Épisode 8 – Élever un enfant autiste

Youssef, père de quatre enfants, raconte son parcours avec son fils Naïm, 9 ans, atteint de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Entre premiers signes, défis du quotidien et petites joies, il partage son expérience et ses stratégies pour mieux accompagner son enfant.

Transcription

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Noureddy
Youssef, que la paix soit sur toi.

Youssef Ifguis
Que la paix soit sur toi aussi, et sur tout le monde.

Noureddy
Alors Youssef, est-ce que tu peux te présenter à nos auditeurs ?

Youssef Ifguis
Alors moi je m’appelle Youssef, j’ai 47 ans, j’ai eu 47 ans là il y a 2-3 jours quand même, et voilà je suis père de famille, j’ai 4 enfants. Le premier il a 18 ans, le deuxième il a 16 ans, le troisième il a 14 ans, c’est une fille, et le dernier il a 9 ans. Donc assez chargé.

Noureddy
Assez chargé.

Youssef Ifguis
Assez chargé.

Noureddy
C’est une famille nombreuse en France.

Youssef Ifguis
Voilà, voilà, voilà. Oui, oui, c’est vrai qu’on en voit de moins en moins, surtout les jeunes parents. C’est vrai qu’on voit beaucoup un enfant, deux enfants, mais ça commence à être de plus en plus… On commence à être rare un peu. Quatre, cinq, six. Surtout dans les nouvelles générations.

Noureddy
Très bien. Youssef, tu as dit que tu auvais 47 ans. Ça fait combien de temps que tu es papa, pour le coup ?

Youssef Ifguis
Je suis papa, du coup, 18 ans. Je crois que c’est 28 ans. Je crois que j’avais 28 ans, je crois.

Noureddy
Tu avais 28 ans. Et tu t’es marié à… ?

Youssef Ifguis
À 26 ans. À 26 ans, je me suis marié. Et deux ans après, j’ai eu mon premier enfant, Wassim, qui, du coup, a changé les choses, a changé la donne. Voilà. C’est l’image que je suis passé avec le statut de papa.

Noureddy
Très bien. Alors, pour le sujet d’aujourd’hui, tu vas nous parler d’un de tes enfants qui a une spécificité. Est-ce que tu peux nous décrire cette spécificité ?

Youssef Ifguis
Oui, en fait, j’ai mon enfant, le dernier, qui a 9 ans, Naïm, qui, lui, est autiste. Et du coup, en fait, quand il est né, il n’y a pas eu de problème en soi. Mais après, petit à petit, par rapport à… l’évolution qu’on avait l’habitude avec les autres enfants, on voyait qu’il y avait une différence. Et rapidement, en fait, on a compris qu’il y avait des particularités. Tout ça était un peu spécial par rapport à l’évolution, le temps qu’il a mis, par exemple, pour se mettre assis, vous voyez, assis, debout, le temps qu’il s’est mis à quatre pattes, tout ça. On a remarqué et on a consulté petit à petit. Au final, on a vu qu’il était autiste, autiste TDAH et autiste surtout.

Noureddy
C’est quoi l’autisme TDAH ?

Youssef Ifguis
En fait, c’est touble de l’attention. Ça peut être un retard mental, mais c’est un retard de l’évolution. Après, ça peut être dû à tout, soit l’évolution du cerveau, l’évolution de son intégration dans la société. Tout ce qui le permet d’apprendre, c’est comme s’il n’arrive pas à… à apprendre comme les enfants « normaux ».

Par exemple, quand il y a eu l’époque du Covid, où tout le monde mettait les masques, les enfants apprennent avec les autres. Ils apprennent avec les signes du visage, avec les signes de la bouche. Il y a plein d’éléments qui font que l’enfant va apprendre et va évoluer. Et après, nous on ne se rend pas compte, mais les enfants prennent beaucoup de leur entourage, de l’environnement où ils vivent. Et souvent, par rapport à mon fils, par exemple, il avait un problème avec un… Il regardait que d’un seul œil, par exemple. Du coup, ça… Nous, on ne le remarquait pas. C’est après qu’on l’a remarqué. Du coup, ça veut dire qu’il apprenait moins… Il avait plus du mal à apprendre, en fait. Tu vois ?

Noureddy
D’accord. Ces symptômes de l’autisme, il avait quel âge quand tu t’en es rendu compte ?

Youssef Ifguis
J’avoue, on s’est rendu compte très très tôt. C’est-à-dire que au bout de six, même pas six mois, quand on jouait avec lui, quand on fait le jeu avec les bébés, on attend une réponse au niveau du regard. Une réponse quand on fait sourire, par exemple les bébés ou des choses comme ça, on voit l’éveil. En fait c’est ça, c’est surtout l’éveil. Et on a senti qu’au niveau de l’éveil, ça bloquait un peu. Et c’est là qu’on s’est regardé. C’était une action où j’étais moi et ma femme avec Naïm. Et on jouait avec lui et à un moment donné, nos regards se sont croisés, moi et ma femme. Et on a compris que là, il y avait un problème. Oui, c’est là où ça a démarré.

Noureddy
D’accord, très bien. Ce qui est intéressant dans ton histoire, c’est que tu as déjà l’expérience avec trois autres enfants.

Youssef Ifguis
Oui.

Noureddy
Et pour le coup, tu as pu constater assez rapidement. Six mois quand même, je ne saurais pas dire, mais ça doit être rapide pour les enfants.

Youssef Ifguis
Oui, effectivement. Quand il est né, je ne suis pas un spécialiste, je vais te dire des mots. Au niveau de l’arrière de la tête, il y avait un truc facial, je ne me souviens plus des noms, je suis désolé. Mais en tout cas, il avait la tête derrière qui était aplatie. C’était lié à l’accouchement. Et en fait, ce qui s’est passé du coup, on a commencé à traiter cette partie-là. Parce que quand ils naissent, ils ont le… Comment on appelle ça ? Ici, l’arrière de la tête, en fait. C’est très sensible, en fait. Comment on appelle ça ?

Noureddy
C’est fragile tu veux dire ?

Youssef Ifguis
Pas fragile, mais c’est… En fait, quand l’enfant est né, quand ils sont bébés, ici, c’est très… On va dire que c’est fragile. Tu sais que là, c’est pas encore bien fait.

Noureddy
D’accord.

Youssef Ifguis
Et du coup, lui, c’était très plat, en fait. Souvent, ça arrive. Et après, ce qu’on fait, ça se traite. C’est soit on fait des… Il y a des spécialistes là-dedans, qui vont faire un peu de massage, tout ça. Mais nous, il avait ça, et puis il avait comme une sorte d’un blocage au niveau du muscle, tu vois. Il n’arrivait pas à tourner de l’autre côté, en fait, et c’était dû comme à un torticolis, en fait. Mais en tout cas, il avait des problèmes ici, là, et du coup, on a commencé à l’emmener chez le médecin, à voir, à surveiller, à vérifier, tu vois. Ça nous a inquiétés. Le premier truc, c’était ça en fait. Et après, petit à petit, on commençait à remarquer qu’il y avait d’autres retards, mais sans vraiment être inquiet en fait.

Noureddy
D’accord.

Youssef Ifguis
Voilà, après c’était juste ça. On commençait par ça et il avait une… Comment on appelle ça ? Je ne me souviens plus du nom. En tout cas, il avait ça. Et puis après, on a commencé à regarder. De toute façon, l’enfant, quand vous êtes papa ou maman, souvent, c’est inné en nous. C’est-à-dire, on va jouer avec les enfants. Il va tenir nos mains. Vous voyez, quand vous tenez, par exemple, un enfant, vous mettez juste un doigt, il tient les deux doigts. Vous jouez avec le regard. Vous voyez, avec les mains, vous faites bouger vos mains comme ça, vous voyez si le regard, il suit. Quand vous mettez votre main à droite, est-ce qu’il suit ? Vous mettez à gauche, vous rigolez. Vous faites plein de choses pour qu’il y ait une interaction entre vous et l’enfant. Et par rapport aux réponses, c’est là où vous voyez, est-ce que ça va ? Est-ce que là, il y a peut-être un problème ?

Sans parler de problème, mais c’est juste, ça vous donne un peu le constat. Et avec l’évolution, une semaine après, deux semaines après, un mois après, vous voyez, regarde, il évolue. Avant il ne faisait pas ça, maintenant il fait ça. Les parents sont très attentifs aux enfants, et surtout quand on fait tout ce qui est jeux, parce que c’est eux qui sont toujours avec lui. Surtout la maman, la maman aussi sentait qu’il y avait un souci. C’est surtout la maman.

Noureddy
Très bien. Vous constatez un comportement inhabituel chez l’enfant. Quelles sont les démarches que vous avez faites par la suite ?

Youssef Ifguis
En fait, on avait déjà des consultations par rapport justement au problème de l’arrière du crâne et par rapport aux muscles en fait, comme une sorte de torticolis où il n’arrivait pas à tourner. Donc il avait des séances de kiné où il avait… On nous avait proscrit des séances de kiné justement pour l’aider à débloquer un peu le muscle pour qu’il puisse se tourner de l’autre côté. Donc voilà, c’était les premiers, vraiment les premiers soins. Et après, on s’est focalisé sur la partie crânienne. On avait peur en fait que le crâne ne se développe pas, qu’il reste vraiment plat comme ça et que ça l’empêche pour le développement de son cerveau en fait, par rapport à la place, par rapport à tout ça.

Ça, c’est en tant que parent, ce n’est pas en tant que médecin. C’est nous qui nous avons dit que ce n’était pas normal qu’il ait ça. Après, le médecin pédiatre à l’époque nous avait dit, qui était très bien, c’était le pédiatre des trois premiers enfants, et lui nous avait dit, non, ne vous inquiétez pas, c’est quelque chose qui va passer, c’est rien, ça va se développer tranquillement, ce n’est pas la peine d’aller sur des… Voilà, voilà.

Donc, c’est ça ce qui s’est passé. Ma femme, elle, elle avait… Elle sentait que non, là, c’est pas quelque chose qui va partir comme ça. Après, elle s’est renseignée, elle a cherché un peu partout. Après, elle a trouvé un centre à Lyon, en fait, où eux mettaient des casques aux enfants, comme une sorte de… C’est un casque, en fait… que l’enfant met et comme ça, ça le permet d’arrondir un peu son crâne. Et ce n’était pas une question d’esthétique, ce n’est pas « Ah non, il faut qu’il soit comme ça, il faut qu’on fasse tout pour qu’il n’ait pas ce truc-là plat. » C’était vraiment une inquiétude des parents par rapport à la santé, ce n’est pas esthétique. Du coup, on a été… Ma femme avait vu qu’il y avait des problèmes, ça existait, il y avait des gens qui avaient des soucis. Et les solutions, c’est qu’il y avait un centre à Lyon où ils mettaient des casques et ils suivaient l’évolution. Ils suivaient l’évolution, comment le crâne de la tête évolue, tout ça. La partie os, tout ça, avec l’ensemble des spécialistes et des experts là-dedans.

Du coup, le pédiatre nous avait dit non, ce n’est pas la peine. On a redemandé encore. On nous a dit non, non, ne vous inquiétez pas. La maman sentait qu’il fallait le faire. Du coup, moi, j’ai dit, écoute, si tu le sens, comme ce qu’il a dit le pédiatre aussi à la fin. Il a vu que ma femme vraiment insistait. Et il a dit, on ne peut pas aller. Qui est meilleur médecin que la maman ? Voilà. Donc, c’est pour ça qu’on a suivi la maman là-dessus. Et puis, on a bien fait, en fait. On s’est rendu compte qu’on avait bien fait. Puis ça l’a aidé à évoluer et avancer un peu mieux.

Au début, on n’était pas focalisés sur l’autisme. L’autisme, c’est après, c’est des comportements. Quand il grandit, quand on voit un peu de retard, quand on voit un peu de… Par exemple, il n’arrive pas à parler, alors que les autres, ils arrivent à parler avant. Toutes ces choses-là, c’est ça qui alerte les parents, qui dit qu’il y a des enfants, des fois, ils ont des retards. mais on va dire, il rattrape. Mais là, l’enfant sentait que ce n’était pas aussi simple. Donc c’est pour ça qu’à un moment donné, on s’est « focalisé » sur Naïm pour l’aider à évoluer par rapport aux petits soucis qu’il avait au début. Et après, petit à petit, on est arrivé dans l’autisme en fait. Et c’est comme ça.

Noureddy
D’accord. Je voudrais revenir un petit peu dans le temps. Donc tu constates un comportement inhabituel chez Naïm à 6 mois. Toi et ta femme êtes un petit peu inquiets, donc vous faites les démarches pour tenter de comprendre ce qui se passe, et là le diagnostic tombe. Quelle est ta réaction à ce moment ?

Youssef Ifguis
En fait, par rapport au diagnostic… Au fait souvent… parce qu’il y a une… Comment on appelle ça ? Au début, en fait, ils disent que… Ils ne te disent pas de suite que « votre enfant est autiste ». En fait, ce n’est pas une maladie en soi. Par exemple, je ne sais pas, « votre enfant est diabétique ». Voilà, ça veut dire que là, on va voir les analyses, on va regarder, on va tester, et à un moment donné, on va dire : « attention, votre enfant, il est diabétique. Voilà le traitement qu’il faut.» Voilà tout ça. Donc, vous, vous prenez l’information. Et vous êtes… En fait, c’est clair, c’est écrit noir sur blanc, comme quoi, voilà, on a trouvé les preuves, votre enfant est diabétique. Donc on va traiter de cette méthode-là, il a tel type de diabète, tel truc, tu vois. En fait, tout est clair.

Dans l’autisme, c’est différent, en fait. Dans l’autisme, on va regarder, parce que c’est au niveau du comportement. Donc qu’est-ce qu’on va dire ? On va dire, peut-être, c’est le dernier enfant, c’est les parents, la maman, le laissent un peu faire ce qu’il veut. Vous voyez, en fait, on ne se focalise pas, je parle de tout ce qui est organisme autour de l’enfant. Souvent on va dire, tiens, c’est peut-être un problème d’éducation. Vous voyez, on va plus regarder ça que se dire : « non, c’est un problème. » C’est une maladie en fait, c’est pas un problème, la maladie en soi, c’est « un problème comportemental ».

Par exemple à l’école il va pas s’adapter, à l’école il va avoir des soucis avec la maîtresse, avec les autres élèves. L’interaction par exemple dans la crèche, ça commence pas à la crèche, il va pleurer dès que vous allez le déposer, il va faire que pleurer, il va pas vouloir rester, il va faire la… crier et tout. Tout ça, en fait, ce n’est pas une maladie en soi. C’est-à-dire que la société, elle va dire que c’est un problème de comportement.

En fait, il n’y a pas eu de diagnostic fait. Après, comment ça marche ? C’est qu’au début, comment ça se passe ? C’est que soit c’est à l’école, soit c’est à la crèche. Petit à petit, en fait, on va te diriger vers des organismes qui vont t’aider, en fait, à comprendre l’enfant avec des psychomotriciens, des psychologues, des orthophonistes. Vous voyez, tous ces corps de métier-là vont être là pour toi, justement pour t’aider à faire évoluer l’enfant pour qu’il puisse rattraper en fait « la normalité ». Si c’est possible, qu’il les rattrape. En fait, c’est ça, au moins qu’il progresse là-dessus. Ça, c’est ça. Mais au début, on n’a pas eu de diagnostic en soi, en fait.

En fait, comment ça s’est passé ? C’est que nous, quand on a vu ça, par exemple, il n’arrivait pas à s’asseoir. Alors que normalement, là, à son âge, il doit arriver à s’asseoir. Il doit arriver à marcher, par exemple, à quatre pattes, des choses comme ça. Et lui, il n’y arrivait pas. Donc, ce qu’on a fait, en fait… on a commencé à s’approcher vers des professionnels, mais en tant que privés en fait. On n’est pas parti dans un organisme. On a commencé par exemple à consulter, à voir : « tiens, ça c’est une psychomotricienne », elle va l’aider à s’asseoir avec des méthodes à elle, des choses qui vont faire que le petit, petit à petit, va rattraper ce… ce retard-là. Et puis il va commencer en fait à… prendre conscience de son corps. C’est un peu ça. C’est l’enfant, en fait, ils vont l’aider à se connecter avec son corps.

C’est un peu vaste ce que je dis, mais c’est un peu ça. C’est-à-dire que l’enfant, des fois, il va courir, il ne va pas voir le danger. Il va sauter sur le canapé comme s’il n’y avait pas de hauteur et comme s’il n’y avait pas de danger pour lui. Et c’est ça, en fait. C’est là où on remarque que là ou là, il y a des problèmes. Normalement, il doit être conscient qu’il y a un danger. Donc là, les professionnels, ils vont l’aider là-dessus, en fait. Tu vois ?

Noureddy
Très bien. Pour résumer un petit peu ce qui a été dit dans cette partie, en gros, c’est quelque chose qui n’est pas quantifiable comme le taux de sucre dans le sang. Tu avais évoqué le diabète. Et donc, on ne peut pas prendre des mesures… immédiatement pour traiter l’autisme.

Youssef Ifguis
Oui, c’est ça.

Noureddy
Et donc, le diagnostic, vous l’avez fait en observant et en suivant l’enfant au cours de sa croissance. Et donc, tu t’es entouré de professionnels de la santé pour avoir une vision bien claire de ce qui se passe chez ton enfant. Grosso modo.

Youssef Ifguis
Voilà, c’est ça. C’est comme l’enfant qui n’arrive pas à écrire ou l’enfant qui n’arrive pas à parler. Vous voyez, c’est toutes ces choses-là. Des fois, c’est un problème lié vraiment à la santé.

Par exemple, je vais vous donner un exemple. J’avais à l’époque un collègue où son fils, en fait, il ne parlait pas. Il n’arrivait pas à parler et il ne comprenait pas pourquoi il n’arrive pas à parler. Il n’arrivait pas à dire les mots, en fait. Et en fait, un jour, il y avait un anniversaire familial et du coup, il y avait plein d’enfants et tout. Et à un moment, il y a un ballon qui a explosé juste à côté de son oreille.

Noureddy
Ah oui, c’est agréable.

Youssef Ifguis
Oui, oui, voilà, mais vraiment à l’enfant. Et l’enfant n’a pas bougé. Et le papa, il était là à ce moment-là. Et il a remarqué de suite. Il a dit, mais attends, ce n’est pas possible. Comment ça se fait ? Un ballon, quand il explose, tu sursautes. Surtout quand il est vraiment proche de ton oreille. Et l’enfant n’a pas sursauté, n’a pas bougé. Et c’est là où il a dit, ah ! il y a un problème avec mon fils au niveau de ses oreilles. Donc il a commencé à consulter. En fait, c’est comme s’il a eu cette piste-là. Ils ont regardé, il a été consulter des spécialistes et ils ont vu qu’il avait un liquide. Depuis sa naissance, il avait un liquide qui ne devait pas être là, dans son oreille, et qui l’empêchait d’écouter.

À partir du moment où l’enfant n’écoute pas, c’est ce que je disais au début. En fait, quand il écoute, il va écouter les mots et il va répéter. En fait, c’est comme ça qu’il va apprendre à parler. Souvent, par exemple, quand l’enfant a du retard ou des choses comme ça, c’est qu’il n’a pas d’outil. Il n’arrive pas, en fait, à capter les leçons de son entourage, de l’environnement où il vit, en fait. Comme là, par exemple, il n’écoute pas. Donc, c’est normal qu’il ne parlera pas. Vous comprenez ? Et comme ça, c’est ça qui a débloqué le langage chez cet enfant-là. C’est qu’après, ils ont vu, ils ont soigné. Après, ils se sont tournés vers les professionnels. Et puis après, l’enfant a réussi à communiquer, à parler, à apprendre. Après, c’était normal, en fait. C’est ça.

Noureddy
Très bien. Youssef, tu te rends compte du… de l’autisme de ton fils. La situation est particulière parce que c’est le dernier d’une fratrie de quatre. Donc toi tu as construit déjà une expérience avec trois enfants déjà. Et là, d’un coup, le quatrième enfant, il ne suit plus la norme. Comment tu as géré cet enfant particulier, on va dire ? Comment ça a impacté ton organisation par rapport à… à son éducation par rapport à son suivi, comparé aux autres de tes enfants ?

Youssef Ifguis
C’est-à-dire que… je vais parler par exemple, quand on est un couple, je vais parler dans le sens global. Quand on est seul, on s’autogère, c’est-à-dire on a nos habitudes, on se lève à l’heure qu’on veut, on a notre vie, on n’a pas d’autres personnes en fait, il n’y a que nous à gérer. Ensuite, quand on se marie, on est deux, donc on vit à deux. Donc petit à petit, d’un côté c’est très positif et d’un autre côté, des fois, il faut gérer l’autre aussi. C’est-à-dire qu’il faut vivre avec l’autre. Donc là déjà, on commence à avoir moins de liberté, on n’est plus seul.

Et quand on commence à avoir le premier enfant, donc déjà il y a une troisième personne qui vient et qui est importante pour les deux parents. Automatiquement, ça nous demande encore plus de patience. C’est vraiment le mot, le mot c’est la patience. Et quand on a un enfant, je me souviens quand j’avais un enfant, quand je regardais les gens qui ont deux enfants, trois enfants, j’ai dit « waouh, c’est compliqué, ils ont deux enfants » . Moi, je me bagarrais avec un enfant.

Une fois que j’ai eu le deuxième enfant, j’ai eu la difficulté. Et du coup, il fallait augmenter en patience, en fait. Et quand on regardait, pareil, les gens qui ont trois enfants, on se dit « Waouh ! Ils ont trois enfants ! » C’est compliqué. Et quand on arrive à quatre, pareil. C’est-à-dire que moi, maintenant, je regarde ceux qui ont cinq, six, sept, et je me dis « Waouh ! » Franchement, eux, c’est des champions. En fait, on ne se regarde plus. On sait que c’est difficile, mais en même temps, on aime ça parce qu’il n’y a pas que des choses négatives.

Et quand vous avez quatre enfants, et là maintenant, le dernier enfant, il a une difficulté, c’est un enfant autiste, ça complique encore plus. C’est-à-dire que ça demande encore plus de patience, et ça prend plus de temps. Ça demande plus d’efforts. Il faut s’occuper de… Parce que, par exemple, il va avoir plus de rendez-vous. Il faut être derrière lui. On ne peut pas le laisser, par exemple, dans une crèche. On ne peut pas le laisser à l’école. En fait, c’est toutes ces difficultés-là du quotidien que par rapport aux autres enfants, par exemple, les enfants, une fois qu’ils vont à l’école, on est content, même si c’est une charge. Mais quand même, il va à l’école le matin, je le récupère à 11h30, ça laisse à la maman ou le papa d’avoir ces 2h30, 3h où il peut s’occuper du ménage. Il peut préparer à manger, il peut se reposer. Et l’après-midi, pareil. C’est-à-dire que l’école, on a beau dire, mais ça soulage les parents.

Là, le problème qu’on a avec un enfant autiste, surtout comme le nôtre en fait, c’est qu’il ne s’adapte pas aux crèches, il ne s’adapte pas aux écoles. Il ne va pas du tout à l’école en fait. Il va à l’école, mais c’est très compliqué. C’est-à-dire qu’il a toujours été à l’école. Aller en maternelle, il a dû aller une heure et demie par jour, vous voyez. Et en plus, des fois, on nous appelle, donc il faut être là-bas. Et il n’y a que maintenant, il n’y a que cette année qu’il arrive à aller le matin. Il va de 8h30 jusqu’à 11h30. Et pareil, avec pas mal de problèmes et tout.

Mais en fait, un enfant autiste, par rapport au mien, parce que chaque enfant autiste, il a sa propre… Il a sa propre identité. Voilà, particularité. En fait, il y a autant de types d’autisme que d’enfants autistes. Vous voyez ? C’est incroyable. C’est vraiment sa propre identité, on va dire. Et l’un ou l’autre, ils ne s’adaptent pas aux écoles, tout ce qui est organisme. Donc du coup, nous, ça nous prend beaucoup de charges. Par exemple, la maman ne peut pas travailler. Donc il n’y a que moi qui travaille. Qu’est-ce qu’il y a d’autre ? Par exemple, moi, quand je reviens, je dois aussi soulager la maman parce que la journée, être derrière un enfant autiste, c’est un enfant qui pompe ton énergie, en fait, du matin jusqu’au soir. C’est très… il y a beaucoup d’énergie, il y a beaucoup de… voilà. Par exemple, on ne peut pas le poser sur une activité par exemple. vous allez le mettre sur une activité, ça va durer 10 minutes. Si vous avez 10 minutes d’attention, c’est très très bien. Vous voyez ? Il faut basculer sur une autre activité, et après basculer sur une autre activité, il faut le sortir, et quand vous le sortez, il faut faire attention, bref. C’est un peu plus compliqué qu’un enfant qui n’a pas ces difficultés.

Noureddy
Tu as mentionné le fait de s’intégrer tout à l’heure, le fait qu’à la crèche c’est compliqué, qu’il fallait aller le voir là-bas. Maintenant la question que je me posais c’est, qu’en est-il de son intégration dans sa fratrie ? Quelle est la relation qu’il entretient avec ses frères et soeur ? C’est bien ça ?

Youssef Ifguis
Oui c’est ça, frères et soeur. Après c’est le petit, le petit frère, que ce soit pour les grands ou pour sa soeur. Sa soeur c’est « sa deuxième maman » et sa grande soeur. En fait ça se passe bien, ils s’aiment beaucoup, mais c’est devenu un peu le centre de la famille. C’est « le pilier de la famille » maintenant vis-à-vis de Naïm.

Parce que quand on voit par exemple un enfant où les parents sont dessus, ils essayent de le faire évoluer. Donc en fait, c’est un peu le challenge de tous ses frères et sœurs. C’est comme moi par exemple, on avait un commerce quand j’étais jeune. Mon père, il avait un commerce et ma mère et mes frères. Le soir, notre occupation c’était le commerce. C’est-à-dire que quand le papa est rentré à table, on disait « Alors, ça a été aujourd’hui, il y a pas mal de clients ? » Et puis notre… comment on appelle ? L’énergie qu’on avait dans notre famille dépendait aussi de ce commerce-là.

Donc, on était tous concernés. Je pense que premièrement, en fait, tous les enfants, ils sont concernés. Vraiment, depuis leur jeune âge, ils sont derrière. Ils suivent, ils essayent d’aider… la campagne. Heureusement qu’ils sont là, parce que dans les jeux, dans tout ça, par exemple, quand on le met dans des parcs de jeux, il y a toujours sa sœur qui est à côté. Vous voyez, ça nous aide. Mais en même temps, il faut aussi qu’ils passent leur jeunesse, il faut qu’ils passent en tant que jeunes, mais pas en tant que parents. Vous voyez, c’est nous les parents, c’est nous qui s’occupons le plus de… de Naïm en fait. Et les autres, ils nous aident, ils sont concernés, ils aiment aider, ils aiment s’occuper de lui, jouer avec lui. Mais il y a une limite. Il y a une limite. On essaie de les… pas de les protéger, mais pour qu’ils puissent « avoir une enfance tranquille » sans trop être perturbé par ce problème-là.

Mais malgré tout, il y a les cris, par exemple, à la maison. Des fois, il y a des crises. Vous voyez, eux, ils vivent ça. Par exemple, le matin, ce matin, on est dimanche matin, il n’y a pas de grâce matinée. C’est-à-dire que nous, à 8h30, allez, 8h, 8h30, ça va commencer à… à parler fort, à crier. Pourtant, je vais dire, non, ne parle pas doucement. Chuchote. Tes frères et sœurs dorment. Eh bien, non. Ils ont l’habitude. Des fois, ils sont fâchés, mais ils ont l’habitude. Mais ils vivent avec.

Ils sont très sensibilisés, du coup, par… vu qu’ils vivent dedans. Ils sont sensibilisés par la différence par rapport aux autres, quoi. C’est-à-dire que… Ils font maintenant beaucoup plus attention aux autres, autres que leurs frères, dans leur école ou dans la société, là où ils sont, dans leur environnement. Ils sont très attentifs aux personnes qui sont différentes, que ce soit un handicap… tout. Ils sont très sensibilisés.

Noureddy
D’accord, très bien. Je voulais te demander… Donc, encore une fois, c’est parce que tu as une expérience avec trois enfants avant Naïm. Est-ce que tu sens que ton rôle de père est différent par rapport au… Donc, si tu compares ton rôle aujourd’hui avec Naïm, est-ce que tu dirais qu’il est similaire par rapport au rôle que tu as tenu avec tes trois autres enfants ? Est-ce qu’il y a des choses que tu fais en plus, est-ce qu’il y a des choses que tu fais en moins, comparé avec les trois autres enfants ?

Youssef Ifguis
En fait, mon rôle est toujours le même. Ce que je fais, c’est même… Par exemple, les quatre enfants, les trois enfants sont déjà différents. Le premier, chaque enfant en fait, il a sa particularité. Et moi, mon rôle en fait, c’est vraiment, c’est comme un coach, comme un entraîneur en fait. C’est-à-dire, je m’adapte à chacun de mes joueurs. Je cherche ce qu’il a besoin. J’essaie de comprendre quelles sont ses sensibilités, quels sont ses problèmes par rapport à l’étape de sa vie. Par exemple, s’il est dans l’adolescence, s’il est au collège, s’il est en primaire, s’il est en maternelle. En fait, moi, mon rôle de papa, c’est surtout de le rassurer, de lui donner confiance.

En fait, la confiance en soi, c’est quelque chose de très important, qu’il prenne compte aussi de son entourage, qu’il essaie de s’adapter avec ses interactions avec les autres, que ce soit ses amis, par exemple, s’il l’ont déçu, que ce soit sa maîtresse ou son professeur. Vous voyez, toutes ces choses-là, en fait, j’essaie de faire en sorte qu’il puisse faire les bons choix et que ça ne l’impacte pas. C’est-à-dire que les choses négatives ne l’impactent pas et que les choses… qu’il grandisse surtout.

Moi, c’est surtout ça. Après, je fais de l’accompagnement. pour tous mes enfants. Et Naïm, là, j’ai encore une autre particularité. J’ai un joueur qui demande beaucoup plus de charges, mais je suis obligé de l’accompagner aussi comme les autres et d’en faire quelque chose, c’est-à-dire de l’aider dans son challenge de vie. Je pense que nous tous, on était enfants et on a tous… besoin d’aide en fait. Quand je dis besoin d’aide, c’est dans tout. Et en fait, le papa, il essaye de donner le maximum qu’il peut par rapport à l’enfant. Et je pense l’écouter aussi, vous voyez, toutes ces choses-là, et prendre du temps avec eux. C’est ça le plus important.

Malheureusement, c’est difficile aujourd’hui avec les sociétés où on vit et tout, où vraiment on a des interactions. Avec l’arrivée du téléphone, avec tout l’ensemble, avec le mode de vie actuel, c’est vrai que c’est difficile, mais vraiment la clé, c’est donner du temps et être présent avec ses enfants. Et être présent avec ses enfants, parce que vous pouvez être avec vos enfants, mais vous n’êtes pas avec eux. C’est un équilibre à avoir. Ce n’est pas facile pour un papa.

Mais voilà, avec Naïm, ça demande encore plus. C’est-à-dire que là, le niveau, il est plus élevé. Le matin, il faut se lever. Comme ce matin, en fait. Je prends l’exemple de ce matin. Il faut être fort. Il faut être fort, en fait. Il faut vraiment être fort et avoir de l’énergie. Aller récupérer de l’énergie du papa. En fait, c’est ça qu’on dit. Il faut que le papa aille chercher l’énergie pour qu’il… puisse la distribuer à ses enfants. S’il n’a pas d’énergie, c’est compliqué. C’est pour ça qu’il faut qu’il trouve des solutions pour que le papa récupère de l’énergie et après distribue. Même chose pour la maman, mais là, on est sur le papa. Je pense que sur tout ça, par exemple, moi, maintenant, où est-ce que je vais récupérer mon énergie ? Ça va être de l’énergie, je vais être bien, par exemple, spirituellement. Ça va être de l’énergie où je vais la récupérer dans le sport. Ça va être de l’énergie où je vais me faire plaisir sur, je ne sais pas, je vais aller voir, enfin même de la nourriture, une bonne pâtisserie, un bon restaurant. Vous voyez, il y a des moments où il faut que le papa aille chercher l’énergie, avec ses amis par exemple, ou avec des choses qu’il aime.

Moi par exemple, j’aime bien la musique au niveau de la passion. Quand j’ai mon temps avec ma musique, je suis bien. Je récupère cette énergie. Une fois que j’ai mon sac un peu chargé, je peux venir avec mes enfants. Je sais que là, je suis bien. J’ai fait ma marche, par exemple. J’ai fait mon sport. Je suis bien. Donc là, je m’occupe. Je m’occupe des petits. Je suis là, je rigole avec eux. Je vais les emmener. Naïm, pareil. Même s’il y a des choses et tout.

Mais quand je vois que moi-même… Je n’ai pas assez d’énergie, ça se ressent sur moi en fait. C’est-à-dire que là, je vois en fait, non là, je n’ai pas eu le temps de faire ça, je n’ai pas fait ça, je n’ai pas fait ça, je n’ai pas fait ça, j’ai ça. Vous voyez tous ces ordres négatifs ? Avec mes enfants, j’ai moins de patience, donc je vais moins… Je vais moins gérer, je vais pas bien gérer les situations. En fait, la faute, c’est juste que je n’ai pas assez d’énergie. Il faut que j’aille récupérer. C’est pour ça que souvent, les papas, c’est le matin tôt. Le matin tôt, c’est là où tout le monde dort. Et c’est là où nous, on va chercher notre énergie, en fait, pour pouvoir la distribuer dans la journée. Voilà.

Noureddy
D’accord. Donc, ton rôle de père aussi, c’est un rôle où tu dois… un rôle de gestion d’énergie de façon à ce que tu sois bien dans ta peau et que tu puisses être présent, comme tu dis, aussi bien physiquement que mentalement avec tes enfants, avec ton épouse aussi…

Youssef Ifguis
Oui, c’est ça.

Noureddy
…et être efficace dans ton rôle de père.

Youssef Ifguis
Voilà, c’est ça. Et je n’ai pas parlé de la femme, mais vraiment, quand on dit qu’un père gère un foyer… Le papa, c’est vraiment un gestionnaire. Même par rapport à sa femme, même par rapport aux enfants. C’est-à-dire que vraiment, c’est lui qui doit… Moi, j’ai toujours l’image du papa. Vous voyez, je vais vous donner l’image. C’est quoi ? C’est, vous voyez, quand vous faites la queue, quelque part, où il y a la queue, vous attendez votre tour, il fait chaud, il y a vraiment du monde, ça n’avance pas, vous voyez. Le papa, c’est celui qui est tout derrière. Et à chaque fois que quelqu’un arrive, il passe devant lui. Vous voyez ? C’est ça le papa, en fait.

Et pour qu’il soit patient, il faut qu’il s’autogère. Parce que cette patience-là, on l’a, on la perd, on la récupère, on la perd, on la récupère, on la perd. Et c’est comme ça. Et ça, le papa, c’est comme ça, en fait. Que ce soit par rapport à la femme, que ce soit par rapport aux enfants. Vraiment, il faut qu’il soit un gestionnaire et qu’il gère le mieux possible sa partie émotionnelle. C’est qu’il ne part pas dans l’émotion à chaque fois.

On a le regard, par exemple, des papas de chez nous, des anciens, qui ne parlaient pas beaucoup, ils avaient leur caractère et tout ça, mais… On sentait qu’ils ne s’emballaient pas pour un petit truc. Vous voyez ? Les papas, c’est calme, c’est la sérénité. Il faut vraiment essayer d’être comme ça, en fait. Même vis-à-vis de ses enfants, dans tout ce qui se passe, dans tout ce qu’ils font. Et je pense qu’eux, c’est leur repère. Les enfants, ils ont un repère du papa là-dessus, en fait. Et ils arrivent à avancer. Même quand il n’est pas là, ils sentent sa présence, qu’il est encore avec eux, en fait. Et c’est ça que… Le papa, c’est vraiment ça, en fait.

Des fois, nous, on ne voit pas des choses, mais les papas, eux, ils gèrent beaucoup de choses. Et ils sont là, ils donnent la gloire à tout le monde. C’est-à-dire, ils vont donner la gloire à la maman. Ils vont dire, ah, c’est votre maman, c’est elle. Ah oui, heureusement qu’elle est là. Vous voyez ? Il ne va pas se mettre en avant. Vous voyez ? Le papa, il est là. Il est là sans être là, en fait. Mais heureusement qu’il est là. Voilà. En tout cas, n’attendez pas, en fait, d’avoir le… qu’on vous glorifie. Le papa, c’est ça. C’est pas quelqu’un… Souvent, moi, avant, je disais, mais c’est moi qui fais ça. J’ai besoin de gloire. J’ai besoin qu’on me dise, oui, ah, merci. Heureusement, tu es là. Vous voyez, en fait, non, il ne faut pas vous attendre à ça. Le rôle du papa, c’est de travailler dans l’ombre. Travailler dans l’ombre. Et vous n’aurez pas de médaille. Ce n’est pas vous, la médaille. Mais heureusement que vous êtes là. Si vous n’êtes pas là, c’est compliqué en fait. Vous voyez, c’est un peu ça. C’est ça le rôle du papa, vraiment.

Garder, en fait, c’est être un gestionnaire. Enlever l’émotion, ne pas être… Maîtriser son émotion, vous voyez. Ça, c’est important. Et trouver des subterfuges pour tout ce qui est énergie. Pour aller chercher l’énergie positive, et enlever du coup, écraser l’énergie négative qui est en vous. Et patienter. Et vraiment, tout ça, c’est la patience. Et la patience, la base même, c’est ça. C’est comment vous allez gérer votre intérieur en tant que papa. Et comprendre votre rôle aussi. Ça aussi, c’est important. C’est vrai qu’on ne va pas venir vous glorifier à chaque fois, on va être là, « oui, heureusement, tu es là, c’est toi qui ramènes, c’est toi qui fais ça. » Non, non, il n’y aura pas ça. Il n’y aura pas ça.

C’est-à-dire que le papa, souvent, même dans les divorces, souvent les papas, ils sont délaissés. Tous les enfants vont avec la maman. Et après, c’est plus tard qu’ils comprennent, quand ils grandissent, qu’ils deviennent eux-mêmes papa, c’est là qu’ils comprennent, qu’ils disent « Waouh, en fait, papa ! » Parce qu’ils comprennent en fait quel était le rôle du papa. C’est pour ça, en fait, il faut… C’est comme ça, c’est chacun son rôle dans cette vie-là. Et Dieu nous a mis comme ça, en fait. Et le rôle du papa, c’est vraiment ça. C’est faire les choses. sans attendre un retour, en fait. Vous voyez ? Le retour, c’est que votre foyer soit bien, que votre… Même si votre femme, elle est là, vous dit « Moi, je vais divorcer de toi ! » Il va y avoir des choses. Mais le papa, il sait que la femme, elle va dire, elle va parler, elle va truc. Mais tu sais que l’importance que tu sois là, c’est important. En tant que papa, pour garder ce foyer. Le foyer… Le responsable du foyer, c’est le papa. Le papa, vraiment, c’est lui la douane, c’est lui tout. Et ce rôle-là n’est pas simple. Mais il faut… Mais comme on dit, Dieu ne nous donne pas… S’il nous a mis en tant que papa et responsable d’un foyer, c’est qu’on a les capacités, c’est qu’on a les capacités de patienter, c’est qu’on a les capacités, c’est juste, il faut les méthodes, il faut qu’on comprenne. Et une fois qu’on comprend ça, on arrive mieux à gérer. moins de problèmes, il y a moins de disputes, on arrive à mieux faire les choses, en fait.

Et je pense que moi, par exemple, ça fait 20 ans que je suis marié, que je vis en couple avec mes enfants et tout ça, je pense que j’ai appris, j’ai appris pas mal et je vais apprendre encore. Mais je vois, par exemple, moi, il y a 20 ans, il y a 15 ans, 10 ans, vous voyez, il y a 5 ans, c’est pas le même, tu vois. Je suis un père de famille avec 20 ans d’expérience. Vous voyez, ce n’est pas pareil. Ce n’est pas la même chose. Ce que je faisais il y a 20 ans, ce n’est pas la même chose que maintenant.

C’est pour ça que je pense que souvent, c’est pour ça que j’aime bien ton émission là-dessus, c’est qu’en fait, on apprend sur le tas. Et c’est ça qu’il faut essayer d’apprendre, avant même d’avoir des enfants. Il faut essayer, aujourd’hui, avec… C’est vrai qu’il y a pas mal de bouquins, c’est-à-dire qu’on se dit, en fait, on se dit : « ouais, mais c’est bon, on connaît, on connaît, ouais, je vais être papa, non, c’est bon, il n’y a pas de problème. T’inquiète, je sais, je sais. » Vous voyez, en fait, on reproduit ce qu’on croit connaître. Après, petit à petit, je pense que c’est aussi la sagesse.

Je pense qu’à partir de 40 ans, on commence à être différent, donc on comprend mieux les choses. Je pense que c’est important d’écouter les expériences des anciens et de se dire, ah oui, effectivement, d’accord. Parce qu’en plus de ça, c’est un peu tabou chez nous. Le papa, même votre père, ce ne sont pas des sujets qu’on discute de ça. Justement, moi, par exemple, ce que je fais avec mes enfants, je sais que j’ai un enfant, il a 18 ans, je discute avec lui là-dessus. On va discuter, par exemple, de la relation avec la femme, de la relation avec ses enfants. Vous voyez, toutes ces choses-là, en fait, j’essaye de leur donner, comme un entraîneur avec ses joueurs, de leur donner le plus d’éléments pour qu’ils puissent affronter le mieux au match. Vous voyez ? C’est vraiment ça.

Noureddy
Youssef, je vais me permettre de t’interrompre là. J’ai encore certaines questions. On a peu de temps qui nous reste. Je voulais aborder la partie de la transmission de nos valeurs religieuses à Naïm. Est-ce que Naïm est réceptif à nos savoirs, à nos sagesses ? Est-ce qu’il a la capacité de pratiquer la foi comme le reste de ses frères et soeurs ?

Youssef Ifguis
Par exemple, j’avais vu au Yémen… non, c’est Oman. J’avais vu un reportage la dernière fois, à Oman, qui est un pays musulman, et c’était un reportage sur les autistes, sur les enfants autistes. Et dans la tradition, en fait, ce qu’ils disent, ils disent que la famille, quand elle a un enfant qui est différent, comme ça, C’est comme si c’était un cadeau qui venait du ciel. C’est Allah qui les a… Comment on appelle ça ? Il leur a offert et élevé. Il les a élevés en leur donnant ce cadeau qui est un enfant différent.

C’est-à-dire que quand une famille a un enfant qui est différent, un enfant autiste par exemple, ou avec un handicap, les choses qui vont être difficiles, ça c’est le cadeau que Dieu a donné à cette famille-là. Donc, il y a aussi au niveau religieux, nous on voit ça comme… comme une rencontre, comme un cadeau et un être. Parce que souvent, les enfants autistes, ils ont une sincérité, vraiment, on sent que c’est le cœur. Masha’Allah , même des fois, par exemple, on va se fâcher. Moi, je vais me fâcher avec lui. « Naïm, tu ne fais pas ça ! » Par exemple. Il va revenir vers moi comme si je ne l’ai jamais, même engueulé, rien du tout. Vous voyez ? Ce que je vois par rapport aux autres enfants. Il y a encore un petit peu de… Il ne va pas revenir de suite, mais Naïm, c’est vraiment… Ils ont un cœur qui est vraiment pur. C’est une beauté au niveau du cœur. Attention, ce sont des enfants qui ont un cœur, masha’Allah. Et je pense que c’est un cadeau qu’Allah nous a donné et qu’il faut essayer de gérer le mieux, vraiment faire au mieux.

Et ça nous fait réfléchir parce que ça fait… Franchement, c’est difficile d’avoir un enfant autiste. Moi, je vois dans les autres associations, quand des fois je vais dans d’autres associations d’enfants autistes, je rencontre d’autres parents, et souvent des mamans seules aussi, des mamans qui sont isolées, qui sont toutes seules avec l’enfant. C’est très dur. Franchement, ce n’est pas facile. Et surtout, il y en a, par exemple, il y en a des enfants qui ne dorment pas du tout la nuit. Vous voyez, vous imaginez. Moi encore, ça va, ils dorment la nuit. C’est déjà très, très bien. La dernière fois, on m’a dit :

  • Mais ça va, vous arrivez ?
  • Oui, ça va. Déjà, la nuit, il dort.
  • Waouh ! C’est top, quoi.

Et en fait, on se focalise plus sur les petites choses. C’est-à-dire pour que, par exemple, je ne sais pas moi, mon fils, il ne va pas, il ne fait plus ses… enfin, on va dire caca, il ne fait plus caca, pipi la journée sur lui. Ça veut dire qu’il va aux toilettes. Pour nous, que l’enfant va aux toilettes, on est heureux. On est heureux comme tout en tant que parent. Alors qu’en fait, si tu nous prends au début avec les autres enfants, c’était des choses, pour nous, c’est normal. Mais avec l’autisme, non, ce n’est pas normal. On est content. Ah, il fait ça ? C’est bien. Parce que déjà, on a une charge en moins. En plus de ça, on est content pour lui, en fait. Vous voyez, en fait, on se contente des petites choses. Avant, par exemple, pour les trois enfants, on est là…

Noureddy
Je suis vraiment désolé, mais il faut vraiment qu’on se recentre à la question. Donc, savoir si ton enfant a été capable de pratiquer notre foi, en fait. C’est ça, la question.

Youssef Ifguis
L’enfant, en fait, il… Parce qu’il y a aussi le problème d’apprentissage. C’est-à-dire que tu ne peux pas… Ce sont des enfants qui sont différents, même spirituellement. Donc, c’est pour qu’ils prient, pour que… C’est-à-dire qu’il est avec nous, par exemple, il va connaître la Fatiha. En fait, il nous suit, en fait. C’est-à-dire qu’il suit. Mais après, ce n’est pas un enfant que tu vas prendre, tu vas l’emmener dans l’école arabe, par exemple, ou à la mosquée. Il ne peut pas s’asseoir. Même toi, tu vas lui apprendre. Mais il n’arrive pas à cerner encore. Pour le moment, il faut le voir. Il a un avant. C’est comme si c’était un enfant de 5 ans sur certaines choses. De 4 ans. Vous voyez ? C’est un peu compliqué maintenant.

Mais par contre, il est très sensible. Par exemple… Ils vont entendre le Coran, ils vont entendre l’adhan, quand il y a l’adhan à la maison, ils vont dire « Papa, c’est l’heure de la prière ! » Vous voyez ? En fait, c’est toutes ces petites choses-là, et après, normalement, ça devrait évoluer, inch’Allah, j’espère. Et puis, quand il va évoluer, on va l’accompagner aussi, religieusement parlant.

Par exemple, quand j’ai eu le décès de sa grand-mère, de ma maman, en fait, il disait « Où est-ce qu’elle est, maman ? Où est-ce qu’elle est Méma en fait ? » Je lui ai expliqué en fait, vous voyez, des explications, vous dites « Méma est chez Allah. » Et après, quand il est revenu… Quand elle est revenue, je lui ai dit « Oui, elle est chez Allah » . Il dit « Est-ce qu’on peut aller la voir ? » Et là, vous répondez, vous essayez. En fait, ce n’est pas pareil que les autres enfants. « On peut aller la voir chez Méma ? Ah, ça fait longtemps, elle me manque. On peut aller chez Allah un peu ? », voyez ? Et il vous fait réfléchir aussi. Voilà.

Noureddy
Et en parlant de réfléchir, justement, est-ce que Naïm a changé ta vision de la paternité ? Est-ce qu’il a changé ta vision, de l’éducation… du monde peut-être de manière plus globale ?

Youssef Ifguis
Oui, oui, oui. C’est-à-dire qu’il m’a ouvert un œil qui était fermé de tout ce qui est vraiment les enfants différents, en fait. La différence, la vraie différence, en fait.

C’est-à-dire avant, on parlait d’handicap, on parlait de choses comme ça, mais tant que toi, tu ne le vis pas, ce n’est pas pareil, en fait. Tu n’as pas… Là, aujourd’hui, on est vraiment très sensibilisés là-dessus. On comprend les choses. On comprend que quand Allah te donne un enfant, tu es content. Parce que souvent, les parents sont dans des courses où ils veulent que leur enfant soit le meilleur. Et c’est très bien. C’est notre nature. Mais je pense qu’avec Naïm, tu t’arrêtes un moment et tu réfléchis. Tu regardes vraiment ce que Dieu a créé autour de toi.

Spirituellement ça nous a ouvert beaucoup beaucoup de portes en fait et ça nous fait réfléchir sur plein de choses et après on constate aussi qu’être quelqu’un de différent dans un pays comme la France ou dans le monde c’est que souvent en fait je vais terminer par ça c’est que souvent en fait on fait tout pour les enfants à haut potentiel. Vous voyez ? On veut l’élite, on veut l’excellence, mais malheureusement, l’excellence et l’élite, c’est une minorité. Et ceux qui ont des difficultés, c’est comme si leur place, elle n’est pas… Il n’y a rien qui est fait pour eux, en fait. Il y a des choses qui sont faites pour eux, mais ce n’est pas… Ce n’est pas suffisant. Après, c’est ce qui est normal.

Mais vous voyez, par exemple, à l’école, si vous vous adaptez, tout est fait pour la normale, le côté normal. La majorité des gens sont « normaux » . Mais il y a aussi des enfants qui sont différents. Après, le but, c’est de sensibiliser les autres personnes, c’est-à-dire sensibiliser les parents, qui n’ont pas d’enfants autistes ou qui n’ont pas d’handicap particulier pour leurs enfants, c’est juste les sensibiliser. Et continuer à sensibiliser les enfants et les parents et l’entourage.

Par exemple, quand vous voyez, vous arrivez dans un restaurant, il y a un enfant qui crie comme pas possible, ne regardez pas les parents du genre, vous n’avez pas éduqué vos enfants. Non, c’est peut-être un enfant qui a (est) atteint de troubles d’autisme parce que souvent, par exemple, quand vous voyez mon fils, ça ne se voit pas sur lui qu’il est autiste, ça ne se voit pas sur lui. Donc souvent, quand on est face au regard des autres, souvent ils sont là à vous juger, même si nous on a dépassé tout ça. Mais vous voyez, c’est la société qui doit aussi évoluer, adopter les gens qui sont « pas normales » , parce que je n’aime pas ce mot-là de « normal », mais qui sont un peu différents, qui vont crier, qui vont faire du bruit, qui ne vont pas être comme les autres enfants. Vous voyez, c’est toutes ces choses-là. Et leur laisser un peu de place.

Noureddy
Merci beaucoup, Youssef, pour cette intervention.

Youssef Ifguis
Merci à toi.

Noureddy
En plus, dans cet épisode, est-ce que tu aurais des conseils à donner aux pères d’enfants handicapés ?

Youssef Ifguis
Le conseil que je donnerais, c’est qu’il ne faut pas lâcher. Souvent en fait les papas ils partent parce que c’est difficile. Ce qu’il faut c’est vraiment tenir soutenir la maman parce que c’est vraiment elle en fait qui souffre là dessus, être vraiment un soutien pour la maman et un soutien pour l’enfant.

Et par rapport à vous c’est vrai qu’il faut… il faut patienter en fait. Il faut faire en sorte de gérer les situations et de vous autogérer aussi pour que vous puissiez avoir de l’énergie à résister à tout ça, en fait. À résister à la maman et à l’enfant. Parce que la maman, c’est très difficile. Et il y a énormément de papas quand il y a des situations comme ça d’handicap, où tu as les couples qui se séparent. Et ça, ce n’est pas bon, en fait. Il ne faut pas lâcher, quoi. Voilà.

Noureddy
D’accord. Est-ce que tu aurais des recommandations lecture, vidéos, podcasts sur le sujet de l’enfant handicapé ?

Youssef Ifguis
Après, il y a pas mal de sites sur l’autisme. Il y a ça, des vidéos, des lectures. Moi, j’ai eu des lectures, mais là, je n’ai pas les noms. Mais je ne sais pas lesquels. Je n’ai pas les noms, là. Je te mettrai les noms des lectures c’est déjà comprendre ce que c’est que l’autisme il y a pas mal de bouquins là-dessus et après comment adapter je pense qu’il y a aussi les méthodes Par exemple, comme la méthode ABA, ce sont des méthodes qui aident à travailler sur le comportement, à gérer la crise. Voilà, en fait, c’est vraiment une analyse du comportement.

En fait, il faut trouver des solutions. Quand, par exemple, ton fils, il fait telle crise, tu ne vois pas. En fait, il faut que tu saches pourquoi il a fait cette crise, le pourquoi du comment, comment je pourrais faire pour… détourner son attention là-dessus, comment je pourrais l’amener pour qu’il arrive à gérer ses émotions. En fait, c’est tous ces livres-là, il y a pas mal de livres là-dessus qui aident justement les parents à comprendre l’enfant et à essayer de traiter le problème.

Noureddy
D’accord. Yous, merci beaucoup pour ta présentation. Chers auditeurs, c’est la fin de cet épisode. Je vous souhaite une excellente journée. Youssef, salam alaykoum wa rahmatoullah wa barakatouh (que la paix soit sur toi).

Youssef Ifguis
Wa alaykoum salam wa rahmatoullah wa barakatouh. Merci beaucoup en tout cas. Merci d’avoir écouté.

Lexique

Mā shā’ Allāh
مَا شَاءَ ٱللَّهُ
Expression pour exprimer l’admiration ou la gratitude envers Allah.
Al-Fātiḥa
الفَاتِحَةُ
La première sourate du Coran, récitée dans chaque prière.
Adhān
الأَذَانُ
L’appel à la prière proclamé par le muezzin.
In shā’ Allāh
إِنْ شَاءَ ٱللَّهُ
Expression signifiant « Si Allah le veut », indiquant une intention soumise à la volonté divine.

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