Podcast: Play in new window | Download (Duration: 53:19 — 40.5MB)
S'abonner au podcast : Spotify | Deezer
Orphelin de père depuis l’âge de 4 ans, Philippe partage son parcours marqué par cette absence. À travers son témoignage, il revient sur l’impact de la disparition de son père, aussi bien durant son enfance que dans sa vie d’adulte, maintenant qu’il a 60 ans.
Transcription
Cliquer / toucher ici pour afficher
Noureddy
Philippe, bonjour !
Philippe Le Provost
Bonjour !
Noureddy
Comment vas-tu ?
Philippe Le Provost
Très bien !
Noureddy
Super ! On va pouvoir commencer donc cet épisode qui tournera, avec la permission de Dieu, sur être père et orphelin. Philippe, est-ce que tu peux nous parler de ton enfance s’il te plaît ?
Philippe Le Provost
J’ai peu de souvenirs en fin de compte, peu de souvenirs ou en fin de compte je crois que je le… Je l’enfouis très profondément parce que mon enfance, elle a été un petit peu… Comment ? Je n’ai pas eu mon papa pendant très longtemps et ma maman, suite à la disparition de mon papa, puisque j’ai perdu mon papa à l’âge de 4 ans, a fait que la vie ne s’est pas passée comme ça devrait l’être normalement avec un… un enfant qui va vivre avec ses deux parents. Et là, la disparition de mon papa, il avait 48 ans, si je ne me trompe pas, a fait qu’il est parti tellement vite.
Moi, j’avais 4 ans et ma maman s’est retrouvée dans une dépression. Donc, elle a aussi été absente en fin de compte, tout en étant présente, mais bon, pas vraiment présente comme l’aurait dû être une mère.
Donc, oui. Mon enfance, je l’ai un peu enfouie, en fin de compte, un peu loin. Mais bon, on va, lors de l’interview, faire ressortir un petit peu tout ça.
Noureddy
D’accord, très bien. Et tu les enfouis, ces souvenirs, c’est quoi ? C’est à cause de… c’est quelque chose que tu as…
Philippe Le Provost
Je pense que je l’ai mal vécu et pendant très longtemps, je n’ai peut-être pas voulu me le remettre en mémoire. Donc, je l’ai un peu caché. Et c’est facile de cacher les choses. Ou quelque chose que… J’ai peut-être quelques flashs qui reviennent de quelques bons moments, mais j’ai plutôt essayé de les cacher en réalité. Donc, parce que ce n’était peut-être pas une période que j’ai bien vécue, tout simplement. Donc, je l’ai enfouie très loin au fond de ma mémoire, en réalité.
Noureddy
D’accord. Comment on se sent quand on perd son papa à 4 ans ?
Philippe Le Provost
Alors… Je ne saurais pas te dire comment j’ai ressenti à l’âge de 4 ans, parce que c’est tellement loin, et puis que je te disais que je l’avais enfoui. Je pense qu’aujourd’hui, avec le recul, on sent une absence, une absence ou un manque énorme. Et puis même, je pense qu’on ne peut même pas savoir, je ne pourrais pas te dire comment aurait pu être mon père. Est-ce qu’il aurait été présent ? Est-ce qu’il aurait été absent ? Je ne sais pas, parce que ne l’ayant pas connu, pour ainsi dire…
Donc, les quatre premières années de ma vie, quand on est tout petit, je pense qu’on a du mal, peut-être, à vraiment garder des souvenirs. Et je pense que j’ai vraiment tellement enfoui ces souvenirs profondément que c’est peut-être difficile d’y revenir.
Et je te dirais aujourd’hui, oui, je vis avec l’absence même de mes deux parents, tout en n’étant pas orphelin, puisque… J’ai eu ma mère très longtemps. Mais on se sent comme isolé un petit peu. Il fallait vivre tout seul, en fin de compte. Et apprendre tout seul à vivre, en fin de compte, plutôt.
Noureddy
D’accord. Quand je voulais dire orphelin, c’est orphelin de père. C’est vraiment très spécifique.
Est-ce que tu peux nous décrire un petit peu ta famille ? Donc, vous étiez… Donc, ton père avec une conjointe. Est-ce que tu avais des frères et sœurs ?
Philippe Le Provost
Oui, oui. Donc, moi, j’étais le petit dernier. J’avais un frère qui avait 9 ans de plus que moi et ensuite ma sœur qui avait 16 ans de plus que moi. Donc, quand mes parents m’ont eu, en fin de compte, j’étais vraiment le petit dernier, le frère de trop puisque ma sœur qui était la première, elle a eu quatre frères, en fin de compte, que des garçons.
Et même, ça c’est un souvenir que je peux te partager, quand ma sœur apparemment a vu qu’elle avait encore un frère, elle voulait qu’il soit jeté au fond du puits parce que ça en faisait un de trop. Mais bon, c’est plus une anecdote qu’autre chose. Donc, elle aurait voulu avoir une petite sœur pour pouvoir s’occuper vraiment d’avoir une autre fille dans la famille.
Non, on était… J’ai eu trois frères, une sœur et moi, j’étais le petit dernier. Un petit peu le chouchou. Peut-être que j’étais un petit peu… J’étais jalousé par mes grands frères et sœurs, en fin de compte. Voilà ce que je me souviens. J’ai eu ce flash du fait que… On m’a relaté que quand je suis arrivé au monde, eh bien, c’était encore un garçon de trop, il aurait fallu s’en débarrasser, pour ma sœur, en fin de compte. Mais pour les autres, non, je n’ai pas de souvenir particulier. Mais j’ai ce souvenir-là.
Noureddy
D’accord. Est-ce que tu peux décrire comment… J’ai envie de dire, est-ce que tes frères et sœurs ont substitué, ont pris le travail de ton père ?
Philippe Le Provost
Je ne pense pas. À vrai dire, je ne pense pas. parce que j’avais ma sœur, donc 16 ans de plus que moi, elle avait 20 ans, mes deux autres frères, donc il y en avait un qui avait un an de moins qu’elle, donc il avait 19 ans, et l’autre devait avoir deux ans de moins, donc ils étaient proches de la vie active. Et en fin de compte, je ne les ai pas côtoyés, il n’y avait que moi à l’âge de 4 ans et mon frère qui avait 9 ans de plus que moi, donc 13 ans. Et je n’ai vécu qu’avec mon frère de 13 ans.
Et encore, c’est lui qui a très mal vécu la disparition de mon père. Parce qu’en fin de compte, il a été en échec scolaire. Et je pense que c’est lui qui a eu la plus mauvaise vie. Alors c’est quelque chose de douloureux, parce qu’il est décédé aujourd’hui, mais en ayant… fait un échec scolaire, il est allé faire de l’apprentissage, et il est tombé dans la mécanique automobile, et il est tombé dans la boisson, puisqu’il y avait des adultes qui l’ont entraîné un petit peu là-dedans, et il s’est fait piéger par l’alcoolisme, et ça lui a détruit toute sa vie, et je pense que la source de ces problèmes, c’était la disparition de mon père.
Peut-être que lui il l’a bien vécu, il avait une relation avec son papa, en fin de compte, notre père, qui était tellement peut-être fusionnel qu’il a perdu un petit peu sa moitié. Et là, ça lui a fait exploser en fin de compte en vol, puisqu’il est même arrivé avec ses problèmes d’alcoolisme. Il a été rejeté de la famille, il a été même émancipé. Donc, c’est allé très loin.
Moi, j’ai vécu ça un petit peu de mon adolescence. J’étais surpris parce qu’il était violent. Donc, l’alcoolisme provoquait des violences. et ça a un peu fracassé la famille, ça a cassé la famille en deux. Le seul frère que j’avais un petit peu à proximité, il a vrillé en fin de compte, et j’ai vécu, en plus de la disparition de mon père et des difficultés qu’avait ma mère, ces violences qui étaient apportées par mon frère qui vivait mal la disparition de mon père. Donc, c’est un peu le témoignage que je peux faire, c’est que ça peut faire des dégâts gigantesques, en fin de compte, une disparition d’un homme à un âge assez jeune quand même, et puis de voir sa famille qui est un petit peu laissée un petit peu elle-même.
Et je pense que dans une région en province, il n’y a peut-être pas les entourages psychologiques ou l’aide où on peut se faire assister et aider. Je n’ai jamais vu ou je n’ai jamais entendu parler de psychologue à la maison, donc on était tous livrés un petit peu à nous-mêmes avec ces blessures qu’on a vécues dans la famille. Et je pense que mes frères et sœurs, âgés n’avaient que l’envie d’aller faire leur propre vie, en fin de compte. C’est pour ça que je n’ai pas eu non plus cette assistance.
Par contre, quand j’ai commencé à vivre, quand ma mère n’était pas présente, ça a été une de ses meilleures amies qui me prenait en charge, ou mon plus grand frère qui venait de fonder sa famille, qui habitait pas très loin. Et donc, j’ai été un petit peu balotté, soit chez moi avec ma mère quand elle allait bien, Et quand elle n’allait pas bien parce qu’elle avait ses hauts et des bas de dépression, elle allait dans un centre médicalisé pour se soigner. Et donc, pendant cette absence, moi j’allais chez soit ses meilleurs amis, soit chez mon frère pour vivre. Mais donc, j’étais un petit peu balotté entre trois endroits. Géographiquement, c’était très proche, 5 km ou des choses comme ça. Mais j’étais quand même un petit peu balotté. Et je pense que c’est… quelque chose que je n’ai pas forcément bien vécu et que j’ai enfoui très loin quand même.
Noureddy
D’accord. Justement, je voulais revenir par rapport à la relation que tu as entretenue avec ta mère, puisque ton père a disparu, ton frère, celui le plus proche, a sombré dans l’alcoolisme.
Philippe Le Provost
Oui.
Noureddy
Alors, on va revenir à ce frère-là dans un petit moment. Est-ce que tu peux nous raconter la relation que tu as entretenue avec ta mère ? Est-ce qu’à tes yeux, elle se substituait bien à ton père ?
Philippe Le Provost
Non, pas du tout. Non, pas du tout.
Je pense qu’il faut… Alors, ça, c’est l’analyse que je fais aujourd’hui. Mais je pense que des familles… Dans certaines provinces proches de la terre, donc dans les campagnes, le rôle de la maman, c’est une femme au foyer qui s’occupe des enfants, mais elle ne peut pas se substituer au rôle du père.
Le père, le chef de famille, le fait qu’il ait disparu, elle était complètement désemparée et elle n’était pas en mesure d’assumer ce rôle puisque je pense que dans ces familles, il y a toujours eu un héritage d’une mère, d’une maman, le rôle de la femme à cette époque-là, là je parle des années 60, moi je suis né en 1964, donc [plutôt les années] 70, ça devait être ça, le stéréotype, c’est le rôle de la mère au foyer. Elle ne travaillait pas, et donc du jour au lendemain, le fait d’avoir perdu son mari, il a fallu qu’elle subvienne aux besoins de la famille, donc elle a dû apprendre et aller travailler, et donc là, elle a eu un petit peu d’aide autour avec un médecin, des choses comme ça, et des relations qui l’ont fait rentrer comme aide-soignante, mais on l’a aidé de toutes pièces pour lui permettre de travailler et de subvenir aux besoins des deux personnes, puisqu’il y avait moi et mon frère de 13 ans qui restaient vraiment à charge en fin de compte.
Et là je pense qu’elle était à la fois… submergée par la tristesse d’avoir perdu et de devoir assumer seule le rôle de chef de famille, et en plus de travailler, donc elle était absente en plus par son travail, et donc ses absences, elles étaient évidemment physiques parce qu’elle allait travailler, et elle devait être submergée, et dans la dépression, elle n’était pas présente en termes de maman pour… pour aider, pour éduquer, pour accompagner.
Et là, je pense que c’était le grand vide, en fin de compte. C’est ce que moi, je ressens aujourd’hui, même si je n’ai pas de souvenirs, ça reste ma vérité. Si c’était mes frères et sœurs qui auraient leur témoignage, ils étaient peut-être plus âgés, ils auraient peut-être une autre vérité, parce qu’ils l’ont vécu différemment. Mais moi, c’est ce que je témoigne aujourd’hui, avec mes propres souvenirs. C’est une absence, en fin de compte. Une absence.
Noureddy
Une absence, dans le fond. Le père qui est déjà parti et une mère aussi, donc qui…
Philippe Le Provost
Doit faire face à toutes ces nouvelles contraintes, obligée de travailler pour gagner de l’argent, payer un loyer et être absente, et voilà. Et le plus jeune des enfants, devoir le confier à des amis ou à l’enfant le plus grand pour subvenir aux besoins immédiats, en fin de compte, parce que c’était ça, s’occuper de moi.
Et après, ça a été l’école. Ça a été l’internat. Ça a été d’autres façons. Plus je grandissais, plus j’ai gagné en autonomie, mais ça reste une éducation qui s’est faite comme ça, en fin de compte, sur le tas.
Noureddy
Sur le tas, d’accord, très bien. Et les plus grands de la fratrie ne prenaient pas en charge son éducation, ils ne participaient pas à…
Philippe Le Provost
Si, alors mon frère le plus âgé… J’étais à proximité parce que ma sœur vivait en Ile-de-France, elle était éloignée. De ce fait-là, elle ne pouvait pas être présente. Et puis, mon deuxième frère, je pense qu’à cette époque-là, il commençait à travailler, mais il était distant de plus de 100 ou 200 kilomètres. Donc, le seul frère qui était à proximité, à 5 kilomètres, c’était mon premier grand frère, en fin de compte, qui avait fondé sa famille.
Et là, j’étais hébergé de temps en temps chez lui. Mais c’était occasionnellement. Mais ça pouvait être des périodes de plusieurs semaines, je ne sais plus exactement si ça a été plusieurs mois, non, c’était plutôt de l’ordre de plusieurs jours ou une semaine, ou des choses comme ça, mais peut-être pas si long. Je ne m’en souviens plus, et j’ai vraiment enfoui très profondément cette période de ma vie en fin de compte.
Noureddy
D’accord, très bien.
Et donc, ce séjour, ces séjours, donc, chez ton grand-frère, tu en as des souvenirs par rapport à… Est-ce qu’il te traitait… Comment dire ? Est-ce qu’il t’ai traité comme un fils ? Est-ce qu’il t’ai traité comme un frère ?
Philippe Le Provost
Je pense, oui, comme faisant partie de… Oui, comme un frère quand même. Et comme il avait des enfants petits, eh bien, moi, je m’occupais aussi de jouer avec ses… Il avait deux filles. Et donc, voilà, j’ai… Ouais, non, je pense qu’il me traitait comme un frère quand même. Je pense comme un frère.
Mais bon, il était instituteur parce que maintenant il est à la retraite, mais il y a toujours eu de la découverte, du partage, de l’éveil en tout cas. Je ne peux pas dire qu’il prenait le rôle de père, ne sachant pas comment aurait dû être un père, je ne peux pas faire de comparaison. Mais… non, je ne pense pas qu’il était comme un père, en tout cas. Je ne pense pas.
Et même lui, je ne sais pas exactement si même mon père avait vécu, est-ce qu’il aurait été vraiment présent ? Je me pose cette question aujourd’hui. Sachant qu’il était investi par son travail et qu’il était là pour ramener de l’argent à la famille, faire vie, je pense qu’il passait beaucoup de temps aussi dans son travail. Il aurait peut-être, même s’il avait continué à vivre, est-ce qu’il aurait vraiment été présent ? Je me pose la question. Avec le recul maintenant, moi, aujourd’hui à 60 ans, je me pose la question, est-ce qu’il aurait vraiment été présent ? Est-ce que ce n’était pas une façon de vivre à cette époque ? Il était peut-être introverti, peut-être, je ne sais pas. Je ne sais pas, mais ce sont des présomptions que j’ai. Peut-être qu’il n’aurait peut-être pas été présent en réalité, et que j’aurais eu peu de pères en fin de compte, même s’il avait été là.
Noureddy
D’accord. Donc si on devait résumer cette période… Donc, de ton enfance, tu perds ton père à 4 ans. Donc, la période de l’enfance, de l’adolescence, puis tu grandis, tu deviens un adulte. Si on devait résumer ça en quelques phrases, qu’est-ce que tu dirais ?
Philippe Le Provost
C’est allé très vite. C’est allé très vite.
Et il faut apprendre à se débrouiller. Donc, on se construit plus ou moins bien. Et je pense que… Bon, je n’ai pas été malheureux, mais on laisse la vie nous faire découvrir les choses plus ou moins bien.
J’ai fait des études qui m’ont quand même permis, dès que j’ai fini mes études, de travailler. Donc j’ai eu quand même de la chance malgré tout, à une époque où, je ne pense pas avoir eu de difficultés. Et ça s’est fait tant bien que mal, même si je pense que dans certaines familles… Ce qui aurait pu me manquer, c’est un peu l’éducation.
Quand tu commences à fabriquer ta vie d’adulte, comment il faut faire, à quoi il faut faire attention ? Et ça, je n’ai pas été éduqué pour me préparer. Donc, j’ai pris les choses au jour le jour. Quand j’ai commencé à gagner de l’argent, plein d’argent, je l’ai peut-être trop dépensé, alors que j’aurais pu être éduqué sur comment économiser pour préparer l’avenir ou pour investir, et je n’ai pas eu cette éducation.
C’est un petit peu, aujourd’hui, en tant qu’adulte, que… je me dis que si j’avais eu des parents, ou des bribes de cette éducation, et ça aurait été un petit peu mieux, je serais mieux rentré dans la vie active. Mais bon, la vie d’ado, je l’ai fait comme je l’ai pu. J’ai fait les bêtises que l’on fait, donc je ne pense pas l’avoir mal vécu, mais ça s’est fait au petit bonheur la chance, et tout s’est bien passé malgré tout.
Noureddy
C’est vrai que… Quand on est dans une situation difficile, on dit souvent que la nécessité est la meilleure des institutrices. Et donc, tu as appris, comme tu le dis sur le tas, tu as essayé, tu t’es trompé, tu as corrigé, tu as fait des expériences. Franchement, dans un cadre comme ça, c’est très courageux de ta part, j’ai envie de dire. Et enfin, je suppose que…
Philippe Le Provost
Je pense que c’est naturel. L’être humain, il va se débrouiller à avancer, en fin de compte. même si on ne le fait pas parfaitement. Et puis, avec les années, avec l’expérience, avec les reculs, on s’est dit « Ah ouais, si j’avais su d’autres choses, j’aurais pu faire autrement. » Mais bon, ce n’est pas très grave.
Mais il reste encore pas mal d’années pour bien les vivre, en fin de compte. Et maintenant, avec la sagesse, je dirais, en ayant atteint un certain âge, et avec la réflexion sur soi-même, je pense que peut-être que ça va me permettre de mieux préparer mes dernières années et de mieux les vivre en fin de compte.
Avoir eu une vie un petit peu difficile, si on fait le point à un moment donné ou si on a la capacité de faire le point et d’apprendre un peu plus sur soi-même, c’est ce que je suis en train de faire, j’estime en ce moment, d’apprendre un peu plus sur moi-même, peut-être que je vais mieux me préparer pour profiter de mes dernières années de vie, j’espère les plus longues, mais en tout cas, de vraiment m’épanouir dans les… Si j’ai 30 ans encore à vivre, je serais le plus heureux, mais je vais tenter d’en profiter.
Donc, voilà. La vie m’a fait tout ça, mais mon histoire va peut-être me permettre de bien la terminer, en fin de compte, mais c’est ma propre histoire. Je pense qu’on a tous chacun son histoire, mais voilà.
Noureddy
Tu parlais tout à l’heure de, on va dire, ton manque de connaissances par rapport à la gestion financière. Est-ce que tu peux dire que dans les quelques moments où tu fréquentais les… donc les foyers de tes frères et sœurs, est-ce qu’ils ont pris une part de ton… Est-ce qu’ils t’ont enseigné des choses qu’aurait enseigné un père typiquement ?
Philippe Le Provost
J’ai côtoyé. Je sais que chez mon grand frère, c’était son épouse qui s’occupait de la gestion administrative financière. Elle était très rigoureuse parce que ses parents ont été très rigoureux là-dessus. Mais en fin de compte, on ne me l’a pas forcément recommandé ni inculqué. Je l’ai observé, mais je ne l’ai pas pour autant appliqué. Ça n’a pas été des recommandations ou une transmission, ou en tout cas, je ne me rappelle pas s’ils l’ont fait, ou alors je devais être complètement absent, ou je devais être réfractaire, je ne sais pas.
Mais en tout cas, quand moi, je me suis retrouvé tout seul à fabriquer ma vie d’adulte, j’ai l’impression que j’étais tout nu de ce côté-là. Mais pour autant, ce que je suis en train de témoigner, je me rappelle ma belle-sœur, donc, faire ces chiffres et des choses comme ça, et gérer le foyer. Donc, je l’ai vu, mais je n’ai peut-être pas pris les bons conseils, ou alors il n’y a peut-être pas eu de partage. Et de ce côté-là, peut-être que mon frère et ma belle-sœur ne m’ont pas considéré comme un enfant ou comme un frère qui était là parce qu’il fallait ne pas le laisser tout seul. Mais si ça avait été un enfant, peut-être qu’ils auraient inculqué des choses ou ils me l’auraient recommandé. Mais je ne me souviens pas qu’il l’aient fait, en tout cas. Voilà, donc c’est pour ça que je me suis retrouvé face à moi-même après, quand j’ai démarré dans la vie active.
Noureddy
D’accord, très bien. On va pouvoir passer à la deuxième partie de cette interview. On fait un saut dans le temps. Tu deviens à ton tour un papa. Donc, tu avais quel âge à ce moment-là ?
Philippe Le Provost
En 2001, j’avais… J’ai un trou de mémoire !
Noureddy
En 2001, donc ça fait 24 ans, là !
Philippe Le Provost
Oui, mais en 2001, 1964-2001, donc ça fait…
Noureddy
37 ans.
Philippe Le Provost
37 ans, oui, donc je n’étais pas non plus tout jeune. Mon épouse a 5 ans de plus que moi, donc elle était proche de la quarantaine. Ça nous est arrivé comme un cadeau, cette…
Noureddy
Ce don de Dieu ?
Philippe Le Provost
Oui, plus pour elle, je pense que c’était… C’était un cadeau, c’était le résultat de notre union, en fin de compte. Il n’a peut-être pas été complètement souhaité, il est venu comme ça, comme…
Noureddy
À l’improviste.
Philippe Le Provost
À l’improviste, voilà. Il est venu à l’improviste, mais en tout cas, ouais, je m’en rends compte aujourd’hui, c’est vraiment un cadeau de Dieu, en fin de compte, il n’était pas… prévu complètement, on ne l’a pas organisé, mais bon, quand il est arrivé, c’était vraiment un immense cadeau.
Et c’était un immense cadeau surtout pour mon épouse, parce que j’anticipe un peu ta question, mais mon rôle de père, il n’a peut-être pas été comme il aurait dû. Je pense peut-être par manque de savoir, de savoir-être, de savoir-faire. Je n’ai pas su être père, enfin, je pense.
Noureddy
Justement, j’allais en aborder, donc, cette question de la préparation. Donc, je suppose que tu n’as pas découvert la naissance de ton enfant au jour où il est né. Donc, bien sûr, il y a les neuf mois de la grossesse. Est-ce que, donc, toi, tu as eu la présence d’esprit de te préparer en tant que père, de te renseigner, de t’éduquer ?
Philippe Le Provost
Non, pas vraiment.
Noureddy
Pas vraiment…
Philippe Le Provost
Je pense que j’ai fait comme ma vie active, c’est au jour le jour. De toute façon, il y a des charges, il y a des choses à faire, il faut le préparer, il faut l’accueillir. Ça s’est fait tout naturellement, en fin de compte. Je ne me suis pas… je n’ai pas anticipé ou je n’ai pas réfléchi à comment je devais me comporter, ça s’est fait tout naturellement. Je pense, comme j’ai toujours vécu, ça s’est fait instinctivement, en fin de compte. Et plus ou moins bien, en fin de compte. Mais ça s’est fait instinctivement. Je pense que j’ai toujours vécu comme ça. sans vraiment réfléchir à mes actes que je faisais.
Et c’est peut-être pour ça que je dis que je n’ai pas été un bon père, parce que je me suis peut-être un peu aussi… Comment ? Je me suis concentré sur mon travail, et le fait de me concentrer sur mon travail, je me rendais absent, et je laissais la charge de l’éducation plus à mon épouse, à sa maman, plutôt que moi d’être vraiment présent. Donc j’ai peut-être été trop absent.
Ne sachant pas comment faire, je pense que je me suis enfui dans le travail par méconnaissance et c’est peut-être été une sorte de facilité. C’est ce que je me dis aujourd’hui. J’analyse ça comme étant peut-être une fuite de ma part ne sachant pas comment m’y prendre. J’étais là pour toutes les choses importantes, c’est à dire que s’il ya besoin de d’actes de… voilà. Mais vraiment, l’accompagnement que devrait être le père j’ai peut-être pas su le faire parce que je n’avais pas eu de démonstration, n’ayant pas eu de père non plus, ou même mes frères ne m’ont pas appris à être père. Je pense que c’est ça.
Et je pense, même j’en suis certain, celle qui a été une vraie maman, c’est mon épouse. Elle a été vraiment présente pour lui. La relation, je pense qu’entre la maman et l’enfant, c’est tout naturel. Et moi, j’ai fait comme j’ai pu, en fin de compte. Aujourd’hui, si j’avais à refaire, ce sera différent. Je me préparerais, oui, ça c’est clair.
Noureddy
D’accord. Tu parlais de cette fuite que tu faisais quand ton fils est arrivé. Il me semble que c’est un fils ?
Philippe Le Provost
Oui, c’est un fils.
Noureddy
Et donc, quand tu fuyais vers ton travail, tu n’avais pas cette petite voix dans ta conscience qui disait « qu’est-ce que tu es en train de faire ? Ton fils t’attend. »
Philippe Le Provost
Hélas, non. Pas suffisamment.
Noureddy
D’accord.
Philippe Le Provost
Pas suffisamment.
Donc, je pense que quand on fuit, on veut fuir ses responsabilités un petit peu aussi. Et on est envahi par les choses que l’on fait et on n’y pense plus trop, mais je ne me rappelle pas avoir eu cette petite voix qui me rappelait « mais tu es en train de faire des conneries là, tu es en train de t’absenter, tu as un enfant qui attend que tu sois présent. » J’ai l’impression que je n’ai pas eu cette petite voix.
J’ai même l’impression que cette petite voix, ou alors… Ouais, je l’ai… peut-être découvert plus récemment que j’avais une petite voix qui pouvait me dire, « Hé, réfléchis à ce que tu fais ! Toc, toc, toc, il y a quelqu’un dedans ? Tu fais peut-être des bêtises. » Et je pense que je n’ai pas eu cette perception de petite voix jusqu’à il y a quelques mois simplement, en fin de compte. Donc, j’ai toujours vécu sans avoir de petite voix qui me disait, « Mais qu’est-ce que tu fais ? » Donc, j’ai vécu instinctivement, « Est-ce que c’est ça ? Est-ce que c’est bien ? Est-ce que ce n’est pas bien ? » Je pense que c’est forcément pas bien, mais j’ai… pas l’impression d’avoir eu une petite voix qui me disait… voilà. Donc, j’ai vécu au jour le jour comme ça jusqu’à présent.
Noureddy
Et tu penses que c’est l’absence de relation avec ton père qui a fait que…
Philippe Le Provost
C’est possible.
Noureddy
D’accord.
Philippe Le Provost
Et peut-être même l’absence de relation avec mon père et avec ma mère aussi, puisqu’elle était absente. Donc, tu te construis tout seul, t’es guidé par ton instinct, en fin de compte.
Alors, c’est vrai que j’ai une éducation religieuse, donc avec des valeurs. Ne pas voler, ne pas faire des bêtises, ne pas agresser. Il y a des choses qui m’ont été apprises par l’éducation en dehors de mes parents. Donc ça, le respect, des choses comme ça, des choses qui étaient importantes au moment où j’ai vécu, dans la période où j’ai grandi. Donc c’était des choses qu’on côtoyait, ne serait-ce que par les façons dont les parents de mes amis se comportaient, des choses comme ça. On apprend au fur et à mesure par mimétisme de ce qu’on voit autour de soi.
Donc cet apprentissage s’est fait de cette façon-là. J’ai découvert par ce que j’ai côtoyé, et j’ai appris par moi-même. Les codes qui me font aujourd’hui, les valeurs que j’ai eues aujourd’hui, je les ai apprises au travers de cette éducation à l’école religieuse, même si je ne suis pas pratiquant, mais c’est quand même des valeurs fortes qui, moi, me sont chères.
Donc, je pense avoir quand même été bien éduqué, en fin de compte, avec des valeurs qui sont importantes, parce que c’était dans le milieu provincial où c’est tout l’entourage… on vit quand même beaucoup les uns entre les autres, tout le monde se connaît, on est dans un village, si on fait une bêtise, on va se faire tirer les oreilles. Pour te raconter une anecdote, moi, je me suis même retrouvé chez le boulanger, avoir piqué un bonbon, il y avait ma maman qui arrivait derrière, et je me suis fait tirer les oreilles, parce que le boulanger… tardait avant de rentrer dans le magasin, même si la sonnette avait sonné. Et en fin de compte, je ne me suis pas fait avoir, mais je suis allé reposer le bonbon, parce que c’était ma maman qui m’a surpris derrière. Mais bon, enfin, non, mais tout se sait, donc on ne peut pas faire des bêtises dans un petit village comme ça.
Noureddy
On va revenir à ton enfant. Donc, il est né. Donc, toi, tu… de prime abord, donc tu vas fuir tes responsabilités en tant que père du fait de ton manque d’expérience et de ton manque de… comment dire, de connaissances par rapport à cette tâche qui est celle du père. Est-ce que c’est quelque chose qui a duré pendant la croissance de ton enfant ?
Philippe Le Provost
Oui, oui, oui, oui. Je pense que c’est ce qui rend la vie de couple aussi difficile de s’apercevoir que mon épouse, elle a un mari qui n’est pas père et elle a dû assumer toute seule. Donc, je pense que ce n’est pas forcément facile.
Maintenant, je l’ai découvert, je pense que j’avais besoin, moi j’ai eu des problèmes peut-être un peu psychologiques en réalité, ou me faire ma propre psychanalyse, parce que je vivais pour moi… est-ce que c’était pour moi véritablement ? En tout cas, si je fuyais comme ça, c’est que je ne voulais pas affronter mes vraies responsabilités. Donc, il n’y a que très peu de… de temps, je me suis rendu compte que je pouvais être moi-même. En fin de compte, j’ai toujours vécu comme ça, mais sans vivre moi-même.
Et lors d’un événement au mois de septembre, j’ai pris conscience qu’aujourd’hui, je pense que je vais toujours rester dans le même type de vie. Je vais très loin en disant ça, c’est que je pense que j’ai… toujours vécu comme un enfant, même jusqu’à 60 ans en fin de compte. J’ai jamais changé de façon de voir les choses. J’ai jamais quitté un petit peu cette enfance, peut-être que cette intuition ou cette naïveté, en fin de compte, elle a perduré jusqu’au jour où j’ai eu quelqu’un qui m’a dit « Mais toi, tu peux te parler à ton toi du futur, qu’est-ce que tu as envie ? » Je me suis jamais demandé « Mais qu’est-ce que j’avais envie d’être plus tard ? » Je me suis… Il y a plein de questions que je ne me suis jamais posées. Je pense que ça vient de ça, ces problèmes de ne pas être père, de ne pas savoir qui on est, en fin de compte. Et mes problèmes de ne pas être un bon père, ça vient de ça. De ne pas savoir qui on est, ou de ne pas décider de qui on veut être, et on vit au fil de l’eau.
Et là, j’ai découvert que, oui, maintenant, j’ai l’impression d’être adulte, et maintenant, il faudrait que je… On ne peut pas revenir sur des années perdues, mais en tout cas, essayer de rattraper, essayer d’avoir un meilleur rôle de père, même si mon enfant est un adulte aujourd’hui. En tout cas, corriger des choses ou rattraper.
Et voilà. Mais voilà, je pense qu’on découvre que c’est notre histoire et je pense que j’ai du mal à mettre des mots dessus parce que j’ai encore du travail à faire sur moi-même, en fin de compte, pour me rendre compte de comment je devrais être comme bon père. J’ai besoin d’apprendre. J’ai besoin d’apprendre sur moi et pour l’enseigner ou pour aider.
Puisque pour moi, je trouve qu’après coup, je me dis qu’un père devrait être un guide, il devrait aider et faciliter la vie de son enfant. Et je n’ai pas pu le faire, ça. Je découvre à regret que j’aurais pu l’aider si j’avais pris conscience de de mon rôle de père, mais j’ai l’impression que je n’ai pas pris conscience de ce rôle de père. C’est pour ça que je ne l’ai pas… Je n’ai pas pu l’être, le père, puisque je n’ai pas pris conscience que j’étais un adulte. J’ai l’impression d’avoir toujours été un enfant. C’est peut-être fort ce que je suis en train de dire, mais j’ai l’impression que j’ai vécu comme un enfant et qu’il y a quelques mois, je me suis permis de devenir adulte et de me dire « Ah ouais, voilà, maintenant, il faudrait peut-être que je me construise comme un adulte en fin de compte. » Et ça a peut-être été étonnant, mais bon, c’est ma réalité.
Noureddy
Cette prise de conscience du rôle du père, tu te rappelles, tu l’as eu quand ?
Philippe Le Provost
Il y a quelques mois, au mois de septembre de…
Noureddy
Il y a quelques mois…
Philippe Le Provost
Ah oui, c’est impressionnant. Je me suis permis, c’est vraiment très récemment que je me suis dit même que maintenant, je suis un adulte. Quand j’ai percuté avec ce que j’ai entendu… J’ai entendu la parole d’un psychanalyste, un thérapeute, en fin de compte, qui m’a fait prendre conscience de mon moi, en fin de compte, et que je pouvais me projeter. Et je ne m’étais jamais, en fin de compte, je ne m’étais jamais parlé à moi-même, ni quoi que ce soit.
C’est pour ça que quand tu parles d’une petite voix, j’ai l’impression que je ne me suis jamais entendu, puisque j’étais un petit peu tout seul. Moi et ma petite voix, ou c’était peut-être ma petite voix qui me faisait… Jusqu’à présent, c’est ma personnalité qui fait que je ne me suis peut-être pas construit comme il fallait. Et depuis quelques mois, j’accepte de me dire, ben voilà, maintenant, tu es un adulte. Maintenant, il faudrait peut-être prendre ton rôle d’adulte comme il faut. Mais il y a plein de choses à apprendre, en fin de compte.
Noureddy
Wow, c’est quelque chose, effectivement. Je voulais revenir par rapport à ces 23 ans. Donc, ton fils, aujourd’hui, il a bientôt 23 ans, donc il est bientôt 24, puisqu’on est en 2025. Donc, tu es ce père qui fuit, donc, et toute la charge de l’éducation de ton fils…
Philippe Le Provost
…elle est revenue à mon épouse.
Noureddy
Voilà. Est-ce que cette situation-là n’esquintait pas votre relation ?
Philippe Le Provost
Ben si, hélas, si.
Noureddy
Comment ?
Philippe Le Provost
Ben, il y a de la distance aussi un peu entre nous, donc voilà. Mais je pense que c’est… Oui, là, on touche à quelque chose de… de très sensible de la vie d’aujourd’hui. Mais bon, j’accepte d’en parler.
Donc, il faut que moi aussi… je me suis découvert comme adulte, comme père, mais il y a aussi comme mari, en fin de compte. Et là, il faut que j’assume plus ce rôle, j’en prends plus conscience. Donc, à moi de me reconstruire, en fin de compte. Parce qu’en réalité, je ne me suis peut-être jamais bien construit. J’ai vécu, comme je disais, par intuition. Et ça, l’absence de parents, je pense que pour un orphelin, je ne me considère pas comme orphelin, parce qu’un vrai orphelin, il n’a plus ses parents et ce sont d’autres personnes qui vont l’éduquer. Et encore, ça dépend quelles sont les personnes, mais moi j’ai l’impression de m’être éduqué moi-même. Mais si on s’éduque soi-même, on est livré à nous-mêmes et puis ça peut faire des grands dégâts en fin de compte.
Ça dépend dans quel contexte on vit. Je pense que j’ai eu la chance de grandir dans un contexte où il y avait des vraies valeurs, malgré tout, et j’ai quand même des bons fondamentaux. Mais on s’en aperçoit… Ma propre psychanalyse, je ne la fais que maintenant, en fin de compte, même si j’ai tenté de le faire il y a quelques années, mais ça n’a pas vraiment fonctionné, parce que je n’étais peut-être pas prêt à parler de moi-même ou parler sur moi, en fin de compte. Mais là, il faut que je continue maintenant. J’ai découvert que je suis un adulte maintenant par rapport à la vie qui vient de s’écouler, mais voilà, c’est un constat.
Noureddy
Donc, pour revenir justement à ta relation avec ta conjointe, tu constates ce père fuyant. Est-ce que tu as eu des rappels à l’ordre ? Est-ce qu’elle t’a conseillé ? Peut-être qu’elle a essayé de te guider, de t’orienter ?
Philippe Le Provost
Oui, oui, oui, tout à fait.
Noureddy
C’est bien. Et comment tu prenais ces conseils ? Est-ce que c’est quelque chose que tu prenais à cœur ? Tu te disais que, effectivement, il faut que j’essaie de me changer ?
Philippe Le Provost
Je pense que c’est un peu plus ou moins bien. Je pense plus ou moins bien. Et plus ou moins bien. Et comme il y a quelques mois, simplement on parle du mois de septembre 2024, où j’ai percuté, que je suis vraiment devenu un adulte, je pense que je n’avais pas les bonnes réactions, ou plus ou moins.
Donc je pense que pour des besoins d’urgence, j’étais toujours présent, mais je pouvais fuir assez facilement. Donc dès qu’il y avait des choses très importantes, j’ai toujours été présent. S’il faut aller chez le médecin, des choses comme ça, mais des choses peut-être plus de la vie de tous les jours. Je me suis vu très souvent, quand j’étais au travail, partir beaucoup plus tard, donc rentrer beaucoup trop tard, mon épouse m’attendait, ou alors je disais que j’allais venir, je partais, et puis en fin de compte je partais une heure trop tard. Donc mon absence était longue et on m’attendait en fin de compte. Je pense que ces journées un peu à rallonge où j’étais absent, mon épouse l’a très mal vécu, ça c’est clair.
Noureddy
Tu sais, quand tu parles de cet enfant qui demeure en toi pendant toutes ces années, le fait que tu sois engagé dans la vie active ne fait pas de toi, ne serait-ce qu’un tout petit peu, un adulte quand même, pour subvenir aux besoins de la famille ?
Philippe Le Provost
Si, si, mais ça c’est… au fond de moi, je pense que j’ai… Au mois de septembre, j’ai dit que j’avais fait le deuil de mon enfance. Quand j’ai eu ce mot, ce déclic. J’ai dit que j’ai fait le deuil de mon enfance et que là, maintenant, j’étais devenu un adulte. Donc, il s’est vraiment passé quelque chose de très important. Donc, j’ai pris conscience de mes responsabilités.
Maintenant, bon, je suis à l’âge [que] j’ai, mon fils, il est à l’âge [qu’il a] et je suis en train de prendre mes responsabilités. Il faut que je me construise ou en tout cas que je construise la fin de la vie et je serai toujours son papa. Donc, maintenant, il faut que je change les choses, que je m’améliore, et que je l’écoute en fin de compte parce qu’aujourd’hui, il est un adulte. Il faut que je sois à ses côtés que je l’accompagne. Il faut que je retrouve un rôle de père vis-à-vis d’un autre adulte qui n’est plus du tout le même qu’un rôle de père quand on a un enfant qu’on doit éduquer et ça c’est aussi un apprentissage que je vais découvrir en me découvrant moi-même parce que je fais un travail sur moi-même maintenant de développement personnel, et je pense que je me découvre.
Et tout en me découvrant, je vais trouver des bonnes choses et que je vais pouvoir aussi partager vis-à-vis de mon épouse, vis-à-vis de mon fils, et l’accompagner. En tout cas, aujourd’hui, ce que je souhaite le plus fort, c’est de l’aider à réussir dans sa vie. Et le peu de choses ou le peu d’années qu’il me reste à vivre, s’il reste encore 20 ou 30 ans, c’est quand même beaucoup. Mais je pense que j’aurai l’opportunité, avec tout ce que je vais apprendre sur moi, aussi l’aider à grandir ou à faire des bons choix dans la vie, s’il accepte de m’écouter, j’espère.
Même là, je suis en train de dire des choses, je n’ai pas eu des conversations suffisamment riches avec lui encore, et ça, c’est des choses que j’ai à établir en fin de compte. Même si on est l’un à côté de l’autre, mais je pense qu’il y a des vrais échanges de père-fils qu’on n’a pas encore eu, en fin de compte. Et ça, il faut que je les crée, ces moments, en fin de compte, et qu’ils seront riches pour tous les deux, en fin de compte. Et donc, j’ai des bons moments futurs à venir. Je me félicite de ces futurs moments que je pourrais passer avec lui, mais il faut les créer maintenant.
Noureddy
Que Dieu te facilite.
Philippe Le Provost
Oui.
Noureddy
Pendant toute la période entre 2001 et aujourd’hui, malgré le fait que tu as été ce père fuyant, malgré le fait que tu aies échappé à cette responsabilité-là, est-ce qu’en faisant une petite introspection, tu te rappelles de moments de qualité dans lesquels tu as passé…
Philippe Le Provost
Oui.
Noureddy
Est-ce que tu te rappelles de moments de qualité que tu as passé avec ton enfant ?
Philippe Le Provost
Oui, c’est vrai que je l’ai accompagné dans ses pratiques sportives, des choses comme ça. Donc moi-même…
Alors j’étais passionné par le football, il a vécu la période football, et là on l’a vécu intensément tous les deux en fin de compte. Mais est-ce que c’était, c’est là que je me pose la question, est-ce que c’était vraiment des relations père-fils, ou c’était des relations de passion qu’on vivait tous les deux ? C’était la passion de ce sport que l’on vivait tous les deux, et que je l’accompagnais parce que j’étais disponible pour ça ? Voilà, c’est là que je ne sais pas faire la différence en fin de compte, est-ce que c’était vraiment… lui apporter tout ce qu’il fallait pour que lui vive sa passion et que je sois témoin de cette passion ou est-ce qu’en même temps ce n’était pas ma passion que je vivais avec lui en fin de compte ? C’est là où j’ai du mal à discerner. Mais oui il y a des moments ces moments là de sport, du tennis, des choses… Toutes ces activités je les ai faites avec lui quoi, parce que c’était des activités sportives. Oui, j’étais présent de ce côté là mais c’est une présence sous une certaine facette en fin de compte.
Mais la présence de père, d’échanges… La présence morale du père, l’éducation morale ou l’éducation pour se construire intellectuellement, des choses comme ça, j’ai l’impression que ça, je ne les lui ai pas apporté en fin de compte. C’est plus mon épouse qui les lui a apporté que moi en fin de compte. Parce que c’est des entretiens, des discussions riches, des discussions même d’éducation sexuelle, des choses comme ça, que moi je n’ai pas eues, en fin de compte, si on va par là. Comment se comporter ? Quel point de vue on doit avoir par rapport aux gens ? Des choses comme ça. Donc j’ai partagé des moments, mais je n’ai peut-être pas échangé sur des moments intellectuels avec lui, ou pas suffisamment. Donc ça, c’est peut-être plus auprès de sa maman qu’il l’a échangé.
Et je vois aussi qu’il a des relations plus proches avec sa maman, de ce point de vue-là. S’il a envie de se confier, ce sera auprès de sa maman, pas vis-à-vis de moi. Donc, ça, c’est l’absence de papa. Je pense que pour quelqu’un qui veut être un bon père, s’il ne l’est pas bien, il y aura peut-être une absence de confidence. Et cette absence de partage entre père et fils, ça peut faire mal aussi, en fin de compte, de ne pas avoir cet échange, parce que c’est très enrichissant de découvrir que son fils a envie d’apprendre, a envie de découvrir la vie, et qu’il y ait du partage, de l’échange. « Papa, comment tu ferais pour faire ci, pour faire ça ? Comment tu ferais si tu es embêté ? » Donc, il y a plein d’échanges, peut-être que je n’ai pas eus. Je ne les ai pas eus, de toute façon. Donc, c’est la réalité. Mais bon, la vie n’est pas finie et on peut avoir encore plein d’échanges.
Noureddy
D’accord. Et donc, à part le sport et le football, est-ce que tu te rappelles avoir eu des moments plus sérieux, on va dire ? Donc, tu avais dit que c’était avec ta conjointe, donc qu'[ont] eu lieu ces moments sérieux, tu n’as pas vécu ça.
Philippe Le Provost
Alors, je pense que j’ai un petit problème aussi de mémoire. Un peu à l’image de j’enfouis tout. Les choses que je n’aime pas, je dois les enfouir. Donc, les enfouir énormément. Donc, je pense assez facilement, j’oublie ou je ne me remémore pas ces moments-là. À part quelques petits flashs comme ça d’activité.
Je ne vais pas pouvoir te témoigner que j’ai ces souvenirs de ces moments d’échanges. Donc, je suis un peu comme vide de ce côté-là. Et j’ai l’impression que oui, ils n’ont pas eu lieu. Je ne m’en souviens pas, donc certainement, ils n’ont pas eu lieu. Mais même s’ils ont eu lieu, j’ai l’impression de ne pas m’en souvenir parce qu’ils ne m’ont pas marqué ou j’étais peut-être pas prêt à m’en souvenir. J’ai comme l’impression que ma mémoire me fait défaut sur certaines périodes de ma vie, en fin de compte, je sais, où je me suis mal construit quelque part, en réalité. Donc, c’est un constat aujourd’hui.
Mais maintenant, il faut que j’avance, il faut que je me construise moi-même et j’ai découvert que pour pouvoir être aimé, il faut aussi s’aimer soi-même. Et ça, c’est ce que je suis en train de faire maintenant. Donc, en me construisant moi, je pense que j’aurai plus facilement l’accès à l’amour des autres quand moi, je vais m’accepter moi-même. Et ça, c’est mon… C’est peut-être une prochaine étape. Peut-être que je vais pouvoir devenir un bon père en ayant fait cette construction sous moi-même, en fin de compte. Et c’est peut-être ça la vraie réponse. Pour être un bon père, il faut bien se construire soi-même d’abord, bien s’aimer pour pouvoir aimer l’enfant qu’on va recevoir.
Noureddy
Magnifique. C’est très fort ce que tu dis, Philippe. Nous approchons au terme de cette interview. Première question pour finir, avec ton expérience, avec l’introspection, avec ce que tu as vécu, pour toi, qu’est-ce que ça représente le rôle du papa ? C’est quoi le rôle de père pour toi ?
Philippe Le Provost
Alors avec mes mots d’aujourd’hui, parce que si on avait eu cette interview il y a 5 ans, 10 ans ou même 20 ans, je pense que je n’aurais pas eu ce recul aujourd’hui. Je pense qu’un vrai père, ça doit être… Quelqu’un qui doit donner de l’amour, ça c’est inévitable, mais je pense que je ne suis pas légitime pour en parler parce que je n’ai pas eu cette opportunité de pouvoir donner mon amour à mon fils.
En tout cas, ce qui est essentiel, c’est d’être un guide, un accompagnateur, un facilitateur. Il ne faut pas lui imposer ce que nous, on a envie, en tout cas. Il faut aider son enfant à s’épanouir et à trouver ce qui va être le mieux pour lui. Je pense que ça, c’est le plus important. Un bon père doit permettre à son enfant de bien s’épanouir et de lui faire découvrir ce qui va le faire vibrer, ce qu’il va aimer, et de ne pas le freiner sur… Parce que chaque être humain est différent, donc il faut réussir à l’aider à découvrir là où il va être le meilleur, en fin de compte, et ce qu’il va apprécier dans la vie. Donc, c’est un accompagnateur pour lui faire découvrir ce qu’il va… lui être le plus agréable dans la vie. Donc, je pense que c’est ça. Si un père réussit à ce que son enfant trouve ce qui est le meilleur pour lui, je pense qu’il aura gagné son rôle de père, il aura fait ce qu’il faut pour que son enfant prenne la vie à pleines dents et profite de la vie.
Noureddy
Bien. Et donc, tu aurais des conseils à donner aux futurs pères qui nous écouteraient ou aux pères actuels ?
Philippe Le Provost
Eh bien, si les pères n’ont pas eu d’enfance un peu comme moi avec des parents, eh bien, de travailler sur eux. Je pense que d’apprendre à se connaître, de s’apprécier. J’ai l’impression que ce que je suis en train de faire moi maintenant va m’aider d’être un futur père pour un adulte, mais en tout cas, il va me permettre d’être un vrai père, d’un vrai accompagnant pendant la vie d’adulte de mon fils. Mais en tout cas, c’est de bien découvrir qui on est pour transmettre le meilleur de soi-même.
Donc, je pense qu’il faut qu’un père se connaisse bien pour être sûr que si lui, il sait ce qui est bien pour lui, il saura ce qui est bien pour son fils. Donc, apprendre à bien se connaître soi-même pour être sûr de transmettre les bonnes valeurs et les bonnes choses à son enfant. Donc, je pense que c’est ça, mon conseil en tout cas.
Noureddy
Bien. Et pour finir, tu aurais des recommandations lecture, vidéo ou des ouvrages ?
Philippe Le Provost
Ah, je n’ai pas préparé cette question, mais… Hum, hum. Actuellement je peux faire profiter. Je suis en train d’écouter un podcast. Alors c’est sur du développement personnel mais je pense que ça peut permettre à des gens qui n’auraient jamais travaillé là dessus… Elle s’appelle Maud Ankaoua. C’est une une auteure qui a écrit trois livres, je suis en train de lire le troisième parce que le troisième parle de l’amour de soi, en fin de compte, et c’est par ce troisième que j’ai voulu commencer la lecture. Et donc, ça s’appelle « Plus jamais sans moi » de Maud Ankaoua.
Et j’écoute son podcast actuellement. Et ça me fait me découvrir, en fin de compte. Et je pense que c’est une façon d’apprendre sur soi-même. Donc, je pense que si on accède à cette réflexion sur soi-même, on peut bien se construire. Et je pense que c’est peut-être une recommandation. J’encourage en tout cas.
Noureddy
Merci beaucoup, Philippe.
Philippe Le Provost
Merci, Noureddy.
Recommandations
- Le podcast Ces questions que tout le monde se pose de Maud Ankaoua
- Le livre Plus jamais sans moi de Maud Ankaoua
Philippe sur le web
Son blog Transmiz : https://www.transmiz.fr/
Misez sur la transmission de vos savoirs et générez un complément de revenu
Laisser un commentaire