Épisode 7 – Transmettre la foi

Dans l’épisode du jour, je reçois Amir1, âgé de 63 ans, père depuis 37 ans et papa de quatre enfants. Il nous partage sa vision de la transmission de la foi à nos enfants dans le contexte français… et plus encore.

Transcription

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Noureddy
Amir, salam alaykoum, que la paix soit sur toi.

Amir
Amir, salam alaykoum, que la paix soit sur toi.

Noureddy
Comment tu te portes ?

Amir
Ça va.

Noureddy
Amir, est-ce que tu peux te présenter à nos auditeurs ?

Amir
Oui, Amir, j’ai 63 ans, je suis médecin depuis plus de 40 ans, musulman… et je m’arrêterai là.

Noureddy
Donc tu peux nous décrire un petit peu la situation familiale, donc tu es marié depuis ?

Amir
Marié depuis 37 ans, 4 enfants, ils ont tous quitté le foyer familial, chacun va à ses occupations, ils ont un métier, et Alhamdoulilah (Dieu soit loué).

Noureddy
Donc 37 ans en tant que père ?

Amir
Oui.

Noureddy
D’accord. Aujourd’hui, nous allons discuter de la transmission de la foi à nos enfants. D’abord je voudrais savoir qu’est-ce qui t’a fait penser à ce sujet là ?

Amir
Il y a deux modèles de vie dans ce monde. Il y a la vision dite moderniste, mais pas moderne, mais moderniste, et la vision traditionnelle. Moi je m’inscris… de façon volontaire à la vision traditionnelle. Et qui dit tradition signifie transmission. La véritable signification de la tradition, c’est la transmission. Et donc, cette façon de voir le monde m’habite depuis mon très jeune âge, avant d’être marié d’ailleurs. Donc pour moi c’est la chose la plus importante, transmettre.

Encore une métaphore, l’être humain appartient au règne des mammifères. Et les mammifères ont toujours eu le souci de transmettre à leurs descendances leur savoir-faire. Moi en tant que musulman, parce que j’étais musulman très tôt, transmettre c’est quelque chose de très important.

Noureddy
Et en quoi cette vision de tradition entre en contradiction avec la vision moderniste ?

Amir
Je dis moderniste et non moderne. La différence… Être moderne, c’est vivre avec son temps. Le moderniste, c’est une vision qui essaye de lutter, je dis bien, qui essaye de lutter contre la tradition. Donc, voilà. Par exemple, la famille est quelque chose de très important. Dans la vision moderniste, c’est plutôt l’individu qui est très important. La transcendance est quelque chose de très important dans la tradition. Tandis que dans l’esprit moderniste, c’est plutôt l’humanisme qui est mis en avant. Il y a plusieurs… critères qui font véritablement la différence ce qui est très important à comprendre.

Noureddy
Très bien. Est-ce que tu peux nous faire un petit lien entre la vision traditionnelle et la transmission de la foi ?

Amir
D’abord, la tradition veut dire transmission, donc c’est très important à comprendre. Et la foi, on va dire la tradition, elle a toujours un point de départ suprahumain. Donc pour nous en tant que musulmans, pour qu’on puisse comprendre, c’est vraiment… il y a la notion de la divinité et la notion de la prophétie. Et la prophétie qui ont transmis un certain message, un certain principe, etc. Et ça se transmet de génération en génération. Bon, ça c’est, on va dire, le côté général.

Et comme dit le prophète paix et salut sur lui, chaque début de siècle, il va y avoir quelqu’un qui va renouveler votre dîne. Je dis dîne, je ne veux pas dire religion. Et ça, c’est l’esprit moderne. C’est-à-dire que toujours avoir le souci de réfléchir et non pas être, on va dire, dans un certain confort. Je veux dire, voilà, j’ai eu ça de mes parents, donc je… J’en reste là. Je ne fais aucun effort pour comprendre le fonctionnement de la chose et de l’adapter à mon époque. Donc c’est ça la tradition.

Noureddy
D’accord. Donc en fait tu prônes le fait de s’ancrer sur ses racines tout en ayant cette présence d’esprit, d’être conscient de la réalité des choses et de s’adapter en fonction de ce qu’on vit et des… des enseignements d’antan, on va dire.

Amir
Tout à fait. Il y avait un ami, d’origine juive d’ailleurs, qui sont eux très attachés à leur tradition, qui me disait : il faut enseigner et transmettre les racines pour avoir des ailes. C’est la métaphore des racines et des ailes. Donc pour pouvoir s’envoler, il faut avoir véritablement des racines. C’est quelque chose de très important à concevoir.

Noureddy
Très bien, d’accord. Sur ce, on va pouvoir rentrer dans des choses plus terre-à-terre, on dira. Donc, la transmission de la foi à nos enfants. À quel moment, à quel âge tu as commencé à transmettre les enseignements religieux et la foi à tes enfants ? Ils avaient quel âge quand tu as commencé ?

Amir
Alors, il faut comprendre que transmettre, ce n’est pas forcément quelque chose de formel. D’abord, il faut être naturel. Notre religion, c’est une religion vraiment compatible avec notre propre nature. Dînul qayyim (دِينُ الْقَيِّمِ – la religion de droiture) comme dit le Coran. C’est quelque chose de notre prime nature. Elle est faite ainsi. Donc, il y a des choses tout à fait naturelles et acceptables dans toutes les civilisations. Donc ça, c’est quelque chose de… Il n’y a aucune civilisation qui prône le mal, le meurtre ou le vol. C’est ce qu’on appelle les dix commandements dans la Bible ou les neuf commandements dans le Coran.

Donc ça, c’est quelque chose de très naturel. Il y a des choses qui sont naturelles et d’autres où il faut réfléchir pour s’adapter. Alors à quel moment… Donc finalement, de tout temps, on transmet quelque chose. Ne serait-ce que d’abord, par le choix de l’épouse, comme dit notre tradition : avant de prendre pour épouse une femme, regarde les oncles de tes enfants. Ça veut dire que le ‘asl de la femme… ça commence déjà là.

Noureddy
Alors, le ‘asl de la femme c’est à dire d’où est ce qu’elle vient donc.

Amir
Voilà comme dit le prophète la femme est choisie pour quatre critères en général. C’est les grandes lignes : sa notoriété, sa descendence (il voulait dire sa lignée), son argent, sa beauté et sa foi. Et le Prophète nous a conseillé de choisir une femme qui a la même foi que le prétendant. Donc c’est quelque chose de très important. Donc ça commence déjà là. Et en tant que musulman, il y a ce qu’on appelle des constantes. Ces constantes-là, c’est pour qu’on ne s’égare pas, parce qu’on ne va pas réfléchir sur tout de façon tout azimut. Il y a des choses vraiment constantes à apprendre à ses enfants. D’abord, quand ils sont nés, quand on veut, dans notre tradition, faire l’appel à la prière à l’oreille droite, l’iqama, l’accomplissement de la prière à l’oreille gauche, l’iqama ou adhan. Ça commence déjà là. Parce qu’en tant que musulmans, nous croyons le ghayb. C’est parmi les premiers versets de la Sourate Baqara (La Vache) : Nous croyons au mystères de l’au-delà.

Noureddy
Ce qu’on dirait le monde de l’invisible.

Amir
Le monde invisible. Donc ça c’est… Et il y a un autre aspect aussi. En fait c’est un aspect général, qu’on trouve de façon très prégnante dans la civilisation orientale, ou extrême-orientale. Il y a une corrélation entre le corps et l’esprit. Le corps guide l’esprit, l’esprit guide le corps. Il y a une relation très intime. Quand on dit le corps, ce n’est pas uniquement le corps physique, il y a le psychique aussi. Ça fait partie du corpus corporel… du corps, on va dire. Et l’esprit, c’est le monde vraiment invisible, spirituel, etc. Il y a des relations importantes. Et donc, ce qu’on appelle les rituels, salat (prière), zakat (aumône), le hajj (pèlerinage), le sawm (jeûne), etc., qui sont des aspects physiques, qui ont un impact sur notre esprit. Et donc, les respecter déjà, même si on ne comprend pas, on ne voit pas leur impact, il faut les respecter.

Donc il faut apprendre aux enfants de respecter ces choses-là, même s’ils ne sentent rien au début. Ça viendra par la pratique. Donc très jeunes, les enfants commencent à faire le jeûne, même quelques heures, de façon très ludique d’ailleurs, les mammifères aiment transmettre les choses par le jeu, par l’imitation, etc. Donc ça commence comme ça, très très jeune, mes enfants commençaient à faire la prière très jeune.

Noureddy
Tu peux préciser quel âge à peu près ?

Amir
Je ne me souviens pas, mais 8 ans, 9 ans à peu près. Très jeunes.

Noureddy
Mais il me semble que selon la tradition, c’est à partir de 7 ans qu’on commence à enseigner la prière, c’est bien ça ?

Amir
Voilà, en fait, je pense qu’il faut enseigner la prière même plus jeune que ça. Rien que le fait de voir les enfants quand ils te voient faire la prière, c’est un enseignement déjà. C’est un hadith da’if (faible), ou même mawdū (hadith fabriqué), si j’en crois certain. Apprenez la prière à 7 ans et frappez-les à 10 ans, parce qu’on ne frappe pas les enfants. C’est pas grave, mais on peut comprendre la philosophie.

Noureddy
Très bien, d’accord. Donc là, tu viens de parler de la transmission de la prière, donc la prière rituelle qui doit être faite cinq fois par jour. Est-ce qu’il y a d’autres choses que tu as transmises qui ont rapport avec la foi que tu as transmises à tes enfants, quand ils avaient encore cet âge-là, donc de 7, 8 ans, 9 ans ?

Amir
C’est une question compliquée. Je dirais… En fait, en tant que croyant, on ne sépare pas la foi de notre, on va dire, « vie profane ». Parce qu’il n’y a pas de séparation en fait. La séparation, c’est les modernistes qui font cette séparation.

Mais en fait, il n’y a pas de schizophrénie. On est un, et donc nous agissons toujours selon notre conviction la plus profonde. Et le fait de transmettre une certaine éthique, déjà, que tout le monde fait, ce n’est pas spécifique aux musulmans, même les athées transmettent une certaine éthique, ça c’est de l’ordre de notre nature. Et pour nous en tant que croyants, nous l’intégrons dans notre foi, dans notre système de croyance. Et la chose qui me met dans…

Je me suis posé la question de façon très tôt, en ayant des enfants, c’est comment ils puissent vivre dans un monde où il y a beaucoup de contradictions avec leur foi. Et comment vivre à l’aise sans qu’il y ait des… Comment on appelle ça ? Des contraintes. Donc je leur ai appris à… à comprendre que les musulmans doivent être à l’aise dans n’importe quelle situation. Il ne faut pas qu’ils sentent une certaine frustration. Je pense que c’est quelque chose de très important. Le musulman doit être capable de vivre dans n’importe quel milieu.

Il y avait un célèbre savant qui s’appelle Ibn Taymiyyah qui était emprisonné, et de toute façon très durement. Il disait : Mon cœur est libre, en fait, vous pouvez faire ce que vous voulez avec mon corps mais mon coeur est libre. Donc c’est quelque chose de très important de comprendre que d’abord il faut pas que l’enfant sente une contrainte. Après il fera son chemin. Mais bon, il faut lui transmettre d’abord que les choses sont faciles. Notre religion c’est quelque chose de facile d’ailleurs le Prophète nous conseille de faciliter les choses et non pas les…

Noureddy
Les rendre plus compliqués.

Amir
Voilà. Je pense que l’élément essentiel dans l’éducation de mes enfants, c’est de rendre les choses plus faciles. L’essentiel, c’est pour préserver l’essentiel. L’essentiel, c’est d’être en contact permanent avec Dieu. C’est ça la chose la plus essentielle de toutes les religions d’ailleurs et de toutes les spiritualités. Voilà. Et c’est même étayé par les versets coraniques. D’abord, on fait la prière, pourquoi ? Pour être en contact avec la divinité. Et le dhikr, c’est le rappel de Dieu, la reminiscence. C’est comme les orientaux qui font les mantras pour être toujours en contact avec Dieu. Sans manifestation quelconque.

En général, les pratiques les plus importantes en islam, ce sont des pratiques qui ne se voient pas, qui sont assez secrètes. Le Qiyam Al-layl (veillée en prière durant la nuit), c’est la nuit et personne ne te voit. Le dhikr, personne ne te voit non plus, tu le fais dans n’importe quelle position et dans n’importe quelle situation. Sawm (jeûne), c’est quelque chose de vraiment secret. Personne ne peut savoir si tu jeûnes ou tu ne jeûnes pas. Zakât (aumône), en principe, quand on fait la zakât, comme dit la tradition, quand la main droite donne, la main gauche n’est pas au courant de ce que tu fais. Etc. Donc ce sont des pratiques simples mais qui nous mettent en relation… en fait c’est prendre conscience de la présence de Dieu, tout simplement, c’est ça la foi.

Noureddy
Très bien. Tu disais tout à l’heure que cette transmission doit être faite de manière spontanée, que cette transmission, on doit transmettre aussi la facilité de notre foi et de notre religion. Maintenant, ce qui est intéressant, c’est qu’ici on est en France, pays dans lequel domine un état d’esprit, on va dire, moderniste, comme tu le décris toi. Est-ce que, justement, il n’y a pas eu des frictions entre le fait d’apprendre leur religion, de l’appliquer dans leur vie quotidienne, et la vision moderniste et les interactions avec les personnes à l’extérieur de la famille ?

Amir
Oui, oui, c’est pas facile. Souvent, il y a des contradictions, des contraintes. En plus, il y a de plus en plus de contraintes. Au début, quand je suis venu en France, en 1986, on vivait notre foi de façon naturelle et sans contraintes. Maintenant, pour des raisons politiques… Les contraintes sont de plus en plus criantes et il faut pouvoir s’adapter. Les enfants sont âgés maintenant, donc je n’ai pas eu ce souci-là quand ils étaient plus jeunes. Mais effectivement, maintenant, ça devient de plus en plus dur. Il faut savoir s’adapter, il faut savoir préserver la chose la plus importante dans notre foi.

De toute manière, on ne peut pas nous enlever cette… cette foi, quelle que soit leur méchanceté, ils ne peuvent pas l’enlever. Le problème, c’est que maintenant, c’est l’État qui se mêle de certains… Par exemple, pour les femmes voilées, etc., ça devient de plus en plus dur.

Noureddy
D’accord, très bien. Je voudrais savoir si tu pouvais nous décrire comment ta femme a-t-elle contribué à la transmission de la foi ? Comment vous partagez les choses à transmettre à vos enfants ?

Amir
De façon très naturelle. On a réfléchi quand même ensemble quelles sont les choses les plus importantes à transmettre. Heureusement qu’on est aidé par notre façon de voir l’islam. Déjà, transmettre les cinq principes de l’islam, c’est quelque chose de naturel. On ne s’est même pas posé la question, ça se faisait naturellement.

Noureddy
Tu veux dire les cinq piliers, c’est ça ?

Amir
Les cinq piliers, oui.

Noureddy
Très bien.

Amir
Les cinq piliers. Ça se fait naturellement, on apprend le shahada (attestation de foi), on apprend le salat (prière), il faut voir ce que ça veut dire, comment ça fonctionne, etc. Maintenant, comment donner des explications, c’est là où il faut réfléchir, comment expliquer aux enfants avec un langage simple l’utilité de ces choses-là. Et comment faire le tri entre notre culture d’origine et avec la vision de l’islam. Ce sont deux choses différentes. L’islam, c’est adapté à toutes les cultures. L’islam africain n’est pas comme l’islam maghrébin, l’islam maghrébin n’est pas comme l’islam indonésien, il est différent de l’islam chinois, différent de l’islam turc, mais il y a toujours un socle commun, il y a le socle commun, ça c’est indéniable.

La façon de les pratiquer, la façon de voir le monde est différente. Donc, nos enfants vivent en Occident, c’est des Occidentaux, qu’on le veuille ou pas. Ils sont allés à l’école française, donc ils ont eu une influence plus grande que la nôtre. Nous on essaie de simplement les orienter, etc. Ne pas créer chez eux une certaine schizophrénie. Il ne faut pas qu’ils se sentent d’abord maghrébins. Non, c’est des Français, ils ne connaissent rien du maghreb. Ils ne connaissent rien… ils connaissent un petit peu, mais ils sont plus… pas comme nous. Ils connaissent plus l’histoire de la France que l’histoire de nos pays d’origine.

Donc, il faut leur faire comprendre que la culture, c’est une chose. Et la religion, c’est une autre chose. Il y a toujours des connexions, c’est clair. Il y a toujours des connexions, mais savoir préserver l’essentiel pour pouvoir vivre naturellement et à l’aise dans ce monde. Donc, il faut réfléchir. Ça ne se fait pas de façon spontanée, parce que ce n’est pas notre milieu naturel à nous, c’est le milieu naturel des enfants. Il faut savoir les orienter, leur donner d’abord les clés de compréhension, ça c’est quelque chose de très important, parce que nous, nous transmettons quelque chose, c’est clair, avec tout un passif, toute une histoire qui est propre à nous, et c’est très difficile de comprendre.

Donc on leur donne les clés de compréhension, qui sont claires en fait. Être gentil, tout le monde comprend ça, mais on va leur donner une coloration métaphysique, ils comprennent que être gentil ça a des conséquences spirituelles. Par exemple, donner la zakât, on leur explique ce que veut dire le mot zakât. Zakât veut dire effectivement purification, mais veut dire aussi… augmentation. Par exemple, nous en tant que musulmans, on croit que quand on donne de l’argent, cet argent n’est pas perdu. D’abord dans l’au-delà, on est recompensé et en même temps, même dans notre vie sur terre, cet argent-là n’est pas perdu, il va faire des petits… Par exemple, Ils peuvent le comprendre en étant français ou américain ou belge ou que sais-je encore. Il y a des clés de compréhension qui ne peuvent pas être tributaires d’une culture. Voilà.

Noureddy
Très bien. Tu parlais de la tazkiya tout à l’heure, enfin, de la zakât plutôt. Tu m’as fait penser à une expression qu’on dit chez nous, les musulmans, qui est tazkiyat an-nafs, qu’on pourrait traduire par l’élévation de soi, donc l’élévation vers Dieu, si je ne dis pas de bêtises.

Amir
C’est augmentation, élevation, etc. Mais ça, c’est primordial. Il y a un verset coranique qui… Très perturbant d’ailleurs, on ne fait pas très attention. Le verset qui dit : يَتْلُو عَلَيْهِمْ آيَاتِنَا وَيُزَكِّيهِمْ وَيُعَلِّمُهُمُ الْكِتَابَ وَالْحِكْمَةَ (Il leur récite Nos versets, les purifie, et leur enseigne le Livre et la sagesse.) D’abord, il donne l’information. Et après, wa yuzakkīhim. L’information seule ne suffit pas pour comprendre. Donner l’information d’abord. Le prophète aussi, c’était son rôle de messager. Il y a une lettre à transmettre, il la transmet. Telle qu’elle. Tout le monde est au courant de ce qui est dit. Donc avec des mots simples, tout le monde comprend la lettre du message. Après, il y a la compréhension, c’est autre chose. C’est-à-dire la compréhension profonde, c’est autre chose. Mais pour passer de l’un à l’autre, Rasoul (messager) devient Nabi, il devient guide.

Noureddy
Donc le messager devient…

Amir
…un guide, un maître. Donc, il vérifie d’abord leur être pour qu’il y ait une certaine lucidité. Et à ce moment-là, il leur enseigne la sagesse. Donc là, ils comprennent.

Et quand on voit Abu Hamid Al-Ghazali, qui était un très très grand savant, à son époque, le plus grand savant de son époque, qui était l’équivalent d’un ministre. Il a eu une crise spirituelle, il a dit, je sais beaucoup de choses, mais ça n’a rien modifié à mon comportement, à ma spiritualité, il sent qu’il y a un vide. Donc, pendant six mois, il ne parlait à personne. C’était vraiment une crise très profonde. Il a décidé de quitter toutes ses fonctions et de méditer sur le Coran, etc. Sur son chemin, il rencontre un très grand sage qui a eu l’expérience avant lui. Il dit, qu’est-ce que tu vas faire ? Il dit, je vais m’isoler dans… dans une grotte et méditer sur le Coran. Il dit non, tu vas perdre ton temps, tu vas tourner en rond. Il dit d’abord, vérifie ton être. Commence par dhikr, par tasbih, etc. Fais des invocations pour que Dieu te guide. Une fois que tu sens que les voiles de ton œil intérieur ont disparu, c’est là où tu peux méditer sur le Coran.

C’est compliqué. Voilà, c’est… zakât, pour rebondir sur ce qui est tazkiyat an-nafs, c’est quelque chose de très important. C’est pour ça que le dhikr…

Noureddy
…l’invocation…

Amir
…est quelque chose de recommandé. Dieu nous exhorte à faire les invocations de façon intense. Ce n’est pas quelque chose comme on voit dans nos mosquées actuellement, l’imam dit Salam alaykoum la moitié de la salle…

Noureddy
…retourne vaquer à ses occupations habituelles.

Amir
Ils ne font même pas le minimum requis, c’est-à-dire tasbih 33 fois « Subhanallah » (gloire à Dieu) 33 fois Alhamdoulilah (Dieu soit loué) 33 fois « Allah Akbar » (Dieu est grand) et tu lèves tes mains pour invoquer Dieu. Alors que Dieu dit, j’aime quand mon serviteur me fait des invocations. Il aime ça. C’est-à-dire qu’on est en position d’humilité pour demander Dieu. Voilà.

Noureddy
Très bien, d’accord. Je voudrais revenir sur un point que tu as mentionné il y a un petit moment maintenant. C’était quand tu as expliqué la transmission de la gentillesse. La gentillesse est quelque chose qui est, j’ai envie de dire, universelle. Donc en France, on sait ce que c’est que la gentillesse, on sait pourquoi c’est bien que d’être gentil. C’est pas exclusif en France, mais aussi dans les pays maghrébins, aux Etats-Unis, en Chine, en Indonésie, en Malaisie, dans tous les coins du monde. Maintenant… Est-ce que, du vu du contexte français, tu n’as pas utilisé une technique ou une astuce du style on prend ce qui se fait en France et on essaie de lier ça à un enseignement du Coran ou à un enseignement d’un hadith. C’est quelque chose qui t’est venu à l’esprit lors de la transmission de la foi à tes enfants ?

Amir
Je ne sais pas, je n’ai pas d’exemple comme ça, mais en tous les cas, quand on parle de justice, notamment en France, on parle souvent de justice entre les hommes et les femmes, la justice doit être indépendante. Ça, c’est un enseignement coranique aussi. Donc il n’y a pas de contradiction. Heureusement, parce que nous avons une… fitra (nature saine), elle est intrinsèque. Le fitra, c’est quelque chose de… qu’on a eus avec notre naissance. Et n’importe quel être humain, il a ça. Il tend vers… C’est banal pour lui, être juste. Mais le problème, il faut en prendre conscience.

Noureddy
Pour nos auditeurs, je t’interromps là. Pour nos auditeurs, la fitra, c’est la nature profonde, d’après certaines traductions.

Amir
Voilà, c’est ça. La prime nature.

Noureddy
La prime nature, voilà.

Amir
Voilà, c’est ça. Quand quelqu’un, par exemple, d’ailleurs, ça nous renvoie aux attributs de Dieu qu’on dit traditionnellement [au nombre de] 99, en fait il y en a plus que ça, mais 99 non, en fait ce sont les attributs de Dieu, parmi ces dieux (il voulait dire « noms ») c’est le Haqq, c’est la vérité, c’est la justice, etc. Donc quand quelqu’un est juste, naturellement on a une certaine empathie envers lui, quelqu’un qui est méchant, personne ne l’aime. C’est parce que c’est naturel.

On a cette tendance cette tendance à aller vers le fait, aller vers cette harmonie avec le divin. Asma’ Allah el Hosna c’est les meilleurs noms qu’on dit on traduit c’est les meilleurs attributs etc en général c’est des superlatifs. Et c’est lui qui est généreux, quelqu’un qui est généreux, personne ne le déteste. Même si on est un petit peu vicieux, on l’aime quand même. Quelqu’un qui est véridique, on l’aime quand même. Quelqu’un qui défend la veuve et l’orphelin, on le prend pour notre modèle. Et ainsi de suite.

Nous, la différence c’est que nous on a une conscience. Par exemple Dieu est là, que tu crois ou que tu ne crois pas à Dieu, mais en tous les cas, ça pose question à la nature, son fonctionnement, etc. Toutes les avancées scientifiques nous laissent perplexes. Mais avoir conscience de façon générale, c’est ça la difficulté. Et pour avoir cette conscience, [faites] le dhikr, il faut y penser, il faut réfléchir. Nous, quand on se lève le matin, on ne réfléchit pas à la nature, etc. Comment fonctionne le soleil, comment fonctionnent nos cellules, etc. On n’y pense pas. Mais si on prend chaque moment… pour y réfléchir, pour valider la puissance de Dieu, etc. C’est ça qui nous renforce dans notre foi. Il renforce cette conscience-là.

Il y a des gens qui sont en conscience 24 sur 24. Le Prophète, paix et salut sur lui, il s’est réveillé, il a commencé à faire sa prière sans des ablutions. Aïcha, que Dieu l’agrée, lui a demandé : mais Prophète, tu n’as pas fait tes ablutions ? Il dit, mon cœur ne s’est jamais endormi. En fait, il est en contact avec Dieu 24 sur 24. Et même chef aussi, paraît-il, il avait cette capacité-là. Donc, voilà, c’est cette conscience qui fait la différence. Comme dit le verset coranique, le concours est ouvert à tout le monde. Voilà, c’est ça.

Noureddy
Un truc que personnellement j’aime bien dire, du fait de mes connaissances en programmation et en informatique, j’aime bien dire que Dieu Tout-Puissant, c’est un petit peu le codeur qui a codé ce système qui s’appelle l’univers, avec tous ses modules, avec toutes les dépendances les unes des autres. Tous les systèmes sont interdépendants les uns les autres, et donc tu dis l’alignement des planètes, les révolutions des planètes, même la cellule, c’est tout un système, et ça nous fait réfléchir justement.

Amir
C’est une signature justement, la signature de Dieu elle est là. D’ailleurs le Coran le dit. Le livre déployé, le livre écrit, [le livre] chiffré. Et donc Dieu nous invite à méditer sur le Coran, mais pas seulement, à méditer sur le livre qu’est l’univers. Voilà, donc, et même symboliquement, par exemple, le hajj, le tawaf (circumambulation), c’est autour de la Kaaba (édifice cubique situé au cœur de la Mosquée sacrée de La Mecque), il se fait de façon anti-horaire, et ça ressemble à… aux planètes qui tournent autour du soleil, le soleil qui tourne au niveau de sa galaxie, toujours avec de la même façon les électrons autour du noyau.

Et à l’époque du prophète, paix et salut sur lui, on leur a dit de faire le Tawaf, même avant, parce que le Tawaf existait avant. On tournait comme ça et sans poser la question. Maintenant, quand on sait comment les choses sont organisées, on ne peut être qu’admiratif de la chose. Ça doit nous renforcer dans notre réflexion. Et ainsi de suite, même l’organisation du Coran, quelque chose d’extraordinaire. Je parle simplement de l’organisation, je ne parle pas des… des subtilités, des mots choisis, etc. Simplement, l’organisation, c’est qu’il y a une signature quelque part.

Noureddy
Je voudrais qu’on revienne sur notre sujet, qui est la transmission de la foi. Du fait du contexte français, quelles sont les difficultés auxquelles tu as dû faire face pour transmettre la foi à tes enfants ?

Amir
La difficulté, c’est le contexte, on va dire, maintenant moderne même dans nos pays… malheureusement…

Noureddy
Alors là tu dis moderne ou moderniste ?

Amir
Je dirais moderniste… on va dire. J’aime bien critiquer le monde dans lequel je vis. C’est la notion de la famille. C’est quelque chose pour moi c’est quelque chose de très important. Malheureusement l’organisation du travail, etc, font de telle sorte que La famille ne se résume qu’à la famille nucléaire, c’est-à-dire le papa, la maman et les enfants. La famille, dans le sens traditionnel, a tendance à disparaître. En France, ça fait longtemps qu’elle a disparu.

Noureddy
Pour le coup, peux-tu nous décrire justement cette famille traditionnelle qui a disparu ?

Amir
Par exemple, chez nous, ça reste encore d’actualité, on ne met jamais nos parents dans un EHPAD, par exemple. C’est impensable. Maintenant, avec la vie moderne où les enfants travaillent, etc., ça devient difficile. Ça devient difficile, donc c’est la solution la moins pire, on va dire. C’est un exemple.

Les fêtes, par exemple, l’Eid, etc., on se voyait tous dans la maison, on va dire, des grands-parents, etc. les mariages maintenant les mariages on est isolé c’est là on rencontre la famille et on présente nos enfants, « voilà des cousins les arrière cousins », etc… Ca devient difficile. Quand j’étais jeune, je me faisais un point d’honneur de passer des vacances dans notre pays d’origine pendant trois mois, au moins qu’ils voient leur famille, qu’ils apprennent la langue.

Noureddy
D’accord. Pour revenir à la question, les défis auxquels tu as dû faire face. Donc déjà, la modification de la notion de famille en France qui a changé. Est-ce qu’il y a d’autres choses qui ont peut-être entravé ?

Amir
Oui, par exemple la laïcité qui est, on va dire, c’est un moindre mal, parce que l’histoire de l’Occident a fait de telle sorte que les représentants de la religion chrétienne ne se sont pas adaptés du tout à la vie des citoyens, donc il y a eu des dépassements, il y a eu des… des exactions. Et donc la laïcité est venue pour protéger l’individu. Mais c’est un non-sens métaphysique. C’est-à-dire qu’on ne peut pas séparer le corps et l’esprit. Et en plus maintenant la laïcité, quand quelqu’un parle de laïcité, on comprend tout de suite que c’est contre l’islam. Bien sûr c’est toujours édulcoré avec des formules bien savantes, mais au fond c’est ça. Et on le voit de plus en plus maintenant.

Donc c’est une… C’est une difficulté. Quand on voit les débats politiques, parce que les populations se ressemblent toutes, on prend un Français, un Maghrébin, un Africain, un gars de l’Amérique du Sud, la première préoccupation, c’est de se lever le matin, comment faire pour remplir le frigidaire et donner une bonne éducation à ses enfants. C’est ça la première préoccupation. On pense pas à la laïcité ou comment… Comment humilier les musulmans ? C’est les politiques. Comme ils ne trouvent pas de solution, on trouve toujours un bouc émissaire. C’est vieux comme le monde. En plus, on essaie de diviser les populations pour régner en maître. Et ça, même le Coran nous…

Noureddy
…nous avertit ?

Amir
Nous Avertit, Pharaon, qu’est-ce qu’il a fait ? Pharaon, indépendamment de l’histoire spécifique de Moïse, et de Pharaon, en fait ce sont des paradigmes. Le Pharaon, qu’est-ce qu’il a fait ? Il a divisé la société pour que toujours il maintienne son…

Noureddy
… son règne ?

Amir
…son statut. Donc ils font la même chose avec des mots différents, mais c’est strictement la même chose. Parce qu’ils savent très bien que les citoyens… aspirent tous à la même chose. Comme ils défendent une certaine oligarchie, donc il faut diviser. C’est ça, donc…

Noureddy
D’accord. Je voudrais revenir sur le point de la laïcité. Dans mon esprit, la laïcité, c’est vraiment ce qu’on nous dit à l’école, c’est vraiment la séparation de l’Église et de l’État. Qu’est-ce que je voulais dire ? Donc là, ça… s’étend aussi à la séparation entre la vie sociale, donc la vie en communauté française et sa spiritualité qui doit « rester à la maison ».

Amir
C’est ça. C’est une évolution fâcheuse parce que même en islam, on n’appelait pas ça la laïcité. Mais c’était… Le Prophète, paix et salut sur lui, à Médine, n’était pas chef d’État en tant que prophète. Il était chef d’État élu. C’est-à-dire, il a demandé le bay’ah. C’est-à-dire, le bay’ha, comment on traduit ça en français ? L’allégeance. Il y a des… Je te reconnais en tant que… Et quand il a fait ce qu’on appelle la charte de Médine, enfin, ce n’est pas une charte, mais c’était simplement… On appelle ça le wathika (constitution de Médine).

A Médine, il a réuni toutes les tribus, aussi bien juives, chrétiennes, que même les tribus qui n’ont aucune religion, les polythéistes. Ils ont intégré dans la cité de Medina. En fait, c’était le premier jalon de la création de la citoyenneté. C’est ça. Personne n’est contre, mais c’est la dérive. A l’époque, comme il s’appelle, on l’a assassiné médiatiquement. L’abbé Pierre siégeait à l’Assemblée avec sa soutane. C’est impensable.

La neutralité, c’est la neutralité de l’État et non pas du citoyen. Ça, c’était l’esprit de la laïcité. Maintenant, il y a des modifications de telle sorte qu’il y a plus d’une trentaine de modifications qui font que même les citoyens doivent se tenir à l’écart de la vie sociale. Pourtant, c’est bien dit, il peut manifester sa foi. de façon publique. C’est les droits de l’homme qui le disent. C’est comme ça.

Noureddy
Donc c’est dans ce contexte-là, justement, il y a eu une modification de cette compréhension de la laïcité, qui, si je compare avec, on va dire, la Wathika de Médine (constitution de Médine), qui, elle, reconnaissait les différentes cultures et les différentes croyances des différentes tribus de Médine. Dans la France d’aujourd’hui, on n’est pas là. On n’en est pas là, donc on est plutôt dans un esprit de normalisation de l’individu et du citoyen, de façon à ce qu’il pense d’une seule et d’une unique manière. Et ça, ça a été un frein potentiellement à la transmission de la foi et la transmission des valeurs religieuses aux enfants.

Amir
Ils ne peuvent pas freiner la transmission.

Noureddy
Alors, ils ne peuvent pas la freiner, mais en tout cas… Quand les enfants vont sortir et se mélanger à la société, ils auront peur d’exprimer leurs convictions de manière… Alors je ne dirais pas ostentatoire parce que ce n’est pas le but là, mais ils ne vont pas oser dire par exemple que, par exemple on va dire un non-musulman qui complimente un musulman pour une action, si le musulman lui répond je fais ça parce que c’est l’islam qui me l’a transmis ça va passer un petit peu… Les politiques d’aujourd’hui n’accepteraient pas ça.

Amir
Oui, tout à fait. Ça devient… En fait, il faut toujours revenir au Coran. Il y a toujours la lutte du diable contre le bien, contre l’être humain. Notre ennemi, c’est le diable. Et le diable, il a ses adeptes. Et quand quelqu’un… veut te dominer, veut t’imposer certaines choses, c’est l’action du diable ça. Voilà, en tout cas moi je vois les choses comme ça.

Quand je vois les débats, qu’on soit pour ou contre, le problème n’est pas là. Quand on voit les débats sur le voile, c’est quelque chose de lunaire. Vraiment quelque chose de lunaire. J’ai entendu, je ne vais pas citer son nom, c’est un journaliste, il dit c’est intolérable d’accepter le voile. Pourquoi c’est intolérable ? C’est terrible. Alors qu’au début, les femmes voilées qui faisaient le ménage, ça ne dérangeait personne. C’est maintenant quand il y a des femmes qui rentrent dans… qui ont un certain niveau, etc. C’est là où ils ne sont pas d’accord. Ils veulent toujours qu’on soit au bas de l’échelle pour nous accepter.

Noureddy
C’est un débat pour peut-être une autre fois. Dans ce contexte-là, est-ce que tes enfants ont déjà eu des soucis au point de songer à renier leur foi pour pouvoir s’intégrer ? Ça n’a jamais été le cas ?

Amir
Non, jamais. Même moi, jamais dans mon vie. J’entends que certaines personnes ont été victimes de ces choses-là. J’ai tendance à ne pas croire parce que je n’ai jamais vécu. Mais c’était des gens de bonne foi, des amis, donc je les crois. Je ne l’ai jamais vécu de près ou de loin. Ni moi, ni mes enfants.

Peut-être, j’ai mentionné à mes enfants qu’il faudrait qu’ils soient vraiment à l’aise dans la société. Il y a des gens qui veulent, c’est l’histoire de, je t’ai raconté tout à l’heure en off, l’histoire de Sacco et Vanzetti. Oui, je suis anarchiste alors que tout le monde est contre toi, donc il faut savoir naviguer. Il faut être naturel, il ne faut pas insulter les gens, il y a plein de choses, il ne faut pas agresser. Moi je vois des jeunes qui sortent en qamis (robe pour hommes) en France, moi je trouve ça déplacé, comme si le qamis c’est quelque chose de religieux, c’est un élément culturel. Donc il y a une agression culturelle et les jeunes ne comprennent pas que les autres… perçaoivent ça comme une agression, donc il ne faut pas s’entêter. Quand tu mets le qamis chez toi ou dans la mosquée, à la rigueur, c’est pas grave. Je ne dis pas que le qamis n’a pas un rôle spirituel. Moi je pense qu’il a un rôle spirituel. Mais en société, il faut savoir se comporter.

Tu imagines maintenant les musulmans, quand ils sont tous bien habillés, costumes, cravates, etc. ça ne va rien changer à leur foi et au contraire ils vont être mieux acceptés, déjà visuellement. C’est très important. Il y a des gens qui mettent la barbe, moi j’ai la barbe, elle est bien taillée, etc. Ça ne choque pas, mais quelqu’un qui a… Même moi en tant que musulman, des fois ça me choque. Des barbes hirsutes, là, comme ça, des gens mal rasés, etc. Elles ne sont pas propres chez eux, alors que la propreté et la bonne image font partie intégrante de notre foi. En plus, on ne peut même pas discuter avec ces gens-là, donc c’est compliqué.

Il faut savoir analyser… Comment dirais-je ? Analyser les… La société dans laquelle on vit, même dans les maghreb par exemple, quand on voit quelqu’un avec un qamis et un certain costume, avec une barbe de 3 mètres, déjà on se méfie d’eux. Naturellement, il ne faut pas être hypocrite. On m’a dit : Tiens, celui-là ne me rassure pas. Alors qu’à l’époque, j’ai connu ça, je suis plus vieux que toi, les gens qui avaient une barbe, etc., ils étaient très respectés parce qu’ils renvoient une autre image. Maintenant l’image, elle est… Il faut tenir compte de l’image.

Le Prophète, paix et salut sur lui, quand il y avait des hypocrites, on lui a conseillé, fortement conseillé de les tuer. Qu’est-ce qu’il a répondu ? « Vous voulez que les gens disent que Mohamed tue ses condisciples ? » Ça veut dire que l’image est importante, même s’ils méritent la mort. Donc voilà, il faut savoir s’adapter, savoir passer inaperçu. Et quand ils voient en toi que tu es efficace, que tu as un certain rôle dans la société, que tu es positif, etc., ça a plus de puissance et plus de poids quand il se rend [compte] que tu es musulman.

Noureddy
D’accord. Et je suppose que tu as pris ça en compte, le fait de transmettre à tes enfants aussi, donc le bien fondre dans la société, en plus donc de la transmission de la foi.

Amir
Tout à fait.

Noureddy
Ce que tu dis là, ça me rappelle donc un livre que j’ai lu d’un professeur en psychologie aux États-Unis, il s’appelle, alors c’est Cialdini, Robert Cialdini. Et il a dit quelque chose de très intéressant. Il a dit que les gens sont plus susceptibles d’écouter les personnes qui les ressemblent. Et justement, ce que tu viens de décrire, il y a un certain clivage entre l’aspect vestimentaire chez les Français, qui ne sont pas musulmans, qui ne sont pas de foi musulmane, et l’aspect vestimentaire de certains musulmans, qui créent ce clivage assez brutal, on va dire. et qui renvoie une idée d’alien, dans le sens d’un étranger, quelqu’un qui est différent, quelqu’un qui n’est pas des nôtres.

Amir
Non, mais c’est spécifique. Un bouddhiste avec sa tenue vestimentaire ne choque pas. Donc, ce n’est pas vrai à 100%. Il y a une histoire de colonisation, il ne faut pas la nier. Donc le colonisé c’était en général le musulman et le musulman toujours était dans la catégorie inférieure. Et le colon c’était le dominateur. Donc en arrière-fond il y a toujours cette notion-là.

Donc le musulman quand il s’affirme ou veut s’affirmer… culturellement, parce que c’est pas religieux ça. Je reviens au qamis, ça n’a jamais été un signe religieux ou un signe de grande foi. Ça n’a rien à voir. Le Prophète, quand il était parmi ses compagnons, on le cherchait : « où est-ce qu’il est le Prophète ? » parce qu’il n’avait pas un signe distinctif, ni un grade, ni une casquette. Il épousait la tradition de son époque. Là, on sait qu’il y a une histoire douloureuse, il faut l’assumer et ne pas choquer. Pourquoi je vais te choquer ? J’ai aucune raison de te choquer culturellement, même si je considère que ce n’est pas choquant de mettre un qamis.

Noureddy
Très bien. Sur ce, Amir, je te remercie beaucoup d’avoir contribué pour le podcast. On va passer à la conclusion de cet épisode. Est-ce que tu aurais des conseils à donner aux pères et aux futurs pères par rapport à la transmission de la foi ?

Amir
D’abord, choisir bien son épouse. Deuxièmement, réfléchir, à deux, comment transmettre ? Qu’est-ce qu’on doit transmettre ou [sur quoi] insister ? Si on peut tout transmettre, c’est formidable, mais c’est impossible. Parce qu’on vit dans une société, ce n’est pas une société traditionnelle à l’époque, où les oncles, les grands-parents… Le voisinage jouait un rôle. Maintenant, on est seul. Donc, il faut réfléchir.

Insister sur la pratique, je pense que c’est très important la pratique parce que ça imprime une certaine discipline, donc une discipline corporelle qui a un impact sur notre esprit. Et donner les clés de compréhension et non pas… sa propre compréhension aux enfants. Simplement, comment réfléchir ? Comme dit un grand mystique, apprendre à apprendre. Il faut savoir détecter les choses les plus importantes. Ça, ça demande un travail profond. Voilà.

Noureddy
Merci beaucoup pour ces conseils, Amir. C’est la fin de cet épisode.

Amir
Barakallah fiik (que Dieu te bénisse).

Noureddy
Donc, à nos chers auditeurs, je vous dis… Assalamu alaikum wa rahmatullahi wa barakatuh. Que la paix soit sur vous.

Amir
Wa alaikum salam wa rahmatullahi wa barakatuh.

Lexique

Dīn al-Qayyim
الدِّينُ القَيِّمُ
La religion droite, le chemin de la droiture en islam.
Ghayb
الغَيْبُ
L’invisible, ce qui échappe à la perception humaine (ex. l’au-delà).
Ṣalāt
الصَّلَاةُ
La prière rituelle obligatoire pour les musulmans.
Zakat
الزَّكَاةُ
Aumône obligatoire pour les musulmans afin de purifier leurs biens.
Ṣawm
الصَّوْمُ
Le jeûne, notamment durant le mois de Ramadan.
Hajj
الحَجُّ
Pèlerinage à La Mecque, obligation religieuse pour les musulmans capables de le réaliser.
Hadith da’if
الْحَدِيثُ الضَّعِيفُ
Un hadith dont l’authenticité est douteuse ou faible selon les critères islamiques.
Mawdu’
المَوْضُوعُ
Un hadith inventé, donc non authentique.
Qiyām al-Layl
قِيَامُ اللَّيْلِ
La prière nocturne volontaire, particulièrement recommandée pendant le mois de Ramadan.
Tasbih
التَّسْبِيحُ
L’acte de glorifier Allah, souvent en répétant des formules comme « Subhanallah ».
Subḥānallāh
سُبْحَانَ ٱللَّهِ
Gloire à Allah, une expression de louange et de dévotion.
Fitra
فِطْرَةٌ
La nature pure et innée avec laquelle Allah a créé l’humanité, l’état naturel de soumission à Dieu.
Tawāf
الطَّوَافُ
Le rite du pèlerinage consistant à tourner autour de la Ka’ba pendant le Hajj.
Ka’ba
الكَعْبَةُ
Le bâtiment sacré à La Mecque, vers lequel les musulmans se tournent pour prier.
Aïd
عِيدٌ
Les fêtes musulmanes, notamment l’Aïd al-Fitr et l’Aïd al-Adha.
Bay’ah
الْبَيْعَةُ
Le serment d’allégeance, notamment au calife ou au leader religieux.
Qamis
القَمِيصُ
Vêtement long porté par les musulmans, souvent associé à la tenue traditionnelle islamique.
  1. Nom d’emprunt ↩︎
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