient petits et qui ont une éducation positive. Ce qu’on appelle l’éducation positive, c’est-à-dire… « pas de restrictions ». Je veux pas que mon fils vive le même enfer que moi j’ai vécu quand j’étais plus petit et donc je vais lui laisser faire sa propre expérience. Ça a du bon mais et moi je mets des gros guillemets en fait sur ça il faut un contexte qui le permette un environnement qui le permette. Si chez moi j’ai un une grande maison avec une pièce entière qui est une salle de jeu, où mon enfant peut faire ce qu’il veut dans cette salle de jeu, sans que ça me stresse ou que ça me pose des problèmes, peut-être que je peux me permettre cette éducation positive. Par contre, si je vis dans un appartement où on est un peu… Chez moi, on est cinq, parfois six à vivre dans 80 mètres carrés. On ne se marche pas dessus, on a chacun nos espaces, etc. Mais s’il y a une salle, une pièce chez moi qui était dédiée à la créativité débordante de mon petit dernier, il y a moyen que je me sente envahi aussi par tout ça, par ce bazar, par… « ‘as dessiné sur le mur, c’est pas possible », etc. Certains, dans l’éducation positive, veulent justement ne pas donner de limites et ne pas priver ou contraindre la créativité et la liberté des enfants. Mais parfois, ça fait aussi de ces enfants-là des enfants qui deviennent un peu des enfants rois, c’est-à-dire qui ont le droit de tout faire, sauf que dans le monde dans lequel on vit, et quand ils vont grandir petit à petit dans le monde du travail, etc., ce sont des enfants qui tombent un petit peu de haut parce qu’ils ne peuvent pas faire tout ce qu’ils veulent. comme ça a été à la maison.

Noureddy :
Oui, effectivement. C’est très intéressant ce que tu nous racontes. Je retourne vers ton expérience dans le social. Tu as constaté les phénomènes que tu as observés. Aujourd’hui, comment tu penses qu’on pourrait y remédier ? Ces fractures que tu as constatées, l’absence du père, comment tu penses qu’on peut y remédier ?

Thomas Charpentier :
Il y a plusieurs pistes et je pense qu’il faut garder une vision optimiste là-dessus. Parce qu’on pourrait vite être tenté de se dire mais ça fait tellement longtemps que c’est comme ça, qu’est-ce que tu veux que moi j’y fasse à mon niveau ? Et je citerais la légende du colibri que Pierre Rabhi a mis en lettre dans un de ses ouvrages. C’est une vieille légende amérindienne qui explique grosso modo que la forêt amazonienne est en train de prendre feu. Il y a un incendie énorme qui est en train de se passer, la forêt amazonienne, on dit que c’est le poumon de la planète. Et en fait, tous les animaux terrestres, comme aériens, etc., les oiseaux, les panthères, etc., tout ça, tous partent. Ils ont peur pour leur vie, ils ont peur pour leurs personnes et le colibri lui vient avec une goutte d’eau dans son tout petit bec et il vient se positionner au dessus en direction du centre de l’incendie et en chemin il rencontre plusieurs animaux qui se moquent de lui et qui lui disent « Mais qu’est-ce que tu fais ? Tu vas te brûler les ailes ! Ça sert à rien de toute façon. Tu n’y arriveras jamais ! C’est pas toi tout seul qui va réussir à faire ça ! » En gros ils essaient de le décourager et lui il ne les répond pas il continue d’aller vers son objectif, en pensant très fort au fond de son cœur « Au moins j’aurais fait ma part. » Et je pense qu’il y a une vision qui est très humaniste et très positive, très optimiste dans cette légende, dans l’enseignement qu’on peut en tirer. C’est une question peut-être même qu’on peut se poser, c’est comment je veux ne pas m’endormir chaque jour en n’ayant pas fait… l’effort d’avoir dans ma cellule familiale, dans mon voisinage, et ainsi de suite, etc. Donc, c’est là-dessus que je vais appuyer un petit peu la vision optimiste. Même une petite goutte d’eau, en fait, elle contribuera. Et même si elle n’éteint pas l’incendie, au moins je peux m’endormir le cœur tranquille, le cœur léger, parce que j’aurais fait ce qu’il faut. Et rien n’est perdu. Voilà, on s’en remet à Dieu dans… dans chacune des situations et il faut s’en remettre à Dieu aussi dans ce cas-là, dans ces difficultés-là. Après, sur une vision plus réaliste, effectivement, on a des définis qui sont là, qui sont bien ancrés. Mais peut-être qu’on a des outils modernes et d’ailleurs, le podcast que tu offres, ou le blog et il y a certains sites, certains groupes de paroles, certains livres des formations aussi qui facilitent cette prise de conscience et ce changement à travers les accompagnements, à travers le coaching à travers tous ces échanges et ces partages en fait, petit à petit on contribue à faire changer cette dimension. Je fais un petit partage de vécu récent, où j’ai constaté quand même, je suis parti au Maroc il y a quelques jours, et j’étais tellement agréablement surpris de voir le nombre de papas qui s’occupaient de leurs tout-petits. Au restaurant, c’est eux qui leur donnaient à manger, ils les avaient sur les genoux, il y avait une espèce de complicité au bord de l’eau, etc. C’était beau à voir. Et donc c’est comme si… Il y avait cette période dont on a parlé. Et petit à petit, il y a des gens comme toi et moi et d’autres qui prennent conscience aussi de l’importance de leur rôle, de l’importance d’éduquer les enfants dès leur jeune âge, de pouvoir être dans ce rôle de tuteur, de jardinier, sur le rôle qu’on a à travers la famille. Et je pense qu’il ne faut pas négliger aussi d’équilibre émotionnel. On veut faire de nos enfants des hommes, des durs. Ma fille soit une femme, mon fils soit un homme, etc. Et on a tendance à délaisser, à mettre de côté un petit peu l’équilibre émotionnel. Et Dieu seul sait à quel point on est malmené émotionnellement dans la vie de tous les jours. Quand on voit le nombre de burn-out qu’il y a au travail, quand on voit le nombre de personnes qui sont en détresse, les dépressions, les divorces, les suicides, etc. On est dans une période où la charge émotionnelle est lourde. Et chacun peut contribuer à rééquilibrer ça, et notamment à travers l’éducation qu’on va apporter dans nos familles. Après, je pense que ça pour moi, c’est plutôt de l’ordre du rêve, mais… Mais un rêve devient un objectif quand il devient, alors ça tout le monde le connaît, l’effet SMART. Donc l’objectif qui se veut Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste, Temporellement défini. Et je rajouterais un E pour dire écologique, en parlant d’écologie personnelle. Ce rêve, ça serait… Alors il existe des initiatives comme ça énormément, alors moi je n’ai jamais… Je l’ai pensé plus que mis en place, mais c’est de pouvoir créer une sorte d’école ou de formation de parents, une formation pour les papas, une formation pour les mamans, mais pas au moment où ils sont parents. Peut-être même au moment avant l’étape de se mettre en couple. Comment est-ce que quand on va songer à se marier, on ne pense pas forcément à se dire quel père je veux être et quelle mère je veux que mon épouse soit ? Quel type d’éducation je veux donner à mes enfants ? Et parce qu’on se dit, c’est trop tôt, on est trop jeunes, ce n’est pas encore le moment, on verra plus tard, Dieu ne nous a pas encore permis d’avoir des enfants, etc. Et on repousse un petit peu toujours ça, mais pour moi c’est une des questions cruciales qui permet de… de se synchroniser aussi à ça. Et il y a un terme que je n’ai pas employé, je voulais l’employer tout à l’heure et il me revient là maintenant, quand on parlait de la fracture dans la famille, c’est le fait d’avoir toujours en tête cette notion de cohérence éducative. Le père doit être un soutien pour sa femme, et la femme doit être un soutien pour son mari. C’est valable dans le quotidien, mais aussi et surtout… surtout dans l’éducation. C’est-à-dire que quand la maman va dire « non », le papa, il faut qu’il aille dans ce sens-là, même s’il n’est pas d’accord. Sur le moment, il faut que l’enfant sente qu’il y a un bloc, qu’il y ait des piliers solides qui soient là. La maman va dire non, ne monte pas sur le canapé. Si le papa dit « c’est bon, laisse-le, il s’amuse », la maman est décrédibilisée et le papa aussi. Alors que s’il va dans son sens en disant « T’as entendu ce que ta maman a dit ? Ne monte pas sur le canapé, je te demande de descendre » avec fermeté et avec bienveillance. On peut donner du sens aussi en expliquant pourquoi. « Parce que ça m’inquiète, parce que j’ai peur que tu tombes », etc. Ça va créer un bloc solide dans le cadre qui est donné dans l’éducation. Et ce qui n’empêche après au couple, au papa par exemple, de revenir vers son épouse plus tard, le soir quand les enfants sont couchés, en disant « Tu sais, Je n’étais pas… Ça me gêne un peu qu’on l’empêche de sauter sur le canapé », ou quoi que ce soit. À ce moment-là, qu’est-ce qui va se passer ? L’épouse, la maman, elle ne pourra que remercier son mari d’être allé dans son sens. Et inversement, si le papa va être un peu dur, à ce moment-là, il ne faut pas que la maman fasse une pisse des yeux en se disant « Non, mais ne sois pas trop dur avec lui. Non, mais laisse-le, ce n’est pas grave. Ce n’est pas grave, il a…» [Elle doit plutôt dire] « Ok, tu as entendu ce que ton papa a dit ? Je suis d’accord avec lui. Tu n’as pas à réagir comme ça, tu n’as pas à parler comme ça » avec fermeté. Cette cohérence éducative, en fait, elle apporte tellement à la construction de l’enfant. Tu sais, je reprends encore cette image du jardinier. Le tuteur, on le plante à côté du plan qui est en train de pousser, mais on ne fait pas juste le planter. On l’attache fermement avec du fil de fer, avec la ficelle. C’est ça qui va permettre au tronc de se renforcer, aux branches de pousser et de supporter les fruits.

Noureddy :
Encore cette image du tuteur qui soutient un arbre, donc pour le coup du père qui soutient son enfant et qui l’aide dans sa croissance. C’est très intéressant le fait de rapprocher le tronc et de l’attacher au fil du fer, comme tu dis, ça donne cette idée qu’effectivement, il ne suffit pas d’avoir juste un tuteur, mais il faut qu’il soit suffisamment proche pour une bonne croissance de la plante. C’est très intéressant. Thomas, je te remercie beaucoup pour cette intervention. Nous arrivons à la fin. Est-ce que tu aurais des recommandations pour nos auditeurs ? Des recommandations en lecture, des vidéos peut-être ?

Thomas Charpentier :
Alors, moi je me suis inspiré de beaucoup de choses et j’invite tout le monde et chacun à se renseigner sur ces différents sujets. La présence des parents dans l’éducation, la cohérence éducative, ces termes que j’ai employés, la fermeté bienveillante. Je n’ai pas d’ouvrage particulier à partager avec les auditeurs, mais ces termes-là doivent vous marquer et peut-être éveiller aussi la curiosité chez vous. C’est quoi ça, la fermeté bienveillante ? Il y a des ouvrages qui ont été faits là-dessus. C’est quoi la cohérence éducative ? On pourrait parler de l’intelligence émotive, aussi évoquer l’intelligence émotionnelle, la communication positive, la communication non-violente. On entend souvent parler de la CNV, c’est une mécanique et une méthode qui permet en fait de constater, d’exprimer son ressenti et d’exprimer ses besoins et d’en faire une demande d’une manière très positive, ce qui évite parfois de tomber dans le jugement et dans la dureté et de rester dans la bienveillance. Après, moi, je sais que j’ai été marqué par… Parfois par certains articles sur certains sites. Il y a des sites qui font… Al-Kanz par exemple, Sajidin, qui permettent parfois de tomber sur des petites pépites, des partages qui sont intéressants. Après, moi personnellement, j’ai quelques conférences et vidéos en tête, notamment de… feu Rachid Haddash, qui met des conférences beaucoup, énormément sur le thème de la famille, sur les relations parentales, sur le rôle crucial du père dans l’éducation des enfants. Mais aussi Tariq Ramadan, sur l’éthique islamique et la famille, Hassan Iquioussen, qui a d’ailleurs une conférence très pertinente sur le rôle du père, notamment, et l’absence du père dans l’éducation de l’enfant. Tous les uns les autres pouvant faire un sujet de divergence, on accroche ou pas. Je partage ce que moi, ce qui m’a inspiré aussi. Je pense que prendre le bien chez les uns, chez les autres, c’est quelque chose de très fort. Et puis surtout, surtout, l’exemplarité du prophète Mohammed (paix et salut sur lui). Ce n’est pas que le prophète, ce n’est pas que le messager de Dieu, c’est aussi un exemple parfait, un exemple d’équilibre entre autorité, amour, éducation… Son comportement avec ses enfants, avec ses filles, avec ses petits-enfants. C’est une référence qui vaut toutes les autres. Et là-dedans, peut-être que… Moi, ça, c’est quelque chose qui m’a apporté énormément, c’est de me plonger dans la sîra (biographie du Prophète) et d’essayer d’approfondir mes connaissances aussi là-dedans. Mais aussi, je pense à un livre de Sofiane Meziani, Le prophète raconté aux jeunes je crois, ou « La sîra du Prophète raconté aux jeunes » qui est très accessible. C’est un petit livre facile à lire et qui nous permet de nous plonger dans l’histoire parce qu’on sait tous qu’on court après le temps, on ne va pas forcément fréquenter trop régulièrement la mosquée, les assises spirituelles. On ne va pas forcément prendre des cours ou alors on va juste survoler certaines choses. On connaît vite fait les grandes lignes de l’histoire, mais approfondir… pour aller chercher un petit peu le rôle éducatif du père dans notre religion, l’importance de la transmission, et notamment la transmission spirituelle, mais aussi la transmission par l’exemplarité, par la modélisation dans les savoir-faire, dans les savoir-être, etc. Et puis après, n’hésitez pas aussi à s’appuyer sur des ateliers, sur des groupes de parole, sur… Voilà, des… des supports comme tu les offres et comme tu les proposes, mashallah (loué soit Dieu), que Dieu t’en récompense. Et voilà ce que je recommanderais, et surtout d’essayer de s’écouter soi-même, qu’est-ce qui résonne en nous profondément, dans notre cœur, quand on est face à une situation qu’on a du mal à gérer. Parfois, une simple respiration et un simple sourire va permettre de dédramatiser ce qui s’est passé. « Là, j’ai voulu reprendre mon fils à ce moment-là. Je ne vais pas me laisser déborder par la colère, je ne vais pas me laisser déborder par un geste que je regretterais », ou quoi que ce soit. Je respire, et puis je vais le regarder dans les yeux, je vais lui sourire. Rien que ça, on sait, le sourire, c’est une aumône. Et je pense qu’il ne faut pas être avare aussi dans ça. Donc là-dessus, j’appuie sur le fait que l’amour, l’affectif, l’émotion doivent être mis en avant aussi. Et ça n’est pas un synonyme de fragilité ou de fébrilité ou de faiblesse. Et la vulnérabilité, notamment quand elle est émotionnelle, au contraire, c’est une force qui nous rend encore plus authentiques et plus humains aussi dans le regard que nos enfants peuvent avoir de nous.

Noureddy :
Merci beaucoup Thomas, merci pour ces conseils précieux. Pour conclure, comment est-ce qu’on peut te rejoindre ?

Thomas Charpentier :
Alors, déjà, merci beaucoup à toi, merci pour cette invitation, pour tes questions très pertinentes et pour l’intérêt que tu portes aussi à cette cause. Et pour répondre à ta question, alors moi, je suis assez présent sur les réseaux sociaux, mais beaucoup plus dans la mission principale qui est la mienne, qui est autour de la communication visuelle. Donc, j’ai une page LinkedIn qui est très active. Mon entreprise s’appelle Les 3 Co, avec un 3 et CO, Co comme conseil et coaching. Les 3 Co, c’est www.les3co.com, c’est mon site internet sur lequel il y a quelques-unes de mes offres, de mes réalisations, des accompagnements que j’ai pu faire Donc on peut me trouver sur LinkedIn aussi : Thomas Charpentier, direction artistique vous le trouvez assez facilement. Moi j’habite à Annecy en Haute-Savoie. Je suis aussi présent sur Facebook, pareil avec les3co : Thomas Charpentier, et dans toute la partie coaching la partie coaching et formation. J’ai monté un projet un concept que j’ai appelé l’Oasis de Reconnexion et j’invite les familles, j’invite les particuliers, parfois même des professionnels, à venir se reconnecter à l’essentiel, à venir s’abreuver dans cette oasis de reconnexion dans laquelle je les accompagne justement à travers mon expérience, à travers des conseils, à travers des recommandations. C’est un accompagnement sur mesure, personnalisé, selon les difficultés qu’ils vont pouvoir rencontrer. Donc je pense qu’en cherchant l’oasis de reconnexion sur Facebook ou sur Instagram, vous pouvez aussi tomber potentiellement sur ma page. Voilà un petit peu. Après, j’ai d’autres canaux de contact, notamment à travers WhatsApp, à travers tout ça. Mais vous trouvez toutes les informations sur mon site avec les liens vers les différents réseaux.

Noureddy :
Merci beaucoup Thomas, ce fut un plaisir de t’accueillir.

Thomas Charpentier :
Merci à toi. Je suis très touché et très content de cet échange qu’on a eu, et j’espère aussi que… que ces quelques échanges et ces quelques paroles pourront servir au plus grand nombre. Que Dieu me pardonne pour les écarts que j’ai pu faire et pour parfois peut-être le manque de clarté dans ce que j’ai pu exprimer. Et que Dieu vous récompense tous aussi des efforts que vous allez faire dans ce sens.

Noureddy :
Merci beaucoup Thomas, merci beaucoup. Je te dis salam alaykoum, que la paix soit sur toi.

Thomas Charpentier :
Alaykoum salam wa rahmatoullah (que la paix et la miséricorde de Dieu soient sur toi). Merci à toi.

Lexique

Oumma (أمّة) : la communauté musulmane
Hadith (حديث) : tradition relative à un acte ou une parole du Prophète Mohammed
Baraka (بركة) : bénédiction
Hamdoullah (الحمد لله) : louange à Dieu
Mashallah (ما شاء الله) : Dieu soit loué
Sallallahu alayhi wa salam (صلى الله عليه وسلم) : que la paix de Dieu et ses bénédictions soient sur lui. C’est une formule en faveur du Prophète Mohammed qu’il appartient à chaque musulman de dire lorsque son prénom est lu, entendu ou prononcé.1
Sîra (سيرة) : biographie du Prophète
Barakallah fik (بارك الله فيك) : que Dieu te bénisse

Les versets mentionnés dans l’épisode sont extraits de la sourate 56 :

Voyez-vous donc ce que vous labourez ? (63) Est-ce vous qui le cultivez ? ou [en] sommes Nous le cultivateur ? (64)2

Recommandations


  1. L’arabe facile, article sallallahu-alayhi-wa-salam ↩︎
  2. Traduction de Muhammad Hamidullah ↩︎
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Commentaires

2 réponses à “Episode 3 – L’impact de l’absence du père”

  1. Avatar de Thouraya
    Thouraya

    Une episode dense et enrichissante à écouter au bout. Ça démontre que l’intelligence émotionnelle éducative chez les parents est cruciale autant que la bienveillance et la sécurité pour supporter un enfant équilibré et sain, bien armé pour surmonter les détresses societales dans un âge avancé.

  2. Merci pour ce podcast très intéressant ! J’ai particulièrement aimé la métaphore du jardinier éducatif : elle illustre parfaitement l’idée que l’épanouissement d’un enfant est un processus continu, qui se construit tout au long de sa croissance avec l’aide de ces 2 parents, pour l’aider à relever les défis de la société avec sérénité.

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