Qawwâma : une responsabilité, pas un privilège

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Quand tu entends le mot « qawwâm », qu’est-ce qui te vient en tête, honnêtement ?
Un homme autoritaire, qui décide de tout ? Quelqu’un qui impose, qui commande, qui a le dernier mot ?
Tu n’es pas seul. Ce mot est souvent mal compris, mal utilisé. Il fait peur, il divise. Et parfois… il blesse.

Mais voilà ce que beaucoup ignorent : dans le Coran, « qawwâm » ne désigne pas un chef dur et froid.
Il vient du verbe qâma (قام) qui veut dire se lever, se tenir debout, prendre soin.
Être qawwâm, ce n’est pas dominer. C’est se lever pour porter la charge, la charge de ta famille, la charge des responsabilités.

Et si la vraie virilité ne se mesurait pas à ta voix qui porte, mais à ta capacité à supporter ?

Dans cet article, on va mettre en lumière le vrai sens de ce mot.
Pas celui des réseaux, pas celui des clichés, mais celui du Coran, de la langue arabe, et surtout, de l’exemple du Prophète, paix et salut sur lui.
Tu verras que ce rôle est plus qu’un titre. C’est un poids, une mission.

C’est quoi la qawwâma (vraiment) ?

Le qawwâm s’inspire de sa foi pour soutenir son foyer et sa famille.

Tu veux comprendre ce que c’est qu’être un homme dans ta famille ? Commence par comprendre ce que ce mot veut dire.

Une responsabilité donnée dans le Coran

Les hommes sont les qawwâmûn sur les femmes, car a favorisé certains d’entre eux par rapport à d’autres, et parce qu’ils dépensent de leurs biens…1

Le verset n’est pas là pour établir une supériorité. Il pose une fonction, une mission.
Et il en donne les conditions :

  • des capacités spécifiques que Dieu accorde aux hommes,
  • et surtout, la prise en charge financière du foyer.

Autrement dit : tu ne nais pas qawwâm mais en tant qu’homme, tu y es prédisposé.
Tu le deviens par ton engagement, ton action, ta constance.

En arabe, “qawwâm” veut dire… debout

Le mot qawwâm vient de la racine q‑w‑m (ق – و – م), qui signifie :
se lever, tenir debout, assumer une charge, maintenir une chose.

Un qawwâm, ce n’est pas un homme assis dans un fauteuil à donner des ordres.
C’est celui qui se lève quand tout le monde est fatigué.
Celui qui soutient sa famille quand elle chancelle.
Celui qui porte la charge sans se plaindre, parce qu’il sait que c’est son rôle.

Et si tu ne te lèves plus ?

Ce rôle n’est ni automatique, ni permanent. Il se mérite, il s’entretient, il peut même se perdre.

La femme n’est pas tenue d’obéir à un homme qui ne prend pas soin d’elle — notamment s’il ne subvient plus à ses besoins, alors que c’est l’une des conditions fondamentales de la qawwâma.

Ibn Kathîr le rappelle aussi dans son tafsîr : l’homme détient cette responsabilité tant qu’il la prend en charge avec justice.2

La qawwâma, ce n’est pas un privilège qu’on garde à vie.
C’est une mission qu’on peut perdre si on ne l’honore pas.

Ce que la qawwâma n’est pas

Un père de famille trop strict ne rassure pas. Il effraie et écrase.

Quand on pense qawwâma, certains imaginent automatiquement autorité totale, pouvoir de décision unilatéral, ou encore supériorité masculine.

Quand le concept est mal compris, il peut blesser au lieu de protéger. Alors remettons les choses à leur place.

❌ Ce n’est pas une domination

Quand on domine, on impose. On tranche sans écouter. On ne demande pas conseil.

Le Prophète — paix et salut sur lui — pourtant modèle de qawwâm, n’a jamais été autoritaire ni brutal dans sa manière de diriger.
Il consultait ses épouses, écoutait leurs avis, et les appliquait quand ils étaient justes.

Lors du traité de Hudaybiyya, les compagnons étaient sous le choc. Ils refusèrent presque tous d’obéir à l’ordre du Prophète — paix et salut sur lui.

Troublé, il demanda conseil à Umm Salama (que Dieu l’agrée).
Elle lui dit simplement :
« Sors. Ne dis rien. Sacrifie ta bête. Rase-toi. Ils suivront. »

Il l’écouta. Il appliqua son conseil.
Et elle avait raison : tout le monde suivit.3

❌ Ce n’est pas un privilège automatique

Si tu relis le verset 34 dans son ensemble, tu remarqueras quelque chose d’essentiel :
La qawwâma n’est pas posée là comme un titre gratuit. Elle est placée juste avant les devoirs de l’épouse, dans une logique d’équilibre.

Un peu comme dans un contrat :
Deux parties. Deux engagements.

👉 Le mari prend en charge. Il protège. Il subvient aux besoins.
👉 L’épouse, de son côté, respecte, soutient, prend soin.

Mais si l’une des deux parties rompt son engagement, que reste-t-il du contrat ?
S’il est unilatéral… ce n’est plus un engagement, c’est un abus.

Tu veux être obéi, mais tu ne protèges pas.
Tu veux être respecté, mais tu es absent.
Tu veux qu’elle t’écoute, mais tu ne veux rien savoir.

Et là, une question simple : sur quoi repose encore ta qawwâma ?

L’obéissance n’est plus obligatoire pour une épouse dont le mari ne prend pas ses responsabilités.4

Ce rôle n’est pas un honneur qu’on affiche.
C’est un fardeau qu’on porte. Et si tu refuses de le porter… ne t’étonne pas si tu perds les privilèges qui vont avec.

❌ Ce n’est pas une supériorité

Certains hommes pensent que parce que Dieu leur a confié la qawwâma, ils valent plus que leur femme.
Qu’ils sont meilleurs. Plus importants. Plus nobles.

Mais ce n’est pas ce que dit le Coran.

Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est celui qui Le craint le plus.5

Dieu ne dit pas : « Le plus noble est l’homme. »
Il ne dit pas : « Le plus noble est celui qui commande. »
Il dit : celui qui a le plus de taqwâ (qui Le craint le plus) — homme ou femme.

Autrement dit, ta qawwâma ne prouve rien de ta valeur spirituelle.
C’est une fonction, pas un label de supériorité.
Tu peux être en charge du foyer et être inférieur à ta femme auprès de Dieu si elle est plus pieuse, plus juste, plus sincère.

La qawwâma, ce n’est pas un podium.
C’est une responsabilité, avec des comptes à rendre.
Et ce rôle, si tu le prends pour une couronne… tu risques de tomber de haut.

Le vrai qawwâm : un homme debout, pas un homme dur

Le qawwâm, refuge solide face aux épreuves de la vie

Maintenant qu’on a vu ce que la qawwâma n’est pas… regardons ce qu’elle est vraiment.

Tu peux être à ta place sans t’imposer.
Tu peux tenir ton rôle sans faire trembler la maison.
Être qawwâm, ce n’est pas imposer ta présence, c’est être un repère.

Le vrai qawwâm n’est pas celui qu’on craint, mais celui vers qui on se tourne quand ça va mal.

Il est stable quand tout bouge

Tout le monde peut être gentil quand il est reposé, détendu, en pleine forme.
Mais dans une famille, les orages ne préviennent pas. Et c’est là que le vrai qawwâm se distingue.

Quand il y a des cris, des pleurs, du stress ou de la fatigue…
le qawwâm ne s’ajoute pas à la tempête.
Il reste droit, posé, lucide. Il devient l’ancrage de la maison.

Sa femme pleure ? Il ne fuit pas.
Son enfant explose ? Il ne surenchérit pas.
Il sent la pression monter ? Il la contient, au lieu de la relâcher sur les siens.

Parce que sa force ne vient pas de sa voix, mais de son cœur.
Ce n’est pas une façade. C’est une posture intérieure, nourrie par sa relation à Dieu.

Et cherchez secours dans la patience et la prière. Certes, Allah est avec les patients.6

Ce n’est pas par hasard que le premier outil du croyant dans l’épreuve, c’est la patience.
Pas la force. Pas la colère. Pas l’ego.

Le vrai qawwâm s’appuie sur Dieu quand tout vacille.
Il ne tremble pas avec la maison. Il tient debout pour elle.

Il rassure, pas par les mots… par sa posture

Un jour, Safiyya (que Dieu l’agrée) pleura en voyage.
Elle était fatiguée, blessée. Le Prophète, paix et salut sur lui, s’est arrêté, a essuyé ses larmes et l’a réconfortée, sans reproche, sans agacement.

Ce jour-là, il n’a rien enseigné. Il n’a rien ordonné.
Il a juste été là, avec douceur. Et ça a suffi.

Tu veux être qawwâm ? Apprends à être ce genre de présence.

Il contient, il ne déborde pas

La virilité ce n’est pas l’excès de force.
C’est la maîtrise de sa force.

Le Prophète, paix et salut sur lui a dit :

Le fort n’est pas celui qui terrasse les gens par sa force, mais celui qui se maîtrise lorsqu’il est en colère.7

Le vrai qawwâm, c’est celui qui sait se contenir.
Il ne répond pas à la tension par la violence, mais par le calme.
Il ne s’impose pas par la peur, mais par la stabilité.

Un homme dur, c’est un homme qu’on évite.
Un homme fort, c’est un homme qu’on cherche quand ça va mal.

Est-ce que ta présence fait du bien ?

Pose-toi cette question, mon frère :

Est-ce que ta présence dans ton foyer soulage ? Ou est-ce qu’elle pèse ?

Tu peux être fatigué, stressé, imparfait — comme tout le monde.
Mais si tu veux être qawwâm… il faut que ta présence soit un refuge, pas une pression.

Tu veux être qawwâm ? Prépare-toi à travailler !

Tu as compris que la qawwâma n’est pas un privilège.
Tu as vu qu’elle n’est pas un trône. Ni une supériorité. Ni un droit automatique.

Mais maintenant que tu sais ce qu’elle n’est pas, pose-toi la vraie question :

Est-ce que tu es prêt à la porter ?

Parce que la qawwâma, ce n’est pas un costume à enfiler.
C’est un rôle à incarner.
Et ça demande du travail. Sur toi. Pour les autres.

Tout commence par ton lien avec Dieu

Avant de parler de comportement, de gestion, d’écoute ou de présence…
Tu dois savoir où tu puises ta force.

Tu veux être qawwâm ? Commence par te reconnecter à Celui qui t’a confié ce rôle.

Ce n’est pas juste un rappel spirituel.
C’est une base. Une fondation.
Un homme qui n’a pas de relation solide avec son Seigneur sera instable, incohérent, dispersé.

Mais celui qui s’aligne avec Dieu développe naturellement des qualités : patience, constance, justice, douceur, lucidité.

Et ce sont exactement celles qu’on attend d’un vrai qawwâm.

Le Prophète, paix et salut sur lui, se levait la nuit, alors qu’il portait déjà la communauté sur ses épaules.
Et toi, tu veux porter ta maison ? Alors commence par t’agenouiller devant ton Seigneur.

Travailler ton comportement

Tu veux être qawwâm ? Commence par te regarder en face.

  • Est-ce que tu tiens tes promesses ?
  • Est-ce que tu réagis avec excès quand on te contredit ?
  • Est-ce que tu fais payer aux autres ce que tu n’as pas encore réglé en toi ?

Le qawwâm n’est pas parfait. Mais il est constant.
Il ne donne pas l’exemple par orgueil, mais parce qu’il sait que toute la maison regarde comment il réagit.

Être qawwâm, ce n’est pas être infaillible.
C’est être fiable.

Travailler ton sens des responsabilités

Pas de qawwâma sans action.

Être qawwâm, ce n’est pas faire des rappels à sa femme pendant qu’on joue à la console.
C’est prendre des décisions, anticiper, organiser, prendre sur soi quand personne d’autre ne le fait.

  • Tu n’as pas encore de revenus ? Tu cherches, sérieusement.
  • Tu donnes ton temps au travail ? Donne ton attention chez toi.
  • Tu es fatigué ? Tu continues à tenir ton rôle. Doucement, mais tu tiens.

Tu veux diriger ? Commence par porter.
Pas des paroles. Des charges.

Travailler ton intelligence relationnelle

Tu ne peux pas vivre en couple avec une femme comme tu mènes une équipe.
Il ne suffit pas d’être logique. Il faut être à l’écoute.8

  • Apprends à écouter sans vouloir corriger tout de suite.
  • Apprends à demander pardon même quand tu penses avoir raison.
  • Apprends à parler pour relever, pas pour abaisser.

Tu ne gères pas ta famille comme une entreprise.
Tu la portes comme un dépôt sacré.

Et ce dépôt, si tu le négliges… c’est toi qu’il écrase.

Conclusion – Se lever pour sa famille, jour après jour

Tu n’as pas besoin d’être parfait.
Tu n’as pas besoin d’avoir réponse à tout.
Mais si tu veux être qawwâm, tu dois te lever.

Pas pour dominer.
Mais pour protéger, soutenir, guider.

Et ça, ce n’est pas une fois pour toutes.
C’est tous les jours, parfois dans le silence, parfois dans l’inconfort.

Parce qu’un qawwâm, ce n’est pas celui qui ne flanche jamais.
C’est celui qui ne lâche pas son rôle, même quand il est à bout.

Tu es fatigué ? Tu restes debout.
Tu doutes ? Tu continues d’avancer.
Tu n’as pas les mots ? Tu fais de ton mieux.
Tu tombes ? Tu te relèves.

C’est celui qui porte sans faire peser.
Celui qui guide sans écraser.
Celui qui rassure, même quand lui-même est éprouvé.

Ce n’est pas ta femme qui va t’en donner le diplôme.
C’est Dieu qui t’observe. Et toi seul qui sais si tu es en train de le mériter.


  1. Sourate An-Nisâ, verset 34. ↩︎
  2. Tafsîr Ibn Kathîr, tome 2, p. 46. ↩︎
  3. Tariq Ramadan, Muhammad, vie du Prophète, p. 236. ↩︎
  4. Tafsîr al-Qurtubî, commentaire du verset 4:34. ↩︎
  5. Sourate Al-Hujurât, verset 13. ↩︎
  6. Sourate Al-Baqara, verset 153. ↩︎
  7. Rapporté par Al-Bukhârî et Muslim. ↩︎
  8. John Gray, Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus. ↩︎
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Commentaires

3 réponses à “Qawwâma : une responsabilité, pas un privilège”

  1. Bonjour. Merci cela me permet de découvrir un peu le Coran que je ne connais pas. J’ai toujours souhaité le connaitre mais ce n était pas ma priorité. je commence juste un comprendre la Bible au delà du texte.
    C’est très beau ce que tu écris. Des règles simples de vie ensemble, de réciprocité, de bon sens. Des éléments qu’ on rappelle à n importe quel couple en thérapie.
    Pour moi toutefois les textes sacrés ne sont pas là seulement pour nous dire comment nous comporter au quotidien mais comment nous « élever » dans le divin.

    1. Merci pour ton commentaire Aurélie.
      Je suis heureux que tu aies pu découvrir une petite partie du Coran dans mon blog. 🙂
      En effet, les textes sacrés nous aident à nous élever vers le divin. Ce qui est motivant, c’est qu’une fois qu’on les comprends, on se rend compte que les actions à mettre en place sont très accessibles.

  2. Je ne connais pas suffisamment le Coran et je le regrette, mais j’aime beaucoup ton article.
    J’aime particulièrement le concept d’avoir une responsabilité, et pas un privilège. Je trouve que ce principe peut être appliqué pour tout dans la vie. Bravo pour l’avoir si bien expliqué.

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